Un indicateur pour mieux lutter contre le fléau du bruit automobile
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La pollution sonore est un danger sous-estimé. Pourtant en Europe, le bruit de la circulation conduit chaque année à la perte de plus d’un million d’années de vie en bonne santé. Et en France, cinq millions de personnes sont malentendantes. Un indicateur vient d’être conçu pour évaluer les nuisances sonores et permettre de mieux orienter les politiques d’aménagement du territoire.

L’observatoire du bruit en Île-de-France, Bruitparif et son homologue lyonnais, Acoucité, viennent de concevoir un indicateur coloré, permettant de connaître le niveau de bruit d’un lieu tout au long de la journée, en distinguant bien le bruit de fond et les pics sonores occasionnels (passage d’un train, d’un avion, klaxon, etc.).

Coloré, gradué, clair. Il s’appelle « indice Harmonica » et il est le fruit de la coopération entre Bruitparif et Acoucité. Il a été créé suite à un constat : la population connaît et comprend mal les niveaux de bruit. Jusqu’alors, ces niveaux étaient exprimés en décibels, une unité de mesure difficile à déchiffrer.

« Le décibel est une unité logarithmique, explique Fanny Mietlicki, directrice de Bruitparif. C’est-à-dire qu’elle ne s’additionne pas comme nous en avons l’habitude. Par exemple, deux fois 60 décibels ne font pas 120 mais 63 ! »

Si les mesures se font toujours en décibels, la présentation au public a été simplifiée. L’indicateur Harmonica gradue le bruit sur une échelle de 1 à 10 : 1 étant le plus faible et 10 le plus élevé. Il est formé d’un rectangle – représentant le bruit de fond – surmonté d’un triangle – qui indique les pics occasionnels.

Pour repérer facilement si l’endroit est bruyant ou non, la forme est colorée : vert lorsque le bruit est modéré, orange lorsqu’il commence à être élevé et rouge lorsqu’il dépasse le seuil critique. Et ce, à chaque heure de la journée – le bruit n’est pas le même à huit heures du matin qu’en pleine nuit.

Harmonica

Politique de lutte contre les nuisances sonores

L’indicateur Harmonica s’inscrit dans une politique européenne de lutte contre les nuisances sonores. En 1996, un livre vert de la Commission européenne avait dévoilé que 20 % de la population d’Europe de l’Ouest souffrait de niveaux de bruit inacceptables voire dangereux pour la santé.

Plusieurs directives ont alors été mises en place, visant principalement à limiter les niveaux sonores (dans les zones situées à proximité d’un aéroport, par exemple) mais aussi à mieux informer le public. Depuis le 31 décembre 2008, toutes les agglomérations de plus de 100 000 habitants doivent se munir d’une carte du bruit.

Dans le cadre du projet Harmonica, un site Internet a été ouvert : Noise in EU (« Bruit dans l’Union européenne »). Sur ce site se trouve une carte où sont présentées les mesures de bruit, à différents endroits de la région parisienne et du Grand Lyon.

« Elles sont issues du réseau de stations fixes et des campagnes de mesures effectuées habituellement par les observatoires du bruit », explique Fanny Mietlicki. Le site Internet se veut participatif : les mesures prises par les villes ou n’importe quel acteur du bruit peuvent permettre d’enrichir la carte.

Pour l’instant, les données disponibles ne concernent que l’Île-de-France et la métropole lyonnaise, mais l’ambition du projet est de s’étendre aux autres villes d’Europe.

Sur le site, on peut ainsi découvrir qu’à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), au bord de la route nationale 6, qui voit passer 45 000 véhicules par jour et qui est survolée par les avions de l’aéroport d’Orly, le bruit est assourdissant : l’indicateur est en rouge durant toutes les heures du jour et de la nuit.

A l’inverse, à Videlles (Essonne), au cœur du parc naturel régional du Gâtinais, l’indice est majoritairement au vert – sauf à certaines heures du début de la nuit, où les pics sonores semblent s’intensifier, colorant d’orange l’indicateur.

Un outil efficace

Ce nouvel indicateur ne va certes pas supprimer la pollution sonore des métropoles. Mais il peut être un outil efficace pour orienter les politiques d’aménagement du territoire : installer des murs anti bruit aux bons endroits, réaménager une zone de circulation bruyante en limitant la vitesse et en fluidifiant la circulation, etc.

L’indice peut aussi permettre d’expliquer certains phénomènes sociaux par les nuisances sonores : « Nous pourrons, par exemple, comparer les niveaux de bruits avec le taux d’échec scolaire afin de voir s’il y a un lien entre les deux », avance Corinne Ruffet, vice-présidente de la région Île-de-France, en charge de l’environnement, de l’agriculture et de l’énergie.

En attendant, sur le site Noise in EU, un onglet « Fiches action » recueille les bonnes pratiques mises en places pour réduire le bruit : un micro-écran végétalisé à Lyon, le changement du revêtement routier sur l’autoroute A6, la piétonnisation du centre-ville à Aix-en-Provence ou le relèvement des altitudes des avions lors de leur arrivée aux aéroports en Île-de-France.

LES DANGERS DU BRUIT

En Europe, les maladies et les handicaps liés au bruit sont fréquents. En 2011, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publiait un rapport (en anglais) sur les dangers du bruit en Europe.

Conclusion principale : le bruit de la circulation conduit chaque année à la perte de plus d’1 million d’années de vie en bonne santé. Le bruit est à l’origine de la dégradation du sommeil mais aussi de crises cardiaques, de troubles de l’apprentissage et d’acouphènes.

En France, selon un rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Affse, devenus Anses) daté de mai 2004, cinq millions de Français sont malentendants. 15 % de la population porte des aides auditives et plus de cinq millions de personnes souffrent d’acouphènes.

Source : Flora Chauveau pour Reporterre