50 % de rabais fiscal pour Michelin, c’est non !
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Le 15 janvier dernier, le Conseil communautaire de Clermont Communauté se prononçait sur l’opportunité d’un abattement fiscal de près de 900 000 euros au profit de l’entreprise Michelin dans le cadre de son activité de recherche-développement. Nous avons voté contre ce dispositif,

  • tant du fait de la faiblesse de la délibération, du manque d’informations et de garanties quant aux conséquences budgétaires précises de cette mesure de dépense fiscale,
  • que de la pertinence assez faible de cette aide en direction d’une entreprise multinationale comme Michelin qui profite là d’un véritable effet d’aubaine.

Au nom du groupe écologiste, Guillaume Vimont et Odile Vignal ont pris la parole, rappelant quelques points fondamentaux :

– Les aides aux entreprises peuvent être un levier pour la transition écologique : elles nécessitent néanmoins d’être mieux ciblées en fonction des besoins des territoires et des besoins des entreprises, de l’efficacité des aides;

– Il existe d’autres besoins non financés sur notre territoire;

– Il est extrêmement gênant d’avoir à se prononcer sur des dépenses quant le montant de celles-ci n’est pas clairement établi au moment du vote;

– Cette mesure introduit une vraie distorsion dans la perception de la politique fiscale locale : +9 % de hausse d’impôts pour les particuliers, un abattement de 50 % pour une multinationale.

 

[Guillaume Vimont]

Monsieur le Président, mes chers collègues,

Le groupe écologiste a un certain nombre d’interrogations concernant cette décision d’abattement fiscal.

[Premier remarque, le coût de cet abattement prévu dans les débats parlementaires initiaux pour être intégralement compensé, ne devrait plus l’être. De combien le sera-t-il par une éventuelle majoration de la Dotation Globale de Fonctionnement ? Cela nous n’en avons pas une idée très claire. Il est toujours extrêmement gênant de voter de la dépense sans connaître les montants exacts.]

Deuxième point d’interrogation. Nous faisons le choix d’une telle dépense fiscale en faveur de cette zone de recherche… Dépense que nous aurions pu – et l’État avec nous – affecter au désenclavement durable et à la desserte de ce site, via notamment ses liaisons durables au coeur de ville par les transports en commun et les mobilités douces. Parce qu’en effet, nous pensons que le rôle de la puissance publique est celui d’aménager l’espace public pour connecter les territoires et les hommes.

Troisième point de questionnement sur cette délibération, celui concernant notre stratégie de développement économique avec des mesures de cette nature.

Comme l’investissement, la dépense fiscale est un outil d’intervention dans l’économie de notre territoire, intervention que les écologistes appellent de leurs voeux.

Mais pas n’importe comment. Car qui dit intervention publique dit stratégie.

Or peut-on réduire cette stratégie au seul slogan de la compétitivité des entreprises, sachant que le moins d’impôt ne joue que sur la compétitivité-prix, aux résultats éphémères ?

Pour nous, un système d’aides aux entreprises doit se fonder sur 3 principes :

– un ciblage précis des entreprises bénéficiaires en fonction de nos priorités en matière de développement local au sens large (économique, énergétique, social…);

– une évaluation des besoins des entreprises – de toutes les entreprises;

– une évaluation de l’efficacité des aides : pour nous, l’aide publique à l’économie n’est un levier efficace que pour des entreprises de taille plus restreinte que des multinationales ; bref, pour des entreprises qui en ont réellement besoin pour financer leurs projets de recherche et de développement,

des entreprises qui structurent et nourrissent la diversité d’activités et qui font la richesse – et donc la durabilité – du tissu économique et industriel d’un territoire.

Enfin, l’évaluation doit bien évidemment s’appuyer sur le principe de conditionnalité des aides versées.

=> Il nous semble donc évident que pour des entreprises multinationales qui jouissent déjà d’un certain nombre d’aides (notamment fiscales), l’attribution d’une aide non nécessaire et non conditionnée ne constitue qu’un simple effet d’aubaine,

au même titre que le fameux CICE, qui représente aujourd’hui un triple échec en termes de ciblage, d’efficacité et de simplification.

Enfin, dernier point – et sans doute pas le moindre – comment justifier politiquement un tel effet d’aubaine pour une multinationale quand on vient de décider, il y a un peu plus d’une semaine, une hausse des taux d’imposition de 9 % à Clermont-Ferrand ?

L’effet d’annonce nous paraît dévastateur.

Les apôtres du tout-marché, du ruissellement des profits des grandes entreprises vers les plus petites et vers la population, oseront sans doute le justifier. Mais telle n’est pas notre position.

