Metropole : du géant au vivant (3)
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« Roger Quilliot a réussi la mutation économique, Serge Godard, la mutation urbaine. A nous de réussir la mutation métropolitaine », lâchait récemment le dernier candidat à la désignation de la tête de liste socialiste pour les élections municipales de Clermont. Soit. Mais quelle mutation pour quelle métropole ? La question mérite d’être posée si l’on souhaite éviter de n’affronter que des moulins à vent.

Au-delà de cette triple ambition (domination, conquête, performance) qui semble structurer, si ce n’est nourrir tous les fantasmes de croissance métropolitaine, les écologistes abordent la question métropolitaine moins sous l’angle de la performance que de la résilience; moins sous l’angle de la compétitivité que de la diversité, de l’adaptation et finalement du vivant.

Résilience contre performance – La résilience d’un territoire consiste en sa capacité d’adaptation et donc de résistance à des mutations, voire des chocs externes : crises économiques, climatiques, politiques… Elle nécessite une capacité d’adaptation optimale des modes de vie aux ressources et à l’environnement d’un terrain donné. Elle se fonde sur une maîtrise des besoins et sur leur satisfaction optimale. Une métropole doit donc être pensée en fonction de son cadre naturel, de ses ressources naturelles, renouvelables ; de ses biens communs.

Développement endogène et durable contre conquête – Le principe de résilience implique également une croissance maîtrisée et non infinie : elle appelle donc, non à un devoir incessant de conquête mais au développement serein, analogue à celui d’une forme de vie dans son écosystème : tel est le principe d’individuation du vivant, celui d’un développement autonome et durable dans un environnement donné. Aussi une métropole se pense-t-elle moins selon les principes d’absorption et d’attractivité maximales, que selon celui du bien-être ; non selon une frontière et une taille prédéfinies en termes quantitatifs, mais selon des besoins, des ressources et un projet.

Métropoles d’usage

Aussi nous paraît-il plus pertinent de nous appuyer sur la notion de bassins de vie et sur l’outil d’une intercommunalité à laquelle certains blocs de compétences seraient obligatoirement délégués que de nous focaliser sur la pertinence de tel ou tel seuil quantitatif pour l’appellation de métropole. Cette approche plus souple et qualitative permettrait aussi de concevoir des espaces métropolitains d’usage au sein desquels cohabiteraient plusieurs bassins de vie : la plaque urbaine Clermont -Riom- Vichy en serait d’ailleurs un parfait exemple ; celui non d’une métropole intégrée, mais de plusieurs bassins de vie cherchant à organiser de façon optimale leur symbiose sur des espaces et des outils communs (Val d’Allier, Limagne, Forez, Combrailles, réseaux de transport et d’énergie…).

Échanges contre domination – Cette dernière remarque débouche naturellement sur la troisième logique alternative, celle de l’échange et de la coopération entre les territoires, plutôt que celle de la vassalisation. Conséquence immédiate de la résilience et de l’individuation des entités territoriales, elle se fonde bien évidemment sur le principe fondamental d’autonomie des bassins de vie. Autonomie ne signifiant pas indépendance mais capacité à nouer des liens avec l’extérieur sans se diluer. Opposer les échanges à la domination stricte sous-entend également l’invention d’une pratique démocratique élargie et approfondie à l’échelle des nouvelles intercommunalités : au débat exclusif entre associations d’élus défendant des intérêts corporatifs, il nous apparaît impératif qu’à l’avenir les citoyens et la société civile soient associés à la réflexion et à l’élaboration des pratiques démocratiques – co-élaboration, délibération, décision, évaluation… – intercommunales. Aussi l’apparition de structures métropolitaines dont les élus ne seraient pas élus au suffrage direct avant 2020 nous laisse pour le moins perplexe.

Le bon déroulement des échanges entre bassins de vie passe également par une vision stratégique et externe que l’échelon régional semble à même de porter : région stratège, région élargie à des territoires plus cohérents et région pilote de la coopération entre entités et territoires… Faudrait-il que sous couvert de métropolisation, nos régions soient amputées de leurs centres et compétences ?

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On le comprend ici, un nouvel acte de décentralisation ne peut pas se limiter à chercher d’ultimes havres de croissance, là où d’autres allaient la chercher avec les dents. Si la décentralisation est une idée historiquement neuve, le tâtonnement qu’elle implique ne peut faire l’économie d’une vision claire des territoires et des futurs modes de vie. Aussi la métropole n’apparaît-elle que comme un remède auquel il faut remédier en apportant toute une série de correctifs : démocratie, coopération, souplesse et subsidiarité.

La métropolisation du territoire a un besoin pressant de renouer avec la complexité de la vie qu’il recèle. Il semble d’ailleurs que le gouvernement ne soit pas resté sourd à cet aspect des choses. Le 6 juin dernier, lors de l’ouverture des Assises des villes moyennes à Colmar, la ministre déléguée à la décentralisation, Anne-Marie Escoffier, annonçait la possible apparition d’une notion nouvelle dans le cadre de l’Acte III : les pôles d’équilibre. « Au delà des métropoles, des régions et des départements, nous sommes convaincus qu’il existe des zones interstitielles essentielles, les pôles d’équilibre, et nous voulons leur donner toute leur place dans la loi », a déclaré la ministre. Si le contour de ces « pôles d’équilibre » n’est pas encore bien fixé, il semble correspondre aux « bassins de vie » constitués autour des villes moyennes, bassins «qu’il faut protéger d’un risque d’asphyxie », a-t-elle poursuivi. [Source AMF, Association des Maires de France]

Le seuil des 400 000 habitants n’étant pas franchi, l’Auvergne quant à elle, a encore le temps et l’opportunité de s’interroger, avant d’éventuellement inventer un modèle alternatif à la seule métropole de taille internationale.

Pour aller plus loin :

Métropole, métropole, mais quelle métropole ? (1)

– Métropole : une soif de croissance (2)