ATMOSPHÈRE, UN TROISIÈME PLAN POUR LA MÉTROPOLE CLERMONTOISE
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  • Contribution du groupe des élu.e.s écologistes à l’enquête publique du PPA 3 de Clermont Auvergne Métropole

Chaque être humain aspire quotidiennement, à l’âge adulte, près de 15 mètres cubes d’air : il est aisé de comprendre que la qualité de l’atmosphère détermine la santé des populations. Sans parler de son impact sur la santé des écosystèmes. 

Si depuis plusieurs années dans l’agglomération clermontoise, les niveaux de pollution de l’air diminuent progressivement, ils dépassent toujours les seuils recommandés par l’organisation mondiale de la santé, voire les limites réglementaires : ces niveaux de pollution sont à l’origine de quelque 150 décès par an sur notre agglomération (Santé Publique France, 2021). Elle constitue donc une question de santé environnementale de tout premier plan à laquelle ce 3ème Plan de Protection de l’Atmosphère (PPA) cherche à répondre.

Si l’agglomération clermontoise fut l’une des toutes premières en France à intégrer une dimension Air à son plan Climat énergie au début des années 2010, c’était sous l’impulsion du groupe des élu·e·s écologistes et de ses adjoint·e·s en charge. Depuis 2008, nous avons été à l’origine et à l’accompagnement des politiques de préservation de l’atmosphère de l’agglomération clermontoise, et donc des différents PPA.

Si nous nous réjouissons de la montée en puissance progressive de l’ensemble des dispositifs de réduction de la pollution, tant dans l’opérationnalité que dans les échelles d’intervention, nous tenons également à souligner dans le cadre de cette contribution les points encore problématiques auxquels il nous appartient de trouver des solutions dans les mois et les années qui viennent. 

Conçu pour se déployer sur les cinq prochaines années, son périmètre reste celui des 21 communes de la Métropole clermontoise. Avec 33 actions réparties en 9 défis, il aborde les principaux défis posés par cette pollution et fait émerger de nouveaux enjeux notamment au travers des pollutions liées au secteur agricole. 

Nous en aborderons une évaluation rapide sous trois approches qui sont autant de défis et d’enjeux pour les temps à venir :

1/ Chaleur urbaine

2/ Mobilités

3/ Agriculture et périmètre

I- L’ENJEU DE LA CHALEUR URBAINE :

Au-delà de la seule chaleur, il s’agit ici de s’attaquer au problème crucial des émissions de particules polluantes liées au chauffage des bâtiments, résidentiels et tertiaires.

Lors des épisodes de pics de pollution des années 2010 liés à des phénomènes météorologiques de hautes pressions, même si le débat se focalisait sur le trafic routier et notamment sur le niveau de régulation nécessaire du trafic automobile, il était d’ores et déjà clair que le premier défi à relever n’était pas de faire cesser le trafic mais de moderniser les équipements de production de chaleur les plus vétustes et les plus polluants.

D’après Atmo Auvergne – Rhône – Alpes, la pollution liée au transport routier ne concernerait que 20 % des émissions de particules fines quand les particules issues du chauffage au bois seraient la cause de 40 à 50 % des émissions polluantes, les 20 % restant étant dus à l’industrie manufacturière.

En 2018, on estimait que la combustion au bois était responsable de 43 % des PM2,5 et plus de 50 % des PM10, issues de quelque 6000 foyers chauffant au bois 15 % responsables à eux seuls de 98 % des pollutions.

Sur ce plan-là, Clermont Auvergne Métropole a mis en œuvre en novembre 2021, le « Fonds Air Bois », un dispositif d’incitation financière au remplacement des appareils de chauffage au bois les plus anciens et les plus polluants. [Action 27 du Schéma de Transition Énergétique et Écologique de la CAM (2019) : « Mettre en place une aide financière aux habitants en situation précaire pour remplacer les foyers au bois, anciens ou ouverts » ]

Sur la première année de mise en œuvre (2022), on dénombre 145 bénéficiaires de cette prime.

La DREAL estime que pour réduire cette pollution de 50 % nous devrions viser le remplacement de 500 appareils par an de 2022 à 2027. 

Repris dans le PPA 3 au titre des actions à pérenniser sur la durée [DÉFI 4 ACTION R2], ce dispositif est un outil déterminant dans la reconquête de la qualité de l’air. 

