Police, proximité & prévention
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– Nos propositions pour un modèle de police municipale à Clermont-Ferrand

Armement et vidéosurveillance seraient, d’après le ministre de l’Intérieur récemment en déplacement à Clermont-Ferrand, les deux mamelles de toute bonne politique de sécurité municipale.

Pour nous, élu.e.s écologistes de Clermont-Ferrand, cette position est à la fois caricaturale, datée et trop restrictive quant à ce que doit être une politique de tranquillité publique et de prévention de la délinquance dans une municipalité et à Clermont-Ferrand en particulier. La vision de la ville, à la fois résiliente et solidaire, que nous défendons ne peut pas faire l’économie d’une idée de police qui lui corresponde : faire police c’est aussi une façon de faire ville et de vivre ensemble. Nous sommes donc porteurs d’un modèle de police municipale fondé sur deux piliers : la proximité et la prévention. Piliers à l’aune desquels nous devons évaluer l’ensemble des dispositifs et des moyens dont nous pouvons nous doter, y compris en termes d’armement et de caméras. Proximité et prévention qui ne sont pensés que dans le cadre d’une mission autonome, complémentaire et non substituable aux missions de la Police nationale et de la Justice.

1/ Une police de proximité et de voisinage

Même si le terme de police de proximité paraît usé tant il a été raillé d’un côté et encensé de l’autre, le moment nous apparaît venu d’en revenir aux fondamentaux de cette notion de proximité dans le travail de police, étant donné l’échec du modèle porté par ses contempteurs depuis le début des années 2000.

Deux points nous semblent essentiels :

  • renouer le lien trop distendu entre police et population : les impasses auxquelles nous nous heurtons depuis des années en termes de renseignement, de connaissance du terrain et de prévention résultent le plus souvent d’une réduction des effectifs, d’une gestion par le chiffre et d’une centralisation / spécialisation de la police nationale ;
  • intégrer la question de la sécurité dans une action plus globale au service de la résilience alors que la crise de la COVID–19 nous fait entrer dans une ère du risque global, fût-il sanitaire, écologique ou climatique. Or il apparaît qu’une solidarité élémentaire au niveau du quartier pourrait grandement nous aider à gérer la survenue et les conséquences de telles crises. Solidarité à laquelle les missions de la police municipale pourraient ne pas être étrangères en assumant la coordination des différents acteurs d’un même quartier : associations, acteurs sociaux, services publics, acteurs de la santé Les missions d’une telle police municipale ne se résumeraient donc pas uniquement à la seule surveillance de l’espace public. Elle viendrait plus largement renforcer les dynamiques sociales au sein d‘un même quartier en allant chaque jour à la rencontre des habitants (avec une attention toute particulière portée aux personnes les plus vulnérables), en participant à la vie du quartier par la proposition d’action de prévention (notamment lors des événements organisés par la Ville ou les associations) ou en favorisant les échanges entre les acteurs. Elle aurait aussi une mission de protection du cadre de vie, en assurant le respect des réglementations environnementales (sur l’écobuage, la pollution des eaux…).

Cette conception du rôle de la police municipale vient renforcer la conviction que les questions de sécurité ne se traitent pas sous le seul prisme de la répression mais par une action conjointe dans une multitude de domaines : insertion professionnelle, cadre de vie, accès à la culture, prévention …

Aussi nous semble-t-il utile de faire de nos agents de police municipale les agents référents d’une Gestion Urbaine de Proximité élargie à l’ensemble des quartiers de Clermont-Ferrand. Bref, les véritables acteurs polyvalents de l’amélioration du cadre de vie et de la facilitation du vivre-ensemble à l’échelle de chaque quartier.

La Gestion Urbaine de Proximité (GUP), dont la dernière convention remonte à 2013, reprend pour partie ce souci de territorialisation, de proximité et de transversalité dans la mise en place d’une politique publique en faveur de l’amélioration du cadre et des conditions de vie au sein d’un quartier. Cependant et sous réserve du bilan qui pourrait être fait de la convention, une généralisation de la GUP (qui ne concerne actuellement que 7 quartiers prioritaires et de veille active) au sein laquelle viendrait s’intégrer une politique de tranquillité publique pourrait être une option intéressante à étudier. Cette organisation nouvelle pourrait être assise sur un service GUP dont les premiers référents seraient les agents de la police municipale affectés dans des brigades de quartier.

Pour ce faire, il nous apparaît essentiel de renforcer une implantation de la police municipale par quartier au sens strict du terme (en reprenant la cartographie des 11 secteurs d’intervention de la police municipale). Ces brigades de quartier seraient ainsi identifiées par les commerçants, les enseignants, les acteurs associatifs, les bailleurs sociaux ainsi que par l’ensemble de la population comme référents polyvalents en matière d’amélioration du cadre de vie, de la propreté des lieux publics à la prévention de la délinquance en passant par les problèmes de stationnement.

