Incinérateur : la solidarité dévoyée !
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Les élu-es écologistes clermontois s’opposent avec fermeté à la demande du VALTOM de relever « exceptionnellement » le plafond de 150 à 160 000 tonnes de déchets annuels, et ce pour accueillir les 10 000 tonnes d’un site de Haute-Loire récemment détruit par un incendie.

Motif invoqué ? La solidarité.

Problème ? Avant même qu’il ne soit construit, nous dénoncions le risque « d’appel d’air » lié à un tel équipement ; nous y voilà. L’incinérateur accuse un déficit chronique de 5 millions d’euros par an dû à la hauteur des investissements réalisés et à la pression à la baisse sur les volumes de déchets traités. Il est donc en quête de tonnages et l’exception demandée risque de devenir la règle. Une quête qu’il conduit d’ailleurs sans relâche depuis des années, au nom précisément, de la solidarité territoriale. Explications.

1-En 2017, le Syndicat du Bois de l’Aumône met en œuvre la tarification incitative pour les déchets, c’est-à-dire le paiement du service d’enlèvement des ordures au poids de déchets jetés. Une telle mesure incite à la réduction du tonnage des déchets par un meilleur recyclage (et un moindre gaspillage). Or jusqu’à présent, le VALTOM, syndicat de syndicats qui traite les déchets ménagers, tarifait principalement ses services à la tonne de déchets apportés à l’incinérateur sur le site de Clermont-Ferrand (Beaulieu).

Aussi la double perspective que :

* la méthode du SBA puisse faire tâche d’huile parmi les autres syndicats,

* l’initiative du SBA réduise les recettes (et donc, selon le VALTOM, augmente les charges des autres syndicats),

a très vite convaincu la majorité des membres du VALTOM de moins indexer ses recettes sur le tonnage que sur le nombre d’habitants. Ce basculement tarifaire est bien évidemment beaucoup moins incitatif à la réduction des déchets ; c’est même tout le contraire : plus le prix de la tonne est abaissé, moins on gagne à réduire ses tonnages de déchets.

Double peine pour Clermont Auvergne Métropole

D’abord, Clermont Auvergne Métropole, a une population bien supérieure à celle des autres syndicats ; ensuite, pour des raisons tant historiques que techniques, la Communauté Urbaine (CU) n’atteint pas encore des résultats optimum en matière de réduction des déchets. C’est ainsi que la CU s’est retrouvée à verser l’année passée près de 1,8 millions d’euros supplémentaires au VALTOM.

Et ce, au nom de la solidarité entre territoires.

2- Idem à l’automne 2015, quand Clermont Communauté (aujourd’hui Clermont Auvergne Métropole) était appelée à faire preuve de solidarité avec les autres syndicats, confrontés à une hausse importante des coûts de transport de leurs déchets.

A l’origine, l’implantation de l’incinérateur sur le territoire de Clermont Communauté imposait déjà la prise en charge des nuisances liées à cette installation, soit une solidarité de fait avec les autres collectivités du département.

L’accord tacite au sein du VALTOM prévoyait que le transport des déchets depuis les quatre coins du département vers Clermont-Ferrand reste à la charge de chacun des syndicats : ce qui créait un avantage financier de fait pour Clermont Communauté qui héberge l’incinérateur.

Depuis les coûts ont explosé, tant du traitement que du transport ; la pression politique des membres du VALTOM en faveur d’une mutualisation des coûts du transport s’est fait si forte que Clermont Communauté a dû accepter une nouvelle contribution au nom de la solidarité : outre la présence de l’incinérateur sur son territoire, la Métropole verse donc au VALTOM depuis 2016 près de 660 000 euros par an au titre de la solidarité sur le transport des déchets de ses partenaires ; au nom de la « solidarité » donc, la Métropole paie aujourd’hui pour les choix erronés du passé, qu’elle avait à l’époque dénoncés en vain.

Là encore, faire face à la hausse du coût des transports aurait pu s’accompagner d’un objectif de réduction du volume des déchets par chaque syndicat : mais c’était sans compter sur la logique industrielle qui prévaut à tous les coups sur la logique environnementale.

Condamnés à ‘nourrir la bête’…

Pour le VALTOM, et malgré les discours très « environnementaux », il n’est tout simplement pas possible d’envisager une réduction des tonnages de déchets.

Plutôt que d’inciter syndicats et collectivités à produire moins de déchets, on choisit donc de garantir l’approvisionnement de l’incinérateur afin d’en assurer l’amortissement et la viabilité économique.

Insignifiance du plan départemental de gestion des déchets, hausses successives de TEOM, « l’impôt des poubelles » (même si celle-ci va baisser sur la Métropole cette année, au terme d’un incroyable tour de passe-passe avec une hausse de la taxe foncière…), accroissement permanent des charges imposées aux collectivités… tout cela est la résultante d’une logique économique et industrielle propre à un incinérateur. Ce que craignaient les écologistes se confirme : la politique locale de réduction des déchets que nous aurions pu mener n’en est plus une. Elle n’est, pour l’essentiel, que la transcription budgétaire des impératifs économiques imposés par un investissement aussi lourd que celui de l’incinérateur clermontois. Souvent présenté comme unité de valorisation des déchets, il est de plus en plus évident que l’incinérateur est avant tout une unité de valorisation de son propre investissement.