Trains de nuit, entre espoir et pessimisme
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Fret, train de nuit, alternatives à l’avion, le « monde de demain » regorge d’idées pour le ferroviaire. De quoi attirer notre attention et nourrir une série d’articles. Troisième épisode par ici.

Alors que les trains de nuit ont progressivement déserté les rails français au cours des dernières décennies, un vent favorable semble leur attirer un regain d’attention, non sans intérêt pour les territoires et pour le Massif Central. Pour combien de temps et sous quelle forme ? Ces interrogations fondamentales restent en suspens.

Une lente agonie organisée

La quasi-mise à mort des trains de nuit a été actée en 2016 par le gouvernement. Aujourd’hui deux lignes subsistent : Paris-Briançon et Paris-Rodez. Les autres ont subi un lent sabordage permettant de justifier leur abandon. Les pertes financières et l’utilisation minime de ces lignes furent le principal argument officiel de leur fermeture. Les trains de nuit représentaient en effet 25% du déficit des Trains d’Équilibre du Territoire et 3% des voyages. Alain Vidalies, secrétaire d’État aux Transports en 2016, mettait en avant une fréquentation en baisse de 25% entre 2011 et 2016. Face à ces chiffres, l’eurodéputée écologiste Karima Delli répond que « si la fréquentation [des trains de nuit] a baissé toutes ces années, c’est que le nombre de ces trains de nuit a été drastiquement diminué. C’est logique. Et plus on les réduira encore, plus l’offre ne sera pas à la hauteur de la demande. » 

Le manque d’entretien des trains et des lignes se fait d’ailleurs sentir, de quoi rendre l’offre toujours moins attrayante. En 2017, ce sont 35% des Intercités de nuit qui ont été retardés. Malgré tout, une réelle demande résiste au matériel désuet et à l’absence de communication effective, souligne le collectif Oui au train de nuit ! De quoi désavouer une fois de plus le gouvernement, qui pointait du doigt la trop grande concurrence des vols internes. Pour Karima Delli, une offre accrue des trains de nuit se tournerait vers « tout une nouvelle génération écolo qui a grandi avec le low-cost aérien et qui a envie d’un autre modèle ».

 « Oui les trains de nuit ont encore de l’avenir. »

Les trains de nuit semblent ainsi voir leur cote de popularité augmenter. En Europe, l’année 2021 sera l’année du rail ou ne sera pas. Adina Vălean, la commissaire chargée des transports, en faisait la promotion : « La mise en place d’un réseau homogène et opérationnel dans toute l’Europe est un travail de cohésion politique », d’autant plus que le train est « le seul moyen de transport dont les émissions de CO2 baissent de manière presque continue depuis 1990 alors que, dans le même temps, les volumes de transport ont augmenté ». Les trains de nuit sont essentiels à ce type de projet collectif. La compagnie autrichienne ÖBB, exemple de poids, a développé un réseau nocturne en acquérant de nombreuses lignes abandonnées par la Deutsche Bahn. Ces liaisons, bien que présentées comme lourdement déficitaires, sont rapidement devenues rentables. 

En France, Élisabeth Borne, ex-ministre de l’écologie et des transports multipliait les déclarations favorables, promettant le maintien des deux lignes survivantes jusqu’en 2023. En juillet, Emmanuel Macron annonçait un nouveau départ pour les trains de nuit, « parce que ça permet de faire des économies et de réduire nos émissions [de CO2] ». Les lignes Paris-Nice et Paris-Tarbes devraient alors être remises en fonction d’ici 2022. Le Massif Central semble ainsi être le grand perdant de cette politique. Encore délaissé, une ligne Paris–Clermont-Ferrand–Aurillac–Nîmes lui serait pourtant d’un grand intérêt. Avec sa vitesse adaptée, le train de nuit pourrait ainsi desservir tout le Massif Central. Aucune annonce sur cette option.

Entre attentes et déceptions

Le collectif Oui au train de nuit ! ne perd pourtant pas espoir, et fait circuler une pétition. Il demande le déploiement de 15 lignes nationales et 15 lignes internationales pour un investissement de 1,5 milliard d’euros.

Yves Crozet, spécialiste de l’économie des transports, est plus pessimiste quant aux ambitions gouvernementales, qu’il pense être, en réalité, un effet d’annonce. Selon lui, il y aura des appels d’offres sur deux ou trois lignes, pas de quoi modifier les émissions de CO2 de la France.

Sur les 4,7 milliards d’euros promis à la SNCF à travers le Plan France Relance, seulement 100 millions d’euros sont en effet destinés à la rénovation du matériel roulant du trafic nocturne. Au sein de la SNCF, on juge que la relance des trains de nuit est clairement un symbole, « un geste politique, en direction des élus locaux. »

[A suivre]