[TE] Énergie : aux fondements du système existant
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Si la crise est globale – ou systémique – des points de vue économique et énergétique, elle doit nous permettre de distinguer les principes fondateurs du système aujourd’hui dans l’impasse. Et donc de dégager les clefs qui seront celles de la transition vers un autre système, soutenable et durable. L’économie dominante aujourd’hui aux prises avec l’impasse énergétique s’est construite selon trois logiques complémentaires : une logique de ressources, une de gaspillage et une de stocks.

  • Logique de ressources : l’immensité des gisements de charbon puis de pétrole a nourri l’illusion de ressources infiniment abondantes et conduit à négliger la gestion des ressources au profit de leur seule utilisation commerciale. Puisque la soudaine abondance de ces ressources accumulées par la planète durant des millions d’années donnait une illusion d’éternité tout en permettant un déploiement inédit d’énergie – et donc de croissance économique -, la question a été celle de la conquête de marchés neufs et donc de l’invention permanente de nouveaux besoins. A la question « quels sont les besoins à satisfaire ? » a été substituée la question « Quels besoins doit-on inventer ? »
  • Logique de gaspillage : l’utilisation de ces ressources carbonées, sans respect des rythmes naturels de renouvellement (des millions d’années), ni de la valeur attachée au temps de leur constitution, et sous l’apparence trompeuse d’une abondance infinie a conduit à leur attribuer un prix trop modique (et ce, malgré la hausse actuelle due à leur épuisement). Accumulées pendant des centaines de millions d’années, ces ressources auront été épuisées en un peu plus de deux siècles. Le non-respect des rythmes naturels de (re)constitution aura induit des déséquilibres naturels majeurs dans l’écosystème de la planète : l’accumulation des Gaz à effet de serre (GES) entraîne la crise climatique aux conséquences humaines, économiques et stratégiques majeures. (sécheresses, montée des eaux, migrations, baisse des rendements agricoles…)

Poser la question du rythme de renouvellement, de la valeur et du prix réel d’une ressource pour une utilisation donnée, c’est rapporter un résultat à des moyens ; et donc parler d’efficience énergétique (appelée aussi, par abus de langage, efficacité énergétique). Le système énergétique actuel n’a jamais posé cette question, pour la simple raison de cette illusion de ressources inépuisables.
Illustration – Dans une économie agraire (par exemple un pays de l’Afrique sub-saharienne), sans énergie fossile (ou quasiment), un paysan produit un PIB de l’ordre du dollar par jour, avec la seule énergie de son corps, qui n’excède pas un kWh d’énergie mécanique par jour. L’efficacité énergétique du PIB y est donc de 1 dollar par kWh, ou à peu près. Dans les pays occidentaux, le PIB par personne est de quelques dizaines de milliers de dollars par an, et la consommation d’énergie de l’ordre de 50.000 kWh par an : nous sommes donc aussi à 1 dollar par kWh ! 

[Source : Jean-Marc Jancovici, Quelques réflexions sur la transition énergétique ?]

  • Logique de stocks : sans prise en compte des durées longues et très longues de reconstitution des ressources, on est conduit à concevoir des stocks d’énergie, par définition épuisables. D’une logique de stocks découlent deux conséquences : une concentration excessive des richesses et des capitaux ainsi qu’une diminution progressive des quantités disponibles. Avec les conséquences économiques abordées plus haut en termes de besoins et de conquête des marchés et de limite physique de la croissance économique actuelle, plafonnée depuis quarante ans, malgré les vœux pieux d’une classe dirigeante ne jurant que par son retour. [voir ICI ]

Une triple logique de ressources, de gaspillage et de stocks détermine le système énergétique  – et donc économique – actuel. Et si un triptyque alternatif permettait de dégager des pistes pour la transition ?

[A suivre…]