Hébergement d’urgence : la situation clermontoise peut-elle se reproduire ailleurs en France ?
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[…] Malgré les fortes hausses de ses activités (+ 40 % en deux ans pour le service intégré d’accueil et orientation, + 20 % pour l’accueil de jour), les associations gestionaires du 115 reçoivent les mêmes subventions annuelles de l’Etat depuis 2005. Conséquence, « les déficits s’accumulent d’année en année ».

Le reponsable de l’une de ces associations, Pierre Selles à la Roche-sur-Yon,  se dit « catastrophé » par les perspectives qui s’ouvrent aujourd’hui à lui. « Soit on réduit les prestations, soit on continue avec le risque de fermer. C’est un choix cornélien. » Il ajoute : « Si ça reste comme ça, à partir du 1er novembre, on ne pourra ouvrir le 115 que le matin. »

Pour expliquer la hausse des demandes, la Fnars (Fédération Nationale des Associations de Réinsertion Sociale) pointe aussi bien la crise économique que les « dysfonctionnements » de l’accueil des demandeurs d’asile qui devraient normalement bénéficier de places en Centre d’accueil pour les demandeurs d’asile (CADA). Avec 21 000 places, ceux-ci n’accueillent que 30 % des demandes. Les demandeurs qui n’obtiennent pas de places se tournent alors vers le dispositif déjà saturé des centres d’hébergement d’urgence pour sans-abri.

« SYSTÈME FRANÇAIS À BOUT DE SOUFFLE »

« La Fnars a raison de s’inquiéter d’un effet boule de neige car le système français est à bout de souffle, au bord de l’explosion », assure Julien Damon, professeur associé à Sciences Po et auteur de La question SDF. Mais le chercheur défend une solution à rebours de celles que préconisent les associations d’aide aux sans-abri. « Ces phénomènes ne s’accentuent pas en raison d’une baisse des crédits de l’Etat, ceux-ci ont quasiment doublé depuis 2007 », dit-il.

Pour lui, le problème est lié à une trop grande attractivité des centres d’accueil français pour les demandeurs d’asile : « Les villes françaises sont plus ouvertes et plus généreuses que les autres villes européennes, ça commence à se savoir. » Il en conclut que le problème n’est pas traité « à la bonne échelle » et qu’« il faudrait soit fermer nos frontières, soit approfondir la construction européenne et que la France présente par exemple la facture au fonds social européen. »

La Fnars, qui a rappelé en juillet le principe de « l’inconditionnalité de l’accueil », regrette, elle, les retards de paiement de l’Etat, l’insuffisance des crédits et un pilotage de l’hébergement d’urgence « inefficace ».

Face à l’ampleur du cas clermontois, Cécile Duflot a rencontré, jeudi 5 septembre, les responsables de la Fnars. La ministre du logement veut mettre en place « une double réforme structurelle » : « la sortie de la gestion au thermomètre et la sortie de la gestion hôtelière. »

Elle a annoncé à la sortie de l’entrevue une réévaluation de la situation du 115 dans l’ensemble des départements français. La ministre se dit, dans une interview à l’AFP, « consciente de la difficulté qu’ont les professionnels du secteur pour faire face à cette situation, et des tensions sur certains territoires que nous n’avions pas forcément bien anticipées ». « C’est ce qui s’est passé dans le Puy-de-Dôme, ça peut se passer dans d’autres départements. »

– Source : Le Monde.fr