Proximité et prévention au coeur de la stratégie de sécurité de la Ville
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Nous l’attendions depuis le débat clermontois sur le taser (Pistolet à Impulsion Electrique) dont a été dotée la police municipale clermontoise fin 2020. Et c’est fait, la Ville de Clermont vient de se doter d’une stratégie de sécurité et de Prévention de la Délinquance qu’elle mettra en oeuvre avec ses partenaires dans le cadre d’un Conseil de même nom (CLSPD), tous deux créés lors du conseil municipal du 29 juin 2022.
Et si à cela, nous ajoutons la création et la mise en oeuvre d’une brigade de soirée de la police municipale – promesse électorale de 2020 – ainsi que la progressive mise en place d’une Direction dédiée à ces questions – la Direction de la Prévention et de la Tranquillité publique – nous sommes satisfaits de voir notre majorité et la Ville de Clermont-Ferrand avancer dans la construction d’une politique municipale (PM) de sécurité fondée sur des principes conformes à nos attentes, aussi bien en termes de proximité que de prévention.

En effet, pour les écologistes, la sécurité est une politique publique d’importance. D’une part parce qu’elle essaie de répondre à une attente dans une ville qui a beaucoup changé ces dix dernières années, que ce soit en termes d’inégalités, de nature des risques, d’exposition aux trafics, d’occupation et de partage de l’espace public comme de recul de la présence policière au quotidien. Autant de problématiques que les séquelles de plusieurs confinements successifs ont tout particulièrement mises en exergue.
D’autre part, c’est une politique publique qui mérite considération, tant une police municipale et de proximité peut constituer un outil central de notre capacité à faire ville, si tant est que nous puissions en concevoir la doctrine hors d’un aspect strictement répressif et disciplinaire. Cela nécessite de pouvoir en penser les missions dans une complémentarité à celles de la Police nationale (PN) et non dans l’optique du « continuum » macronien qui, pensant la PM comme le prolongement local de la PN, en fait un levier d’économies et de désengagement de la part de l’État. A cette vision purement managériale, quantitative et répressive des missions des polices, s’ajoute le risque croissant d’une inégalité croissante entre territoires dans les politiques de sécurité, à mesure du retrait plus ou moins (souvent moins) compensé des moyens de l’État.

Dès lors, à nos yeux, une politique de prévention et de tranquillité publique dans une ville ne peut plus être considérée

  • ni comme une politique secondaire, c’est-à-dire une cautère sécuritaire sur la jambe de bois de politiques sociales insuffisamment dotées : une stratégie de tranquillité publique est aujourd’hui nécessairement transversale et complémentaire à nombre de politiques et de compétences municipales…
  • ni comme le prétexte de discours simplistes fondés sur la mise en exergue de la seule sanction, voire de sa promesse ou des outils de sa possible exécution : on pense ici bien évidemment à ce qui occupe (en plus de l’armement, notamment létal) l’essentiel du débat sur les polices municipales, à savoir les caméras de vidéosurveillance.

Une politique de Prévention et de Tranquillité publique doit être pensée dans la globalité des risques et la coordination des moyens permettant de les prévenir et de les atténuer : c’est un débat exigeant, qui se prête moins aux caricatures que les postures habituelles. Toujours est-il que c’est à ce niveau d’exigence que les élu.e.s écologistes à Clermont-Ferrand tiennent à placer ce débat (et ce depuis un certain temps : LIEN). Et qu’en ce sens, la création récente du Conseil clermontois de Sécurité et de Prévention de la Délinquance (CLSPD) constitue une véritable satisfaction pour notre groupe. Et ce, pour 2 raisons principales :

1/ La création du CLSPD acte une refonte complète de nos dispositifs locaux de prévention de la délinquance, via la mutualisation avec la Métropole et une rationalisation dans le partage des missions entre Ville et Intercommunalité. Le 24 juin dernier au Conseil de Clermont Auvergne Métropole, nous avions voté la création d’un Conseil métropolitain de Sécurité et de Prévention de la Délinquance.