Cet îlotage à personnels affectés par quartier ne passerait pas forcément par la création de nouveaux mini-hôtels de police (souvent trop lourds à gérer) mais s’appuierait plutôt sur la présence de structures existantes, ainsi les maisons de quartier ou les mairies annexes.

Pour partager cette nouvelle conception de la police municipale avec les agents eux-mêmes, une Charte de la Police de Proximité nous apparaît utile. Définissant les fondamentaux de la cette mission de voisinage, une telle charte préciserait également la nature des partenariats à construire et à faire vivre tant avec la Police nationale qu’avec la Justice (le Parquet) sur l’autre grand volet de son action, tourné quant à lui vers la prévention de la délinquance.

2/ Évaluer et améliorer les outils de prévention

Les questions relatives à la prévention de la délinquance continueront d’être plus spécifiquement traitées au sein de l’actuel Conseil Intercommunal de Sécurité de la Prévention de la Délinquance renouvelé. Cet organe, composé des différents acteurs confrontés aux questions de délinquance (tels que les bailleurs sociaux, les services hospitaliers, la PJJ, les associations de commerçants, l’inspection académique …), se réunit une fois par an en plénière et se répartit ensuite en différents groupes de travail thématiques.

Son fonctionnement actuel à Clermont-Ferrand souffre de plusieurs lacunes :

  • il ne prend pas forcément en compte les spécificités de chaque quartier et n’associe pas suffisamment les acteurs de terrain (école, collège ou lycée, associations culturelles ou sportives, médecins, maison de quartier, établissement socio-culturel, commerçants…).
  • il ne s’appuie que sur des moyens de coordination insuffisants (un agent de la Ville), ce qui freine son action au plus près du terrain comme la transmission de l’information entre les différents acteurs, transmission pourtant cruciale en termes de prévention de la délinquance.

Pour une action plus ciblée et plus efficace, nous estimons qu’il faudrait :

  • mettre en place des comités de liaison territorialisés (par secteur d’intervention de la police municipale) associant les acteurs de terrain (dont les agents de police municipale) et se regroupant a minima une fois par trimestre, et, en parallèle un groupe de travail proximité en lien avec la police nationale et le Parquet afin de coordonner une action en réponse aux problèmes identifiés par les comités ;
  • intégrer au recrutement des 30 nouveaux agents de police municipale annoncés des postes en charge de la coordination du CISPD et de son action territorialisée (en partageant les coûts avec les autres communes intéressées) ;
  • évaluer et renforcer une politique globale de médiation sociale ;
  • renforcer la coordination avec la Justice pour proposer des réponses plus adéquates aux questions de délinquance et de récidive en mobilisant tous les outils attribués au maire en la matière (aides à la parentalité, transactions, rappels à l’ordre etc.) et en profitant, pour cela, des initiatives récentes du gouvernement en matière de Justice de proximité.

3/ Communiquer et impliquer

Enfin, de manière transversale à ces deux piliers de notre doctrine de tranquillité publique et de sécurité, le souci de proximité entre la population et sa police municipale doit aussi passer par la mise en place d’outils tels qu’une permanence téléphonique 24/24, une application smartphone GUP (Gestion Urbaine de Proximité) et un accueil physique dans les quartiers. A Rennes, une maison de la tranquillité publique est en cours de construction, en plus de l’hôtel de la police municipale. Une telle structure pourrait sans doute voir le jour dans les quartiers nord de Clermont-Ferrand en coordination et en mutualisation avec la Maison de la justice et du droit déjà existante à Saint–Jacques.

Enfin il ne peut pas y avoir de proximité et de respect de la proximité sans travail de fond sur un nécessaire diagnostic local de sécurité, afin de connaître au mieux les attentes et les besoins de la population quartier par quartier et pour permettre un suivi plus rigoureux des actions déployées. Au-delà du document préalable à toute politique, l’exigence de diagnostic nous semble être une exigence permanente pour une police dite de proximité. Aussi nous apparaît-il pertinent d’intégrer les questions de tranquillité publique et de gestion de proximité (y compris sous certains aspects, de prévention de la délinquance) aux futurs outils de la politique d’innovation démocratique (conseils de quartier thématiques), tant il est évident qu’il ne peut y avoir de proximité, de solidarité et de vie de quartier sans participation des habitant.e.s. Loin de toute lubie contributive, la dimension participative en matière de sécurité ne cesse de s’affirmer, qu’il s’agisse d’un diagnostic de sécurité dans la ville de Pau ou de la participation des habitant.e.s à la rédaction d’un Livre Blanc de la Sécurité à Rennes.

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Un autre modèle de police est donc possible; il est surtout souhaitable ! La police municipale, de par sa dénomination, ne peut se construire par mimétisme avec les missions de la Police nationale. Rappelons son étymologie : une communauté de citoyens libres et autonomes. Orientons les missions de notre police municipale vers cet objectif d’émancipation des habitant.e.s de notre ville et donnons-nous pour cela les moyens nécessaires à sa mise en œuvre.