Ligne de fret Volvic-Le Mont-Dore, un numéro d’équilibriste
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L’unique train qui circule de manière hebdomadaire sur les 58km de la ligne capillaire de fret Volvic–Le Mont-Dore, a obtenu en juillet dernier un sursis salutaire d’un an. Ce reliquat de la « Ligne des Puys » Clermont-Ferrand–Ussel a été victime d’un abandon financier progressif, dénoncé par l’association des Usagers des Transports d’Auvergne (AUTA-Fnaut Auvergne), alors qu’il constitue la branche ouest de l’étoile ferroviaire périurbaine de Clermont-Ferrand. Thomas Allary, directeur pour la région Auvergne-Rhône-Alpes de SNCF Réseau, expliquait en effet début juillet la tiers-mondisation du réseau auvergnat. « Chaque année, il faudrait 4 milliards d’euros au niveau national… mais la trajectoire financière nous permet d’investir 3 milliards d’euros. Du coup, il faut prioriser. »

Cette tendance est donc le reflet d’une politique nationale. Plusieurs plans de relance ont concerné le fret ferroviaire depuis le début du siècle. Vieux serpent de mer, il a même été ouvert à la concurrence en 2006. Entre 2002 et 2018, les volumes de marchandises transportés par le train ont connu une baisse de 50 à 33 milliards de tonnes par km. Illustration des priorités des politiques des deux dernières décennies.

Le nouveau plan de relance présenté par le gouvernement début septembre contient ainsi un énième volet fret ferroviaire. Selon Cédric Robert, secrétaire fédéral de la CGT-Cheminots, il n’y a « rien de nouveau. Ce plan est même plus modeste que ces prédécesseurs. » Sur les 4,7 milliards d’euros attribués au ferroviaire, à peine la moitié sera dédiée au fret. « À titre de comparaison, celui de 2011, affichait 7 milliards d’euros » pour le fret, ajoute Cédric Robert.

Suite à cet élagage progressif, la ligne de fret Volvic–Le Mont-Dore s’est vue menacée de disparition. Le 11 juillet dernier, Thomas Allary avait annoncé l’impossibilité pour la SNCF de financer les travaux dont la ligne a besoin pour perdurer. Il avait ainsi appuyé sur son caractère ultra-déficitaire … puisque tous les trafics de voyageurs ont été supprimés. La ligne rapporte, en effet, 23 000 euros par an à la SNCF et lui coûte 1,2 million d’euros d’entretien.

L’intérêt de la ligne n’a pour autant pas disparu avec ses financements. L’entreprise des Sources du Mont-Dore en Auvergne (SMDA) est l’unique utilisatrice du train hebdomadaire qui transporte 90 000 tonnes d’eau par an, soit 40% de sa production. Si la ligne venait à fermer, ce seraient dix à trente-cinq camions supplémentaires par semaine qui circuleraient sur les routes de montagne. Outre l’aspect environnemental, « la SMDA est la deuxième source de recettes pour la commune, [et entretient] plus [de] 55 emplois », souligne le maire du Mont-Dore, Sébastien Dubourg.

Afin d’éviter un coup de canif supplémentaire dans le maillage ferroviaire auvergnat, un financement d’urgence a donc été décidé le 24 juillet pour prolonger la survie de la ligne jusqu’à fin 2021. L’État contribuera à hauteur de 160 000€, la Région Auvergne-Rhône-Alpes s’est exceptionnellement engagée à mobiliser 120 000€, le Département du Puy-de-Dôme 80 000€, et les intercommunalités les 40 000€ restants pour atteindre les 400 000€ nécessaires en 2020. Selon l’AUTA-Fnaut Auvergne, c’est une manière pour SNCF Réseau de « mettre les collectivités au pied du mur », sous la pression implicite des externalités négatives qui surviendraient si la ligne venait à fermer. Ces financements d’urgence ne sauvent pas le Volvic–Le Mont-Dore pour autant puisqu’une nouvelle phase de travaux devra avoir lieu à hauteur de 900 000€ en 2021. Plus largement, une remise en état de la ligne sur 10 ans sera programmée à l’issue de l’étude de SNCF Réseau et du groupe de travail.

C’est alors en sauveurs que le gouvernement et la Région ont annoncé, lundi 5 octobre, dédier 20 millions d’euros à cinq lignes de fret en Auvergne, dont 7,1 millions au Volvic–Le Mont-Dore, sur deux ans et dans le cadre du plan de relance. Cependant, « ce n’est que du sauvetage, nous ne rattrapons pas encore le retard, il faudrait aller plus loin », estime Étienne Boudot, membre du bureau de l’AUTA-Fnaut Auvergne. Un changement de modèle ferroviaire au profit du Fret SNCF, c’est également ce que préconise la Fédération CGT-Cheminots dans les treize ruptures de son plan de développement. « Il faut ramener le maximum de marchandises sur le fret » avait affirmé Jean Castex à Clermont-Ferrand. Le fret a pourtant besoin de plus que de beaux discours.

En ce qui concerne le Volvic–Le Mont-Dore par exemple, la construction de 50 mètres de voie permettrait à la ligne de rejoindre l’usine d’embouteillage de la source de Laqueuille exploitée par la société Aquamark Laqueuille, retirant ainsi des poids-lourds des routes. Un raccordement de la ligne à Saint-Ours pourrait, par ailleurs, subvenir aux besoins de l’entreprise de recyclage et de valorisation des déchets Echallier qui s’y trouve.

Carte du réseau originel tirée du site : http://raildusud.canalblog.com/archives/2020/07/30/38426327.html

Au-delà du transport de marchandises, l’intérêt touristique de la ligne n’est pas des moindre. Cette station thermale et de sports de montagne était jadis desservie par des trains directs en provenance de métropoles françaises comme Paris (ligne fermée en 2006), Bordeaux, Nîmes et Besançon. La remise en état de seulement 20km de voies entre Eygurande-Merlines et Laqueuille permettrait même de rétablir les liaisons avec l’ouest du Massif Central, notamment avec Bordeaux et Limoges. L’AUTA-Fnaut Auvergne et la CGT-Cheminots s’entendent d’ailleurs sur la complémentarité entre les services de fret et de voyageurs dans leurs infrastructures. « Une fois que le premier train est passé, le deuxième coûte beaucoup moins cher », souligne Étienne Boudot. L’un peut, en effet, financer l’autre. C’est le pari de la société coopérative Railcoop qui se lance dans la mise en circulation de marchandises et voyageurs sur le Bordeaux–Clermont-Ferrand–Lyon réhabilité.

Développer le fret et l’allier au service voyageur, ce serait un vrai projet politique ferroviaire écologique, social et industriel, qui supposerait un revirement de la politique gouvernementale actuelle…

[À suivre]