[TE] La transition à quel échelon ?
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Penser la transition en termes de sobriété, d’efficacité et d’énergies renouvelables [cf ICI] a des conséquences majeures quant à l’organisation territoriale du pays. Pour la France jacobine et centralisatrice, la transition énergétique pourrait alors prendre l’allure d’une révolution.

1- Sobriété et bassins de vie : la définition, la sélection et la hiérarchisation des besoins ne peut s’effectuer qu’au niveau local, qu’au niveau d’un territoire, de ses ressources et conditions climatiques.

En milieu urbain, le « bassin de vie » correspond à la communauté urbaine ou la communauté d’agglomération, néanmoins élargie, lorsque cela est nécessaire aux communautés de communes les plus proches, instituées en réaction au poids trop lourd du coeur d’agglomération.
En milieu rural, la notion de pays devrait donner du poids à des intercommunalités parfois trop faibles pour initier des actions significatives.
Chacun de ces bassins de vie devrait être à même de couvrir un territoire géographique, climatique et économique cohérent afin de pouvoir travailler sur son autonomie et sa résilience énergétique.

La seule notion de bassin de vie ne peut pas suffire ; elle doit s’accompagner de réformes institutionnelles fortes destinées à renforcer l’autonomie décisionnelle et fiscale de ces territoires : un bloc de compétence stratégique, le bloc de compétences « climat-énergie » devrait notamment regrouper les compétences urbanisme, environnement, aménagement, équipement, mobilité.

C’est aussi à l’échelle et au prisme de ces bassins de vie que sera analysé le « métabolisme » des territoires, métabolisme énergétique et matériel : mesurer les flux énergétiques d’un territoire dans ses échanges avec les autres territoires, sa consommation énergétique comme sa production de déchets permettra d’en évaluer le degré d’autonomie, de résilience et de « symbiose » avec son environnement naturel.

2- Efficacité et optimisation de l’usage des ressources : penser l’efficacité énergétique et mener la chasse au gaspi implique également :
– de penser la production d’économies d’énergie dans la continuité de la production d’énergie : les futurs services publics d’efficacité énergétique produiront aussi bien des kWatts que des négaWatts, et donc non plus des quantités d’énergie, mais une certaine qualité d’énergie, une efficacité pesant aussi bien sur l’offre que sur la demande. Or une telle ambition ne peut s’envisager qu’à une échelle fine et pertinente, celle d’un territoire cohérent.
– d’appliquer le principe de subsidiarité énergétique : la priorité est donnée aux énergies produites localement (complétées, si nécessaire, par des apports extérieurs).
– d’oeuvrer enfin à la gestion d’un bien commun, celui des cycles énergétiques d’un territoire, et de la durabilité de leur utilisation sur le long terme.

 

3- Renouvelables et logiques de flux : penser en termes de flux énergétiques, c’est lier production et consommation de l’énergie sur le long terme.
« Les consommateurs doivent devenir des acteurs de l’énergie au sein de collectivités organisées pour relever les défis de la maîtrise de la demande et de la décentralisation de la production d’électricité, explique le CLER, réseau pour la transition énergétique. Le réseau de distribution constituera le lien entre citoyens et production. Il devra faire l’objet d’une gestion rigoureuse cohérente avec les politiques du territoire définies par les élus des collectivités. Ces dernières doivent pour cela avoir enfin la possibilité de reprendre en main la compétence que leur confère la loi. » Et donc de créer des entreprises locales de distribution, aujourd’hui interdites par la loi.

A cet impératif lourd de décentralisation et de forte autonomie locale, les résistances sont nombreuses dans un pays à la culture aussi jacobine et étatiste que la France. A la décentralisation énergétique, on reproche souvent le risque de la disparition du prix unique appliqué sur le territoire national, via la principe de péréquation. Or si monopole n’implique pas péréquation, péréquation n’implique pas monopole. Aussi décentralisation de l’énergie et péréquation énergétique pourraient-elles se conjuguer.

[A suivre…]