Pour une politique publique du logement
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Projet de loi Duflot II (loi ALUR, Accès au Logement et urbanisme rénové); crise de l’hébergement d’urgence… Le logement est au cœur de l’actualité ; mais aussi au cœur de bien des crises : économique, sociale, écologique et politique.

Les débats sur le Programme local de l’Habitat (PLH 2) 2013-2018 de Clermont Communauté illustrent bien la nature du changement en cours dans les politiques de l’habitat ; un changement d’échelle.

L’enjeu : rétablir l’égalité d’accès au logement

A Clermont Communauté, les débats autour de ce PLH 2 ont été marqués par les récriminations répétées des communes quant aux nouvelles contraintes imposées par la loi. Et notamment la loi dite Duflot I renforçant les exigences en matière de construction de logement social.

Par sa loi du 28 janvier dernier, Cécile Duflot s’attaque à la pénurie de logements et impulse un changement de cap :
Elle impose notamment :

  • une obligation communale de 25% de logement sociaux (+5%)
  • un renforcement des sanctions pour les communes récalcitrantes : multiplication possible des sanctions par 5 ; relèvement du plafond de ces versements à 10% des dépenses réelles de fonctionnement des communes sanctionnées ; imposition possible de 30% de logements sociaux dans toute opération immobilière de plus de douze logements, dans les communes en situation de carence.
  • le contrôle du circuit des versements : longtemps les amendes infligées aux communes en situation de carence leur étaient reversées via les EPCI. Ces mêmes EPCI ne recevront plus ces versements que dans le but exclusif d’acquérir du foncier pour des bailleurs sociaux.

Aussi on peut comprendre  les réserves des communes les plus en retard sur les exigences de la loi SRU et de son article 55. Surtout si l’on ajoute à cela les contraintes imposées par le SCOT (schéma de cohérence territoriale) en termes de limitation de la consommation foncière.

Changement de cap, changement d’échelle

Contraintes sociales, contraintes environnementales et budgétaires… ne serait-ce pas la quadrature du cercle ? Pour certaines communes très en retard, sans doute. A l’échelle de l’agglomération, pas du tout.
A condition de mener à bien une planification foncière et immobilière publique volontariste, à la bonne échelle : celle du bassin de vie.
Et de faire converger les enjeux économiques, écologiques et sociaux dans une logique de défense de l’intérêt général.

La résistance de l’échelon communal contre la mise en œuvre de dispositifs résolument communautaires appelle deux remarques :

1- D’une part, elle révèle deux conceptions antinomiques de l’avenir de nos territoires.

D’un côté, la vieille approche libérale de la concurrence entre les territoires – et ici, en l’occurrence, les communes – où chacun joue sur son attractivité et ses « avantages comparatifs ». En termes de population, spécialisation concurrentielle signifie pourtant ségrégation et logiques d’entre soi, subies ou choisies. Une catastrophe en termes de vivre ensemble et d’égalité.

De l’autre, une ambition régulatrice, inclusive et protectrice substituant à la soi-disant logique régulatrice du marché privé, celle de la promotion de l’intérêt général et du progrès social.
Il s’agit ici, en croisant une multitude d’enjeux – sociaux, sanitaires, scolaires, énergétiques… – de mettre en place un véritable service public de l’accès au logement et à qualité de vie. De ne plus parler de logement mais d’habitat, c’est-à-dire d’un logement énergétiquement et socialement viable, desservi par du transport durable, à proximité des services urbains de base, à la fois dense (pour limiter l’étalement urbain) et vivable afin de faciliter la cohabitation des cultures, des niveaux sociaux et – plus déterminant encore – de tous les âges.

2- Cette résistance communale souligne aussi le caractère inabouti de l’intégration intercommunale. Il devient urgent et nécessaire de dépasser l’entre-soi communal pour penser et vivre à l’échelle d’un bassin de vie.
Mais comment ?

  • En dotant systématiquement l’intercommunalité de la compétence urbanisme – aménagement via des PLUi (HD), des plans locaux d’Urbanisme intercommunaux (comprenant un volet Habitat et un autre Déplacement). C’est l’une des propositions les plus contestées mais aussi  les plus emblématiques de la loi Dulfot II : elle permet

d’harmoniser les constructions de logements sociaux sur l’ensemble du territoire intercommunal avec une politique de mobilité adaptée
et de poser les conditions pour élaborer le volet habitat d’un véritable projet communautaire d’aménagement et développement durable.
Transférer la planification urbaine des communes vers les agglomérations et bassins de vie permettra de déverrouiller la « rareté » du foncier, vecteur de la fracture sociale et résidentielle entre communes. Or la carence de l’offre de logements neufs à l’origine de la crise française se tient pour une bonne part dans cette rétention du foncier, et dans l’absence de politique communautaire de réserves foncières.

  • Parallèlement à ce transfert de compétence vers les agglomérations, il serait urgent d’accroître la légitimité démocratique des représentants communautaires, via notamment leur élection au suffrage universel direct. Le fléchage des futurs conseillers communautaires n’en est qu’une lointaine et timide préfiguration.

Mais la perspective du décloisonnement municipal de nos territoires reste l’une des meilleures chances de leur inventer un avenir durable.