Nous avions alors souligné combien la répartition des missions nous semblait pertinente en permettant à Clermont-Ferrand d’adopter une stratégie plus locale et plus focalisée sur des problématiques de terrain en prise sur des souffrances réelles de la population. Qu’il s’agisse de la prise en charge des personnes en souffrance mentale dans l’espace public, de la politique de coordination des efforts de médiation à toutes les échelles ou du suivi individualisé des jeunes individus à risque en matière de délinquance et de récidive, les actions envisagées sont beaucoup plus ciblées sur la prévention et la racine des problèmes que par le passé. C’est un progrès et une réelle ambition qui nous éloignent de ce qu’étaient le précédent CISPD (Conseil Intercommunal), simple plateforme d’échange entre instances (et entre 7 communes), sans réelle portée opérationnelle.

2/ La création de ce CLSPD nous permet également de parvenir à la première formalisation sérieuse d’une politique de sécurité et de prévention de la délinquance à Clermont-Ferrand autour d’une quinzaine de fiches-actions.

Pour les écologistes, c’est une stratégie déterminante dans la mesure où la police de proximité et la prévention de la délinquance sont intimement liées et constituent les deux piliers de toute approche sérieuse, humaine et concertée de sécurité et de tranquillité publique locales. Or proximité et prévention constituent les deux principes-clés de ce document, auquel s’ajoute très explicitement d’ailleurs, celui d’une co-construction citoyenne auquel notre groupe est particulièrement attaché. En ciblant des objectifs et des problématiques concrètes – espace public, personnes vulnérables, jeunesse… – et en faisant le pari du suivi personnalisé, de la mobilisation / coordination de toutes les instances concernées ainsi que de la médiation, on aboutit à la formalisation d’une démarche cohérente, opérationnelle et évaluable parce que concrète. Bref, ce document constitue la promesse du déploiement d’une stratégie sérieuse de Tranquillité publique à Clermont-Ferrand qu’il nous appartiendra d’ajuster et de développer dans les années à venir.
En effet, cette stratégie est prévue pour 2 ans et comme nous n’en sommes qu’à l’amorçage de ces politiques, nous devrons évaluer régulièrement les dispositifs de ce CLSPD.

Quelques exemples de fiches-actions sécurité et prévention de la délinquance (Clermont-Ferrand)

Un conseil de la nuit (Action N°8)

Avec l’appui des interventions et de la présence de la brigade de soirée de la police municipale, cette instance de concertation et de coordination devrait permettre d’aborder sérieusement une série de problématiques liées à la vie nocturne clermontoise. Ce conseil a pour vocation de rassembler tous les acteurs de la nuit à Clermont-Ferrand, commerces, usagers, riverains afin de répondre aux problématiques de nuisances, mais aussi de partage de l’espace public.

Dehors mais pas seul (Action N°5)

Le principe est acté d’aborder les personnes en souffrance mentale sur l’espace public, y compris les personnes s’alcoolisant massivement, avec empathie, médiation et connaissance des personnes afin de prévenir d’éventuels faits de violence et réduire le sentiment d’insécurité parfois engendré dans ce genre de situations.

Accompagner les médiations (Action N°6)

L’une des priorités du CLSPD est d’agir en amont par la présence humaine pour prévenir les mauvais usages et/ou la dégradation des espaces publics. Des dispositifs existent mais le plus souvent sans coordination : l’idée est à la fois de renforcer, soutenir et développer le réseau de ces médiations. Pour ce faire, la possibilité de recruter une personne en charge de cette coordination sera étudiée.

Initier la Journée du Tutorat (Action N°10)

Dans l’idée de développer les dispositifs de Travaux d’intérêt généraux (TIG) qui font de la mairie le partenaire d’une justice tournée vers la prévention de la récidive, la Ville s’engage à faire connaître et à valoriser le rôle de tuteur de TIG, notamment auprès de ses associations et via l’organisation d’une journée dédiée, éventuellement exportable dans d’autres communes de la Métropole.

