Pesticides : comment on ferme les yeux
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La loi européenne exige que les demandes d’homologation de pesticides (et par là, la définition des seuils d’exposition) doivent inclure les études sur les molécules utilisées. Mais selon une enquête réalisée par deux ONG (PAN Europe et Générations Futures), la majorité des homologations ne se basent que sur les recherches des groupes industriels.

Depuis la rentrée, le débat sur les pesticides fait rage. Alors que la loi vient de décider de l’interdiction d’épandage des pesticides dans les espaces publics et que le ministère de l’écologie se mobilise pour rendre efficace la protection des captages d’eau potable, certains lobbies agricoles montent au créneau pour défendre leur « droit d’épandage », prétendant ne pas porter atteinte à la qualité de l’eau potable en France.

Mais quels sont les seuils de pollution retenus pour qualifier la potabilité de l’eau ?

La toxicité des pesticides serait-elle sous-estimée ?

C’est en tout cas ce que pensent les associations de défense de l’environnement PAN Europe et Générations Futures qui viennent de publier un rapport démontrant que les régulateurs chargés d’évaluer les substances actives des pesticides pour les autorités européennes ignorent l’obligation légale de produire toutes les études scientifiques de moins de 10 ans dans les dossiers de demande d’homologation des matières actives de pesticides au niveau européen.

Des études fournies par les industriels

D’après ce rapport, les professionnels se contenteraient même des seules études fournies par les industriels eux-mêmes. « Ils sous-estiment donc probablement beaucoup la dangerosité de ces produits », pense l’association Générations Futures. Car c’est à partir de ces travaux qu’ils définissent des niveaux d’exposition « les plus sûrs possibles », rappellent ces militants de la défense de l’environnement.

« Toute la littérature scientifique, y compris les études universitaires, n’est donc pas respectée car ces dernières ne sont jamais jointes au rapport de demande d’homologation d’une matière active pesticide fournie pas les industriels », rajoutent-ils.

L’association souligne que c’est pourtant ce à quoi les parlementaires européens s’étaient engagés lorsqu’ils avaient adopté en 2009 le règlement sur les pesticides.

Les études universitaires jamais prises en compte

Comme preuve de ces accusation, PAN Europe a analysé un échantillon de sept de ces nouveaux dossiers pour la mise sur le marché des pesticides (dossiers d’évaluation des Risques) pour voir comment l’industrie des pesticides et les gouvernements avaient mis en œuvre cette disposition nouvelle. Avec, à la clé, des résultats sans appel.

L’assocation a ainsi découvert que seulement 23% (99) de 434 études importantes de toxicité du monde universitaire sélectionnées par PAN Europe concernant ces 7 molécules, ont été fournies par l’industrie dans ces sept dossiers. De plus, même lorsqu’elles sont fournies, elles ne seraient jamais prises en compte.

En effet, « sans la moindre justification scientifique, pas une seule de ces 99 études n’a ensuite été considérée comme suffisamment pertinente pour être utilisée pour la prise de décision, généralement parce qu’elles n’avaient pas été effectuées conformément aux protocoles de l’OCDE (notamment les bonnes pratiques de laboratoires, BPL) »? prétend Générations Futures.

Une attitude préjudiciable pour tous, car ces scientifiques universitaires mettent en évidence régulièrement des risques nouveaux liés aux pesticides dans leurs travaux.

Des risques sous-évalués

Pour enfoncer encore le clou, ces associations révèlent que, pour les sept pesticides étudiés dans l’échantillon de PAN Europe, elles ont trouvé plusieurs études universitaires qui montrent que les doses présumées sûres de l’évaluation du risque ne le sont pas toujours réellement mais peuvent être surestimées de 2 à plus de 1500 fois !

Résultat, PAN Europe et Générations Futures se disent choqués par la façon dont la science universitaire indépendante n’est pas examinée sérieusement dans le cadre de l’évaluation des matières actives de pesticides », déclare François Veillerette, porte-parole de Générations Futures et Président de PAN-Europe.

«Ceci se fait au mépris des dispositions du Règlement européen sur les pesticides, sans fondements scientifiques et au détriment de la santé des européennes et des européens et de leur environnement. La nouvelle Commission Européenne devra faire cesser ce scandale au plus vite », conclut-il.

Pour rappel, un rapport de l’Inserm publié en juin 2013 a confirmé le danger des pesticides sur la santé pour les agriculteurs et les riverains. L’exposition à ces substances serait associée au développement de cancers et de maladies neurodégénératives.

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Avec Pourquoidocteur.fr