Roms: Valls, dans la droite lignée de Guéant, c’est tout simplement inacceptable
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L’universitaire Esther Benbassa, également sénatrice EELV du Val-de-Marne, dans la lignée de Cécile Duflot, déplore les propos du ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, sur les Roms. «Imaginer construire un programme politique sur la stigmatisation d’une communauté est la négation même de ce que nous sommes censés incarner», estime-t-elle. Le plus grave, selon elle, c’est que la gauche, au sein même de la majorité, emboite le pas de la droite, qui instrumentalise la situation à des fins totalement électoralistes.

La phrase de Cécile Duflot à l’adresse de Manuel Valls me paraît des plus appropriées. Oui, les propos du ministre de l’Intérieur, à l’égard des Roms, mettent en danger le pacte républicain. Car, entendre, à nouveau, ce type de déclarations ne peut nous laisser indifférents, il nous rappelle les heures sombres de l’histoire. Il n’existe pas de peuples non intégrables, seulement des nations non accueillantes. Dans les années 1930, que disait-on des juifs? Dans une période bien plus récente, sous le mandat de Nicolas Sarkozy, c’étaient les musulmans qui ne pouvaient s’intégrer au sein de la République française. Là désormais, ce sont les Roms. Les mots de Manuel Valls sont bien mal venus. A croire que sur ces questions, la gauche entend s’aligner sur le programme de Front national et de la droite dure. Mais, à ce rythme-là, entre le FN et une pâle copie, pour qui les gens finiront par voter?

Les maires font le pied de grue chez M. Valls

La question des Roms est, aujourd’hui, totalement instrumentalisée à des fins électoralistes. Les déclarations récentes de Nathalie Kosciusko-Morizet en sont un parfait exemple. Derrière, la gauche emboîte le pas, une mise au diapason indigne. Nous savons très bien que les maires font actuellement le pied de grue chez M. Valls afin que ce dernier les débarrasse de “leurs” Roms pendant la campagne. Car s’il faut prendre pour cible des citoyens européens – qui, au demeurant, ont le droit de circuler librement – afin d’être réélu, ces candidats n’y voient aucun problème. Ne nous étonnons pas, ensuite, d’être sérieusement rappelé à l’ordre par l’Union européenne.

Je constate, depuis un moment, bien des comportements inadmissibles dans les rangs de la majorité. Imaginer construire un programme politique sur la stigmatisation d’une communauté est la négation même de ce que nous sommes censés incarner. Que la droite qui n’a rien à proposer sur les grands problèmes du pays s’en prenne à ces Roms qui ne votent pas, c’est une chose. Mais que la gauche fasse de même, cela en est une autre. Valls, dans la droite lignée de Guéant, c’est tout simplement inacceptable! En tant que femme de gauche, j’observe ahurie ce manège. Pourtant, je suis persuadée que Manuel Valls n’est pas raciste. Son instrumentalisation politique des roms n’en est que plus condamnable. C’est pire même. Car, ces pratiques politiciennes nous décrédibilisent encore un peu plus aux yeux des électeurs. Ces derniers doivent se dire: décidément, ces politiques n’ont aucune conviction! Déjà que le débat parlementaire autour du non-cumul n’a pas redoré notre blason au sein de la majorité…

Entre Sarkozy et Hollande, si peu de différences…

Dans ce contexte, la réaction de Cécile Duflot est d’autant plus importante. Il était grand temps qu’un membre important du gouvernement tape du poing sur la table. Quant à François Hollande qui manifestement n’entend pas recadrer son ministre de l’Intérieur, qu’il ne s’étonne pas de voir sa popularité chuter encore un peu plus auprès du peuple de gauche. S’il joue à ce petit jeu à défaut d’imposer son programme politique, Il ne faudra pas se plaindre par la suite. Jean-Marc Ayrault a, lui, affirmé à Angers qu’il s’en tenait à la circulaire du 26 août 2012. Ce que l’on peut traduire – il me semble – comme l’expression d’une désaveu envers Manuel Valls. Reste que sur le terrain, cette circulaire n’est pas appliquée non plus. Jusqu’où peut-on duper nos concitoyens? Tout cela est assez honteux.

Tout compte fait, sur les questions d’immigration, très peu de choses nous différencient de la période Nicolas Sarkozy. A l’exception peut-être de l’accueil en préfecture des sans-papiers, désormais plus humain… Pour le reste, aucune évolution notable, si ce n’est que l’on harcèle moins les musulmans. Logique au demeurant, puisque les nouveaux bouc émissaires sont les Roms. Nous ne pouvons continuer comme ça.

Le manque de volonté politique sur ce dossier est patent: scolarisation, accès au travail, offre de logements décents, etc. Il n’y a rien de tout cela ou si peu. Or, cela permettrait de sortir rapidement ces populations de leur extrême précarité et résoudrait, en grande partie, les problèmes d’incivilités et de délinquance. Lorsque l’on voit comment sont bafoués les droits humains dans notre pays et que l’on entend des propos comme ceux de Manuel Valls, c’est à se demander ce que nous faisons dans la majorité!

Plus que jamais, en tant qu’hommes et femmes de gauche, nous sommes là pour faire progresser les mentalités, apaiser la société et non entretenir au quotidien la xénophobie.

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Source : Newsring.fr, 28 septembre 2013