Odile VIGNAL : « La demande de nature est de plus en plus forte. »
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Interview – Les 6e Assises nationales de la biodiversité se déroulent du 14 ou 16 septembre à Clermont-Ferrand. L’occasion pour Odile Vignal, vice-présidente de Clermont Communauté, en charge de l’habitat et du développement durable, de revenir sur l’importance, le bilan et les perspectives des politiques mises en œuvre en ce sens à Clermont-Ferrand et dans notre agglomération.

En tant que vice présidente de Clermont Communauté, quelles mesures concrètes mettez-vous en place sur le territoire en faveur de la biodiversité ?

Le territoire de l’agglomération est enserré entre deux parcs naturels régionaux -à l’ouest et à l’est- et longé, à l’est, par la vallée de l’Allier, fleuve sauvage et réserve de biodiversité. Conscient de la fonction de liaison entre ces réservoirs de biodiversité, les élus du territoire privilégient trois approches au sein de toutes les politiques publiques menées par notre EPCI (Établissement Public de Coopération Intercommunale – ici, communauté d’agglomération, bientôt communauté urbaine) : la reconnaissance du rôle de relais de biodiversité des espaces non bâtis, la nécessité de maintenir ou restaurer des corridors écologiques dans le tissu urbain pour relier les réservoirs extérieurs à l’agglomération, et l’indispensable recensement, évaluation et diffusion de la diversité de nos ressources locales auprès de tous les acteurs du territoire, notamment les aménageurs pour éclairer leurs décisions en amont.

Cela suppose une connaissance de la biodiversité locale et l’appui des acteurs du territoire ?

En effet, le volet connaissance des atouts du territoire est mené en partenariat avec les nombreuses associations actives sur le territoire. Nous avons établi des conventions avec le conservatoire des espaces naturels pour entretenir et protéger les vergers d’essences locales, les sources ou habitats Natura 2000. A l’occasion d’aménagement d’éco-quartiers, nous travaillons avec les associations pour sauvegarder les ressources de biodiversité locales. Nous avons également institué une convention aveovc la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) pour recenser et protéger la faune urbaine.

Ensuite, nous avons édifié une protection réglementaire des coteaux non bâtis, tels que « les Côtes de Chanturgue » ou les coteaux de Montaudoux, terrains au cœur de l’agglomération soumis à forte pression foncière. La prochaine étape est d’élaborer avec tous les acteurs intéressés un projet de valorisation écologique alliant découverte pédagogique, zones de respect de la biodiversité (sans intervention humaine) et parcours de promenade pour que chaque habitant ait accès à la nature en ville, notamment nos concitoyens non motorisés ou qui ne partent pas en vacances.

Enfin, nous sommes particulièrement heureux d’avoir obtenu la participation des experts locaux associatifs et institutionnels, reconnus internationalement, autour du projet de création d’un observatoire intercommunal de la biodiversité. Il a pour vocation de recenser les espèces présentes sur l’agglomération, d’observer leur évolution et de contribuer aux projets du territoire au même titre que les données techniques ou géographiques.

D’autres actions vous permettent-elles de mieux protéger de la nature ?

Le volet protection s’appuie quant à lui sur des actions comme l’introduction des ruches en ville, avec l’adhésion au programme « abeille, sentinelle de l’environnement » depuis plus de neuf ans. De plus, nous sommes sur la voie du territoire « zéro phyto » puisque nous sommes signataire de la charte « zéro phyto » (niveau 2). La prochaine étape concernera le patrimoine végétal de l’agglomération, qui fait déjà l’objet d’un recensement et d’un suivi informatisé par la commune de Clermont-Ferrand. Un partenariat avec une association de spécialistes locaux de l’arbre en ville nous permettra d’élaborer une « charte de l’arbre » pour unifier et diffuser les bonnes pratiques de taille et d’entretien, pour étendre le recueil des données sur toutes les communes et projeter à terme un plan vert intercommunal.

La transformation de la communauté d’agglomération en communauté urbaine nous offre l’opportunité d’harmoniser ces politiques qui sont par essence transversales. La protection et l’extension du patrimoine végétal local est inscrit au cœur du PAECT (Plan Air Énergie Climat Territorial)* de Clermont Communauté qui décline un volet spécifique : la lutte contre la vulnérabilité au changement climatique, visant notamment la disparition des « îlots de chaleur »  urbains et la re-naturation des rivières de l’agglomération.

Enfin, le futur PLU (Plan Local d’Urbanisme) de la ville de Clermont-Ferrand qui va être adopté cet automne développe une orientation d’aménagement très forte sur la nature en ville, en proposant un coefficient de biotope, la prise en compte des corridors écologiques dans tout projet nouveau d’urbanisation, la création d’une colonne vertébrale verte, parcours urbain naturel le long des délaissés ferroviaires.

La sensibilisation et la formation des citoyens sont assurées soit par les parutions sur les ressources locales soutenues par notre agglomération, soit par des stages et interventions dans les écoles par convention avec l’association CPIE (Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement).