=> DÉFI 4 ACTION R3 : notons également cette action complémentaire de sensibilisation à l’usage de la chaleur bois par Fibois dans l’optique d’améliorer les conditions d’usage du bois de chauffe et donc la qualité de sa combustion, inversement proportionnelle aux émissions de polluants et particules fines. 

=> Cela étant, à l’engagement de la Métropole devait s’ajouter celui de la Région AURA pour une prise en charge de 80 % de ces aides. On ne peut que regretter le désengagement de la Région de ce dispositif. S’il est aujourd’hui conduit de manière satisfaisante sur la première année, il gagnera à être évalué. Son éventuelle amélioration n’aurait eu qu’à gagner de l’implication de l’acteur régional tant en termes de communication / sensibilisation que de mobilisation des moyens et d’accélération.

=> Un enjeu complémentaire dans le résidentiel : le brûlage des déchets verts [DEFI 5 R6 ET R7]

Un enjeu loin d’être anecdotique : les émissions du brûlage de 50 kg de végétaux équivalent à

  • celles d’une chaudière au fuel domestique performante pendant 1 an (Source Atmo). Cette pratique est interdite par le règlement sanitaire départemental dont le maire est garant du respect;
  • le parcours de 13 000 km en voiture à moteur diesel récente

Entre

  • la communication, sensibilisation
  • et la fourniture de solutions alternatives via la collecte et/ ou le broyage de déchets verts proposés par Clermont Auvergne Métropole,

il nous semble que l’approche de cette question dans ce PPA est plutôt complète.

=> Point de vigilance : celui du degré d’implication politique des élu·e·s et des municipalités sur cette question. Il est donc très pertinent de prioriser une action relative à la sensibilisation des élu·e·s du territoire [Défi 5 R6] afin d’accélérer la prise de conscience et l’évolution des pratiques. Mais aussi en vue de légitimer une forme de contrôle et de verbalisation éventuelle via le déploiement des missions de police environnementale des agents des polices municipales du territoire.

***

Bien évidemment, au-delà de ces deux enjeux que nous pointons spécifiquement, nous nous félicitons de ce que le PPA3 aborde ce défi du secteur résidentiel / bâti sous un éventail d’approches complémentaires et cohérentes, depuis la rénovation thermique du parc de logements, le remplacement des chaudières au fioul jusqu’à la récupération de chaleur fatale au menu du déploiement aujourd’hui accéléré des réseaux de chaleur clermontois et la mutualisation des sources de chaleur et d’énergie et donc de pollutions potentielles.

2/ L’ENJEU DES MOBILITÉS :  

Sur ce champ d’actions possibles qui a principalement trait à l’enjeu du report modal de la voiture individuelle vers les modes de déplacement doux et partagés, il est évident que la mobilisation se doit d’être large et coordonnée mais aussi constante dans le temps, tant l’ampleur des mesures requises relèvent d’actions structurelles dont les poids financier, institutionnel et social, nécessitent nombre d’années avant de produire des effets. 

Aussi, si le PPA3 nous semble là encore plus en mesure que ses prédécesseurs de marquer des avancées concrètes, c’est en partie parce qu’il s’inscrit dans le cadre d’une mutation urbaine forte telle que prévue par Clermont Auvergne Métropole, à la fois à travers son PDU (Plan de Déplacement Urbain), le prochain PLUi mais aussi via les grands projets d’infrastructures que sont

  • le projet Inspire avec deux voies de bus en site propre en plus du tramway
  • le Schéma cyclable
  • la mise en place d’une Zone à Faibles Émissions (ZFE)
  • sans parler du prochain plan de circulation de Clermont-Ferrand

ni même des politiques de partage de la voiture qui viendront accompagner la mise en place progressive de ces nouvelles possibilités de se déplacer. Ni, enfin, de l’évolution progressive des motorisations automobiles et routières. 

