Métropole : une soif de croissance (2)
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La crise des dettes souveraines et par là de la solidarité territoriale – crise encore largement devant nous – a autant mis en exergue le fait que le désir métropolitains. Mais si la réalité des territoires en France aujourd’hui est à une concentration toujours plus poussée des zones en croissance, cette tendance à la métropolisation est-elle absolument inéluctable ? Est-elle même complètement désirable ?

La consécration du fait métropolitain est aussi la reconnaissance d’une triple logique de développement.

  • Une logique de domination : l’économiste Laurent Davezies affirme que « les métropoles constituent un enjeu économique majeur. L’économie française des vingt prochaines années dépendra de ce qui se passe sur 4 à 5 % du territoire du pays. » (Alternatives Économiques, mai 2013) Véritables locomotives de la croissance nationale, elles concentreront l’essentiel de l’innovation, des ressources (Travail, compétences, finances, marchés) et du dynamisme du pays. Elles seront les piliers du pays face à la concurrence européenne et globale.

Quid des espaces résiduels et intersticiels, bref de la presque totalité de l’espace national ? Et quid de ses ressources, naturelles, énergétiques, agricoles etc… Devront-elles être toutes orientées vers le service exclusif des métropoles, des 4 ou 5 % de territoire « compétitifs » ?

  • Une logique de conquête : on vise ici l’attractivité optimale dans un environnement de concurrence entre les territoires et donc de parfaite mobilité des facteurs de production et d’innovation. La recherche de l’attractivité est donc le premier des impératifs que se fixe le Grand Clermont dans ses stratégies de développement (La montagne, 7 juin 2013). Il s’agit par exemple, de pouvoir fixer des emplois à « forte valeur ajoutée » et de consacrer les investissements nécessaires à cet effet. Placée sous le signe de la conquête, la culture tend au tourisme, au marketing et au spectacle (sportif notamment) et le territoire à l'(ré)invention d’un patrimoine. Cette conquête induit donc une croissance démographique, économique et intellectuelle.

L’attractivité n’est certes pas un défaut pour un territoire. A condition que ce territoire en fasse moins sa finalité exclusive que la résultante d’un projet global touchant à tous les aspects de la vie de cet espace : biens communs, ressources, vivre ensemble, développement, innovation… Ce qui, quelque part, implique un renversement de perspective.

  • Une logique de performance : les deux logiques précédentes (domination et conquête) reposent et nourrissent à la fois la troisième exigence, celle de performance. On parle alors de compétitivité du territoire. Elle s’incarne dans toute une série d’infrastructures prestigieuses et d’investissements monumentaux : grands stades, aéroports, autoroutes, Lignes à Grande Vitesse…

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Domination, conquête et performance territoriales correspondent à une tendance à la fois contrainte (celle du rétrécissement des espaces compétitifs du fait du principe de toujours plus pour toujours moins) et choisie (le choix de donner la priorité aux territoires où se concentre la richesse).
La priorité gouvernementale donnée à ce texte sur « l’affirmation des métropoles » (dans le cadre de l’Acte III de la décentralisation) comme le manque de cohérence et de profondeur démocratique qui lui sont reprochés, notamment par les sénateurs écologistes, laissent à penser qu’il a été conçu sous l’éclairage de cette triple ambition. Pas étonnant d’ailleurs lorsque le cap de l’exécutif actuel semble braqué sur le seul retour à la croissance : il lui faut donc en trouver les leviers territoriaux !

Métropolisation : une tendance durable ?

Cette vision de la métropolisation – et plus largement de la décentralisation – nous semble néanmoins, à nous écologistes, trop à courte vue, dans la perspective des crises auxquelles nous sommes confrontés, crises systémiques ou véritables métamorphoses. La limitation des ressources énergétiques, et par là du potentiel de croissance, comme le double impératif de sobriété et d’efficacité ne peut à terme conduire qu’à un rétrécissement toujours plus poussé des zones en croissance et à une explosion des inégalités au coeur même de la métropole. Tout comme l’hypertrophie financière, l’hypertrophie métropolitaine conduit tout droit à un réajustement ou démembrement brutal : l’explosion de la bulle financière préfigure assez l’éclatement de la bulle urbaine et métropolitaine. Le démembrement de la ville industrielle de Detroit aux États-Unis pourrait d’ailleurs en être un version prémonitoire : implosion des quartiers centraux, démembrement de la structure métropolitaine par des bretelles autoroutières reliant des zones péri-urbaines très étalées à de nouveaux centres d’affaire hypersurveillés…

Aussi faut-il tenter de corriger cette triple ambition métropolitaine – domination, conquête, performance – et somme toute très technicienne, par une triple exigence tournée vers les principes du vivant : échange, individuation, résilience. Et en tirer toutes les conséquences quant au cadre institutionnel.

[A suivre…]

Métropole, métropole, mais quelle métropole ? (1)

Métropole : du géant au vivant (3)