La loi d’avenir de l’agriculture en 5 points
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Après trois navettes entre l’Assemblée nationale et le Sénat et six mois d’âpres débats, le Parlement a définitivement adopté, jeudi 11 septembre, le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt qui vise à renforcer la compétitivité des filières agricoles tout en prenant le virage de l’agroécologie. Seule l’UMP a voté contre, l’ensemble de la gauche (PS, Front de gauche, écologistes et radicaux de gauche) ainsi que l’UDI se prononçant pour.

L’examen de ce texte, défendu par le ministre Stéphane Le Foll, a entraîné une levée de boucliers tant au sein de l’Hémicycle (1 300 amendements ont été déposés) que dans la rue avec de nombreuses manifestations d’agriculteurs dénonçant la « multiplication des contraintes réglementaires ».

Tour d’horizon des principales dispositions de la loi.

  • Verdir l’agriculture

Fil rouge de la loi et priorité du ministère de l’agriculture : le développement de l’agroécologie (union d’agronomie et d’écologie), une démarche agricole qui préfère utiliser les services rendus par les écosystèmes (cultures associées, emploi des micro-organismes) plutôt que des intrants (engrais, pesticides…). Aujourd’hui encore marginales en France, ces méthodes sont expérimentées par quelques agriculteurs « pionniers », et de plus en plus explorées par la science agronomique – l’INRA en a fait l’un de ses deux champs de recherche prioritaires en 2010.

Dans cette optique, la loi crée des groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE), collectifs d’agriculteurs qui pourront bénéficier de majorations dans l’attribution des aides publiques lorsqu’ils mettent en place des projets agroécologiques. Selon le gouvernement, ces projets de GIEE impliquent pour l’instant « 10 000 à 12 000 agriculteurs », sur les quelque 500 000 exploitants agricoles français. L’enseignement agricole doit également remettre l’agronomie au cœur de l’apprentissage et faire la promotion de l’agro-écologie, dont l’agriculture biologique.

  • Limiter l’usage des pesticides

Autre avancée importante, la loi stipule que les pesticides doivent être bannis des cours de récréation, crèches, centres de loisirs et aires de jeux pour les enfants dans les parcs et jardins ouverts au public. Et elle interdit à l’Etat, aux collectivités locales et aux établissements publics d’en utiliser dans leurs espaces verts, forêts et promenades.

La loi limite également l’épandage de produits phytosanitaires par les agriculteurs à proximité de ces mêmes lieux, ainsi que des hôpitaux, centres de santé et maisons de retraite. Attention : la pulvérisation de pesticides autour de ces lieux sensibles n’est pas interdite, mais seulement « subordonnée à la mise en place de mesures de protection adaptées telles que des haies, des équipements pour le traitement ou des dates et horaires de traitement permettant d’éviter la présence de personnes vulnérables lors du traitement ». Lorsque les mesures de restriction ne peuvent pas être mises en place, une distance minimale doit être déterminée par les autorités « en deçà de laquelle il est interdit d’utiliser ces produits à proximité de ces lieux ».

C’est ce point qui avait particulièrement suscité la mobilisation de la FNSEA, principal syndicat d’agriculteurs. La colère était montée notamment en raison d’une rumeur selon laquelle la loi entendait interdire l’épandage de pesticides à moins de 200 mètres de toutes les habitations. Les ONG environnementales ont, de leur côté, dénoncé un texte de loi qui ne va pas assez loin afin de protéger tous les lieux à risque et les riverains. Une pétition de l’association Générations futures a ainsi rassemblé 140 000 signatures contre la pulvérisation de pesticides le long des habitations et des écoles.

Enfin, la loi sur l’agriculture met en place un dispositif de « phytopharmacovigilance » pour surveiller les effets indésirables des produits phytopharmaceutiques sur l’homme, les animaux, dont les abeilles ou sur l’environnement.

  • Protéger les éleveurs du loup

Alors que le loup étend son territoire et que les attaques sur les troupeaux se multiplient (6 786 brebis tuées en 2013), le gouvernement souhaitait davantage protéger les éleveurs en guerre ouverte contre le grand prédateur. Le texte de loi facilite alors son abattage. Il autorise le « prélèvement » – c’est-à-dire, dans le jargon administratif, le fait de tuer – du grand canidé dans des zones de protection renforcée (pour les troupeaux). Ces zones seront délimitées par les préfets pour une durée maximale d’un an « lorsque des dommages importants causant une perturbation de grande ampleur aux élevages sont constatés ».

La mesure avait été introduite par le ministre de l’agriculture, en « accord » avec sa collègue de l’écologie. Ségolène Royal, avait par ailleurs déjà élargi, en août, les conditions d’abattage des loups, via trois arrêtés. Le premier autorise, à titre expérimental, la chasse du super-prédateur lors des battues au grand gibier (sanglier, cerf, chevreuil, etc.), tandis que les deux autres portent de 14 à 20 les départements dans lesquels des tirs de prélèvement peuvent être autorisés par les préfets et ouvrent la possibilité de porter de 24 à 36 le plafond de canidés pouvant être tués chaque année.

Si la Coordination rurale est « reconnaissante aux parlementaires d’avoir pris la mesure de la détresse de l’élevage face aux attaques de loup », ces mesures n’ont pas manqué de susciter l’émoi des associations environnementales, Canis Lupus étant une espèce protégée par le droit français et européen (convention de Berne de 1979 et directive Habitat Faune Flore de 1992).

  • Protéger les terres agricoles

La loi veut instaurer, au plus tard début 2016, des compensations pour les agriculteurs affectés par des projets et ouvrages rognant sur les terres agricoles, compensations qui seront prises en charge par les maîtres d’ouvrage. L’artificialisation des sols est un véritable défi pour la France : chaque année, d’après l’Institut français de l’environnement, ce sont 600 km2 qui disparaissent sous la pression de l’urbanisation galopante, soit l’équivalent d’un département français tous les dix ans.

  • Sanctionner le trafic de bois

C’est le dernier mot de l’intitulé du projet de loi. Le texte reconnaît le rôle écologique de la forêt, tant pour la biodiversité, que pour la qualité de l’air, l’état des sols et la lutte contre le changement climatique. Surtout, pour la première fois, il prend des mesures de lutte contre l’importation et la vente de bois, ou de produits en bois, provenant de récoltes illégales. Il s’agit de la transposition du règlement bois de l’Union européenne qui interdit depuis mars 2013 l’importation de bois et produits dérivés illégalement exploités.

L’article 76 de la loi d’avenir de l’agriculture impose des sanctions pouvant aller jusqu’à « deux ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende » en cas de non-respect des obligations prévues par ce règlement en matière de contrôle de la traçabilité des produits. Le trafic de bois en bande organisée est lui puni de sept ans de prison et d’une amende de 500 000 euros. « Enfin, la France inscrit l’infraction et les sanctions dans la loi ! », s’était réjouie l’ONG Greenpeace en juillet.

Source : Le Monde.fr | 11.09.2014