*Il s’agit du PAECT = Plan Air Énergie Climat Territorial, obligatoire dans les collectivités de plus de 50 000 habitants, document stratégique qui décline un programme d’actions pour lutter contre le changement climatique…

Lorsque vous étiez adjointe à l’environnement de la Ville de Clermont-Ferrand, vous avez été à l’origine d’une action en faveur des abeilles. Quel en est le résultat aujourd’hui ?

Nous avons en effet adhéré au programme « abeille, sentinelle de l’environnement », initié et animé par l’Union Nationale de l’Apiculture Française (UNAF). Ce partenariat nous a permis d’installer des ruches sur des bâtiments et terrains municipaux pour contribuer à la sauvegarde des essaims d’abeilles françaises. Le second bénéfice fut de générer un engouement pour les abeilles et leur rôle de pollinisateur auprès de nombreux clermontois, notamment les scolaires. Enfin, l’abeille et sa présentation lors de chaque semaine du développement durable (manifestation annuelle) rencontre un succès croissant, les visiteurs appréciant le miel produit dans leur ville comme un signe de qualité de vie et de proximité du « naturel ». De surcroît, la demande d’installation de ruches chez les particuliers est en hausse. Les résultats sur le plan de la protection des abeilles sont excellents puisque nos colonies n’ont pas été atteintes par la mortalité constatée en milieu rural et que le miel produit est abondant et excellent. Mon successeur a d’ailleurs engagé l’extension du dispositif avec l’installation de nouvelles ruches cette année et un développement des actions pédagogiques pour les enfants des écoles clermontoises (en partenariat ponctuel avec les EPAHD (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) volontaires). L’abeille se révèle un excellent vecteur du message de protection de la biodiversité, car elle bénéficie d’une image positive et sympathique.

D’une manière globale, ressentez-vous un intérêt des citoyens pour leur biodiversité ? Que vous disent-ils à ce propos ?

L’intérêt de nos concitoyens est croissant pour la « nature en ville ». La vie associative clermontoise est riche de passionnés défenseurs des atouts locaux en la matière, que ce soient les amis des côtes de Clermont, de Montaudoux, des orchidées, les promoteurs des « sauvages de la rue », les adhérents du conservatoire d’espaces naturels (CEN), de la LPO, et beaucoup d’autres. Notre agglomération est encadrée par deux parcs naturels régionaux, réservoirs de biodiversité et de milieux naturels spécifiques, recensés notamment par Natura 2000. La biodiversité est donc abordée et considérée selon une diversité de centres d’intérêts, qui ne sont pas toujours considérés comme partie de la « biodiversité ». Toutefois, nous entendons une demande croissante de végétalisation en ville et nos propositions d’implication des habitants dans l’entretien et la végétalisation des abords de leur résidence reçoivent un très bon accueil.

Pour l’équipe municipale comme pour celle de Clermont Communauté, la prise en main par le citoyen de la « nature en ville » est une première étape de la prise de conscience du rôle majeur de la biodiversité dans le maintien du vivant et de la qualité de vie. C’est également un support solide pour relancer l’implication du citoyen dans l’aménagement de l’espace public et améliorer les relations de voisinage. Le nouveau PLU de la ville de Clermont-Ferrand est exemplaire à cet égard, prévoyant un coefficient de biotope à la parcelle et la possibilité d’occuper l’espace public par des plantations privées en pied d’immeuble. Il reste néanmoins la question de la faune en milieu urbain qui demeure pour l’heure sous-estimée et méconnue du grand public.

Clermont Communauté se transforme en communauté urbaine en 2017, ce sera l’occasion d’élaborer un PLUI (Plan Local d’Urbanisme Intercommunal) qui s’inspirera des principes affirmés dans le PLU de la ville de Clermont-Ferrand. La biodiversité qui est un enjeu de protection du vivant -et donc des atouts de notre territoire- sera d’autant plus au cœur de notre document d’urbanisme que cet enjeu répond également à l’un de notre objectif : garantir l’accès aux espaces naturels de proximité à chacun de nos concitoyens.

Une nouvelle institution est en train de naître qui a pour vocation d’aider les élus locaux à agir pour la biodiversité. Qu’attendez-vous donc de l’Agence Française pour la Biodiversité ?

Qu’elle donne toute sa place et sa légitimité à la protection de la biodiversité dans les politiques publiques au même titre que les politiques « classiques ». Plus encore, qu’elle inscrive dans la loi la prééminence de la biodiversité comme critère de choix lors des arbitrages des projets d’aménagements. Qu’elle la mette au cœur des politiques d’aménagement du territoire et d’urbanisme, non comme verdissement de l’existant mais moteur de la qualité de vie. Qu’elle conforte la transversalité et la coordination des politiques de biodiversité et du climat. Qu’elle soit l’interlocuteur des acteurs locaux -les élus mais aussi les associations- auprès de l’État et du Parlement pour faire évoluer le statut législatif de la biodiversité, notamment dans les nombreux outils de planification locale ou régionale. Qu’elle évalue, recense et diffuse la connaissance des ressources et de leur « utilité », notamment en termes d’aménités matérielles et immatérielles. Qu’elle propose les outils permettant la « valorisation » de la biodiversité dans les différents bilans des collectivités, tout autant que dans la communauté nationale, aux côtés des bilans financiers ou comptables.

Propos recueillis par Julien Marié.

Pour les 6èmes Assises de la Biodiversité

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