***

Pour conclure, Monsieur le Président, mes chers collègues, je dirai que la dépense, fiscale ou budgétaire, peut être bien plus pertinente et bien mieux orientée qu’un tel abattement.

Μais pour cela, il nous faut nous doter d’une véritable stratégie économique de territoire définissant des finalités, des outils et des modes d’évaluation : cela devrait être d’ailleurs le débat préalable à toute distribution d’aides, un débat incontournable aujourd’hui, que nous devrons mener avec l’ensemble des acteurs économiques du bassin de Clermont Communauté ; et pas avec les seules entreprises du CAC 40.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe écologiste votera contre cette délibération.

Je vous remercie.

***

[Odile Vignal]

Monsieur le président,

C’est un débat très long mais tout à fait nécessaire parce que c’est un débat politique. Et politique n’est pas un gros mot, pas plus qu’idéologie. Cela recouvre tout simplement la réalité de la société et des gens qui nous ont élus, qui n’ont pas la même conception de la société, de la façon dont nous devons investir l’argent public.

C’est pour cela que c’est un choix qui nous est proposé, et que ça n’est pas non plus une diatribe quand on prend position contre cette délibération, ce n’est pas une diatribe contre l’entreprise Michelin – on travaille avec l’entreprise Michelin, plusieurs d’entre nous, à plusieurs titres, sur la réussite voire l’enrichissement de certaines politiques publiques qui sont bénéfiques pour l’ensemble de nos concitoyens.

Donc nous avons parfaitement conscience à la fois de l’atout et de l’intérêt que représente la présence de l’entreprise sur notre territoire et de l’exigence qui doit être la nôtre dans les relations que nous devons avoir avec cette entreprise.

Et justement, si cette entreprise est une chance pour ce territoire, c’est parce qu’elle peut contribuer à ces politiques publiques et donc aux conditions dans lesquelles nous passons des conventions ou des contrats avec elle.

Ce qui nous est proposé dans cette délibération, c’est justement quelque chose qui n’est pas élaboré ici, c’est de mettre en oeuvre une loi qui vise essentiellement – je le suppose – le développement de la recherche/développement (R&D) dans certains territoires, et qui me paraît très peu adapté, très peu justifié et en fait très peu nécessaire pour ce qui concerne l’entreprise Michelin sur notre territoire et c’est de cela dont il est question et pas d’autre chose.

Ce que l’on nous demande en votant cet abattement ce n’est pas de refaire le débat à l’Assemblée nationale – nous vous y trompez mes chers collègues, nous ne sommes pas députés – on nous demande de mettre en oeuvre cette disposition législative pour une entreprise qui n’en a pas besoin, cette mise en oeuvre – oui, mais on nous laisse le choix, chère collègue – représente environ 900 000 euros par an, tous les ans, et cette mise en oeuvre qui n’est pas nécessaire à l’entreprise, ni dans son développement, ni dans le maintien des emplois, ni dans sa stratégie industrielle et de R&D qui, évidemment, ne s’élabore pas en fonction des choix de Clermont-Ferrand, en matière fiscale et fort heureusement.

Fort heureusement, l’entreprise Michelin est solide et n’a pas besoin du soutien fiscal de Clermont Communauté.

Et bien cette délibération nous demande d’affecter de l’argent – si, contrairement à ce qui a été dit, il s’agit bien d’affecter de l’argent – à cette exonération plutôt que d’affecter les recettes que nous aurions perçues à d’autres projets. Et c’est bien pour cela qu’on vous demande et que je vous rappelle par une intervention qui va bientôt prendre fin, de bien réfléchir avant de faire ce choix : nous avons d’autres besoins sur ce territoire pour utiliser ces 900 000 euros, particulièrement en matière d’investissements dans le transport public, au lieu d’augmenter la contribution des usagers, nous pourrions augmenter la contribution des collectivités, la nôtre donc ;

nous avons des besoins en matière de soutien aux entreprises innovantes ou existantes et qui sont en train de muter sur notre territoire, qui sont en train de tenter un changement difficile, comme par exemple, les ACC (Ateliers de Construction du Centre). Nous avons une vraie stratégie de développement économique à Clermont Communauté et elle a besoin d’être alimentée budgétairement.

C’est pourquoi je vous invite, parce que l’entreprise Michelin n’a pas besoin de cet abattement qui ne sera sans doute pas compensé, malheureusement pour notre territoire, à bien réfléchir au moment de la voter et je préférerais que vous votiez contre.

Je vous remercie.

MT_CM_20160116_12Source : La Montagne, le 16 01 2016