Grand Clermont : il est urgent de réfléchir
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Sur la métropole, « la question n’est pas de savoir si on est pour ou contre, c’est de rattraper le retard », proférait, lors du dernier conseil municipal, le candidat UMP à la mairie de Clermont-Ferrand. Sur cette question, le simple fait que la droite conservatrice soit à ce point bouffie de certitudes devrait nous interroger.
Oui la question est bien de savoir si on est pour ou contre la métropole. Et surtout de savoir de quoi l’on parle; la métropole n’est aujourd’hui qu’un mot, drapé de connotations toutes plus positives les unes que les autres.
Qui en a donné une définition ? Qui en a tracé le projet ?
Le Conseil de développement du Grand Clermont qui livrait, samedi passé, les conclusions d’un travail de plus d’un an ? Peut-être.

Au menu, une série de propositions-phares sur des secteurs stratégiques tels que l’industrie, la recherche et l’enseignement supérieur, le tourisme, la santé, la culture et le sport [cf documents ci-dessous]. Les projets avancés sont intéressants : création d’un cluster « bois, matière première industrielle » et d’un autre « chauffage au bois », autour de la production de chaudières à bois. Pourquoi pas ? Quant au positionnement autour de la « confiance numérique », il est sans doute pertinent tant du point de vue des perspectives de développement que de celles liées à la recherche, à l’innovation et à l’enseignement.

On ne peut cependant pas s’empêcher de rester sur sa faim. Et ce, pour plusieurs raisons, finalement très complémentaires.

  • Une absence de vision, une myriade de projets – La question posée au Grand Clermont et à son conseil de développement était celle d’un projet de territoire. Mais à un projet global ont été préférées des opportunités éparses : une filière par ci, des emplois par là, du dynamisme, de l’attractivité, des projets et des pétitions de principe…

 

  • Un discours hors-sol et un oubli total du territoire dans ses dimensions naturelles – Le principe est ici acté que le territoire n’est qu’un cadre paysager à l’activité économique (éventuellement utile pour le tourisme); il n’est en aucun cas perçu comme la condition ultime de l’activité économique qui s’y déroule. Encore moins comme une opportunité de développement.

Comment imaginer aujourd’hui un projet de territoire qui ne tiendrait pas compte des transitions énergétique, alimentaire et écologique ? Comment penser l’avenir d’une métropole sans tenir compte des ressources nécessaires à la construction et à la viabilité de cet avenir pour les générations futures ?

On nous répondra que la filière éthanol-bois est une façon d’investir dans les énergies renouvelables. Certes. Mais c’est bien là que le bât blesse.
Peut-on penser « renouvelable » sans se poser la question des besoins, des ressources et du renouvellement des ressources ? Tout cela à l’échelle du territoire, bien entendu. Ce qui implique un changement profond de modèle économique.

Peut-on penser filière bois sans penser aux économies réalisables en gaz et électricité pour le poste chauffage (73% des consommations énergétiques en Auvergne) ? Économies, qui rabattues sur le territoire, génèreraient des flux d’investissements annuels colossaux [le Grand Clermont dépense chaque année 1,2 milliards d’euros pour ses besoins en énergie] ? Pourquoi parler d’une société de production de chaudières à bois et non pas d’une filière de chauffage qui irait des ressources aux déchets dans la double optique de l’impact économique le plus large, et de l’impact écologique le plus faible ?

Pour nous écologistes, un projet de territoire doit se bâtir sur trois axes absolument complémentaires :
– Innovation – Intelligence – Investissement
– Ressources locales et renouvelables
– Liens – Solidarités

Le chaînon manquant entre l’absence de vision du projet Grand Clermont et sa dimension hors-sol est dès lors évident : l’oubli des ressources.
Dans le projet présenté samedi dernier, nous trouvons :

  • de l’innovation (sous la forme exclusive de recherche et haute valeur ajoutée. Voire sous celle d’innovation culturelle avec l’idée séduisante de centre des arts et des sports. Aucun mot sur l’innovation sociale, pourtant capitale au regard des besoins non ou sous financés aujourd’hui : dépendance, insertion, services à la personne…)

 

  • du lien et des solidarités sous une forme exclusivement économique : le cluster. Si cette modalité de l’organisation économique des entreprises est pertinente quant à leurs capacités d’innovation et de résilience face aux embardées du marché ou aux caprices de la finance, elle ne couvre pas tout ce que peut recouvrir la notion de solidarité, en tant que prospérité partagée. On ne relève encore aucune réflexion sur le mode de gouvernance des initiatives proposées : quid de la participation publique et/ou citoyenne dans la définition de stratégies de développement pour le territoire ? N’est-ce pas là aussi que se tient un enjeu majeur quant à la durabilité des investissements réalisés ?

 

  • On ne trouve en revanche rien ou presque sur l’aspect des ressources territoriales et donc renouvelables. Et pour cause, évaluables en fonction des besoins et des ressources, nos réserves en ressources locales sont largement méconnues : réserves énergétiques, matérielles, alimentaires; mais aussi nos réserves en économies d’énergie, de carbone, d’azote (protéines, alimentation), de matériaux divers… Des gisements immenses et inépuisables – puisque renouvelables – dont il nous faut prendre conscience et de l’ampleur et de l’emploi.

Pour cela, des outils sont nécessaires qui permettraient de connaître les flux – les besoins, les dépenses, les consommations, les déchets… – et les ressources disponibles sur notre territoire, bref de dresser une cartographie du « métabolisme » économique de ce territoire [à l’instar de ce que pratique le canton de Genève depuis plus de dix ans].
Et d’en faire la base d’un développement économique territorial durable et partagé, intensif en emplois, en échanges et en ressources locales et durables.
Sans connaissance profonde de la vie d’un territoire, il sera délicat d’en imaginer un projet global et cohérent, une vision.
Sauf à s’appeler UMP et s’imaginer que ressasser formules et vieilles lunes suffit à faire sens.