=> Sur ce défi des mobilités et de l’urbanisme, deux remarques néanmoins :

1/ Il nous semble essentiel de rappeler – et c’est d’ailleurs l’un des axes de ce PPA – que malgré le fait que le débat se cristallise la plupart du temps sur les aspects techniques de la conversion des motorisations, c’est prioritairement à une transition des usages et à une réduction des trafics que nous devons aboutir : sans réduire de façon trop drastique les km.passagers, nous devons envisager de réduire fortement le nombre de km.véhicules. Et donc réduire le nombre mais aussi la taille des véhicules. D’ailleurs rappelons que les émissions polluantes ne sont pas liées à la seule motorisation thermique mais aussi à l’usure des mécanismes de roulage et notamment aux pneumatiques et aux plaquettes de frein dont la consommation et la diffusion dans l’atmosphère sont au moins proportionnelles à la taille et au poids des véhicules. Nous pourrions également évoquer la quantité de particules émises lors de l’extraction et de la transformation des matières métalliques et plastiques nécessaires à la production d’un véhicule, même si l’impact de ces pollutions dans l’air clermontois reste difficilement évaluable. Par suite, il est utile de garder à l’esprit que l’atmosphère clermontoise ne se limite pas aux seules 21 communes de l’agglomération mais qu’elle dépend aussi des activités polluantes de territoires voisins mais aussi plus lointains ; cela pose, in fine, la question de la territorialisation nécessaire mais limitative d’un document tel que ce PPA.

2/ Par-delà les aspects techniques, il est impératif de considérer que la finalité du PPA est sanitaire et quelque part sociale. Aussi, nous devons rester vigilants quant aux risques sociaux importants d’une mutation des usages, de l’aménagement et des modes de déplacement qui sont aujourd’hui des constituants fondamentaux des modes de vie de nos sociétés modernes, modes de vie qu’on ne peut bouleverser sans donner aux personnes les plus vulnérables les moyens de s’adapter. En cause ici, la mise en place annoncée des ZFE (nouveau nom des ZAPA prévues dès le début des années 2010 avec les problématiques sociales liées) dont l’efficacité future ne pourra faire l’économie de la justice sociale, afin que les personnes les plus dépendantes de la voiture individuelle ne soient pas aussi les plus lésées.

Cette question pose encore celle de l’échelle territoriale la plus appropriée à des mesures ambitieuses de transformation, tant les réseaux urbains et en l’occurrence ici les réseaux de transport et de mobilités dépassent les limites aujourd’hui administratives de notre seule Métropole.

3/ L’ENJEU DES POLLUTIONS AGRICOLES ; UNE QUESTION D’ÉCHELLE

L’introduction de la question des pollutions agricoles est assurément une nouveauté et une avancée de ce PPA 3. On estime en effet que 98 % des émissions d’ammoniac (NH 3) sur le Grand Clermont sont d’origine agricole. 88 % sur Clermont Auvergne Métropole.


=> Défi 3 : Valoriser et diffuser les pratiques vertueuses de l’agriculture

[E7 PRÉPARER ET ACCOMPAGNER LA RÉDUCTION DES ÉMISSIONS AMMONIACALES]

L’enjeu est d’importance : s’il concerne la pollution de l’air que subit la Métropole, ce n’est que l’un des pans de l’immense question de la transition de nos pratiques agricoles. Même si nous pouvons nous réjouir de son apparition dans un tel document et de l’annonce de la création d’un groupe de travail entre ATMO , la Chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme et la DRAAF, nous déplorons néanmoins : 

1/ La relative pauvreté des propositions faites sur le sujet dans le cadre de ce PPA3, tant la période 2022 – 2027 va se cantonner à une concertation visant à caractériser la nature et la portée des polluants agricoles dans l’atmosphère métropolitaine. Si la promesse d’un cadastre de ces pollutions constitue un engagement utile, il est regrettable que le plan d’actions sur ce défi n’aille pas plus loin.

2/ En outre, si les pollutions liées aux intrants azotés requièrent une mobilisation pour action, il est pour le moins étrange que les pollutions liées aux épandages de produits phytosanitaires ne soient pas mentionnées ni proposées pour caractérisation. Si ces épandages concernent des périodes bien ciblées dans l’année, les pollutions qu’elles sont susceptibles d’engendrer ne sont pas minces et il est là encore regrettable que le PPA ne pose pas clairement la question, même si elle est potentiellement explosive.

3/ Enfin cet c’est sans doute l’un des points cruciaux permettant d’expliquer les précédents : nous regrettons profondément que les autres EPCI du Grand Clermont, hormis Clermont Auvergne Métropole, n’aient pas souhaité faire partie du périmètre de ce PPA. Sans leur intégration, il nous paraît délicat d’aborder sous tous leurs aspects, et avec une pleine efficacité, la question des mesures les plus adaptées à la prévention et à la réduction des pollutions, fussent-elle liées aux mobilités ou à l’agriculture.