Clermont partagé, Clermont apaisé (Action N°15)

Ville à 30, modification du plan de circulation, schéma cyclable : la mutation de la ville est aussi une mutation des mobilités et des moyens de déplacement dont nous devons gérer la cohabitation et le développement harmonieux, notamment par le respect des nouveaux usages en terme de mobilité. Pour ce faire, sont prévus des :
– Contrôles de police PM et PN : respect des pistes cyclables, de la zone piétonne, de la ville à 30.
Campagnes de sensibilisation et actions de prévention sur le partage de l’espace public : place des piétons, des vélos, des trottinettes…

Des moyens humains & de la concertation

Par-delà cette obligation d’évaluation permanente, quelques points de vigilance nous apparaissent d’ores et déjà nécessaires :

1/ Sur les moyens, tout d’abord : il est connu que les CLSPD les plus opérationnels et efficaces sont ceux où les moyens sont le mieux déployés. On peut certes considérer le maintien d’une agente qui travaillait autrefois pour 7 communes sur le CLSPD du seul Clermont-Ferrand comme la préservation voire comme une légère consolidation des moyens. Mais comment satisfaire, à terme, à l’ensemble des engagements de ce document (15 fiches-actions), comme le mentionne d’ailleurs l’action N°6 consacrée à la recherche de financement d’un poste de coordinateur des actions de médiation, dont la centralité n’est plus à démontrer dans une démarche de prévention et de police de prxoimité ?
Nous faudra-t-il par exemple affecter à cette instance certains des recrutements prévus pour la police municipale ? La question est posée. Si les moyens humains que nous devons consacrer à cette politique sont nécessairement appelés à croître, nous devons aussi en penser les capacités à remplir toutes les missions et objectifs assignés à notre police municipale.

2/ Vigilance ensuite sur la profondeur de la co-construction publique et institutionnelle annoncée. En 2020, en amont du débat sur le Taser, nous en appelions à des « états généraux de la sécurité » et de la prévention à Clermont-Ferrand. Cette capacité à intégrer les Clermontois.e.s à la définition de nos politiques de tranquillité et de proximité nous a toujours semblé nécessaire à la fois pour une meilleure appréhension du sentiment d’insécurité parmi la population et pour s’appuyer sur l’expertise citoyenne de proximité, seule condition d’une vraie police de proximité et de prévention. Les diagnostics locaux de sécurité qui étaient le socle de la police de proximité de la fin des années 1990 reposaient pour une part non négligeable sur l’évaluation du sentiment d’insécurité des habitant.e.s. La Ville de Rennes, en pointe sur la prévention depuis des années, s’est d’ailleurs récemment dotée d’un livre blanc de la prévention et de la sécurité co-construit avec les citoyen.ne.s, ce qui permet à la fois une appréhension fine des problématiques, quartier par quartier, et une déclinaison pertinente des dispositifs, notamment en prévention et en médiation.     

Cette co-construction, ou à tout le moins, cette implication d’une diversité d’acteurs dans la définition de ces politiques permet également de relever le défi de l’évaluation et de l’ajustement des dispositifs dans le temps. Aussi nous semble-t-il important d’associer les élu.e.s au fonctionnement de ce CLSPD afin de les former à ces questions mais aussi de croiser au mieux les compétences et les délégations, tant finalement la sécurité et la prévention de la délinquance sont transversales à nombre de délégations et compétences municipales.

Voir aussi nos propositions pour un modèle de police municipale à Clermont-Ferrand      

3/ Enfin, et c’est à la fois une question d’évaluation et de moyens, notre groupe reste très sceptique quant au déploiement massif et indiscriminé de caméras, tant au regard de la protection réelle apportée qu’à celui des dépenses engendrées, dépenses que nous aurions pu orienter autrement et notamment vers le fonctionnement humain de notre CLSPD. Même si la fiche – action N°13 concerne cette dimension spécifique de notre stratégie et même si le déploiement des caméras relève aussi de la nécessité d’honorer le Contrat de Sécurité Intégré passé avec l’Etat et voté en juin 2021, nous sommes partisans d’une prudence redoublée quant à ces dispositifs de vidéo surveillance qui, s’ils peuvent faire leurs preuves dissuasives dans certains milieux urbains clos (parkings, bâtiments…), ne nous laissent pas moins songeurs quant au rapport entre leur efficacité et leurs coûts d’installation et de fonctionnement. Les derniers rapports de la Cour des Comptes, constante en la matière, ne sont pas sans nous inviter à la réflexion, à la prudence et à l’évaluation très précise du rapport coût-bénéfice de ces équipements.

Rapports de la Cour des Comptes sur la vidéosurveillance