Railcoop, une initiative citoyenne pour sauver les Intercités
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Railcoop est une société coopérative basée dans le Lot et née en 2019. Elle a saisi l’opportunité de l’ouverture à la concurrence du ferroviaire pour répondre aux besoins des voyageurs et entreprises et prendre des parts de marché au routier, dans une logique écologique. L’objectif des sociétaires est de réhabiliter d’anciennes lignes interrégionales délaissées par la SNCF, comme le Bordeaux–Lyon qui n’est plus en service depuis 2014 et qui fait l’objet de leur premier projet. 

Sur le modèle d’Enercoop, société coopérative qui alimente ses clients en énergie renouvelable, Railcoop veut s’immiscer dans le marché du rail suite à son ouverture à la concurrence qui aura lieu le 13 décembre 2010 pour les lignes françaises transportant des voyageurs. Il existe de nombreuses incertitudes sur les conséquences de cette ouverture à la concurrence : y aura-t-il une augmentation des prix, une détérioration des services ou un maillage du territoire amélioré ? Difficile de trancher dans ces débats économiques qui tournent à l’analyse de cas des pays qui adoptent déjà la concurrence, du Royaume-Uni jusqu’au Japon en passant par la Suède. Le retour d’expérience de l’ouverture à la concurrence du fret qui a eu lieu en 2006 suscite également quelque scepticisme puisque le volume de marchandises transportées par le rail a été divisé par deux. Aujourd’hui en France, 9% des marchandises sont transportées par le train contre 17,3% en moyenne en Europe.

La mission environnementale de Railcoop

Le train souffre, par ailleurs, structurellement de la concurrence déloyale du routier et de l’aérien. En effet, la quasi-totalité des coûts de construction et d’entretien des infrastructures routières sont pris en charge par l’État et les collectivités locales. Ces infrastructures sont mises gratuitement à la disposition des usagers, notamment pour le transport de marchandises. Pire, la seule redevance collectée pour l’usage des routes, les péages autoroutiers, est concédée à des concessionnaires privés qui jouissent d’une rente disproportionnée par rapport aux services qu’ils rendent. Ajoutons à cela la niche fiscale accordée au gazole professionnel, et on constate que le gouvernement maintient un bonus pollution au détriment du rail.

Le projet de Railcoop prend en compte ces éléments et se positionne comme alternative écologique. Tout en répondant aux besoins existants, leurs trains prendront des parts de marché à la voiture, aux bus, aux camions et aux avions. À leurs trains voyageurs, ils envisagent donc d’ajouter une offre de trains de nuit et des services de fret. Pour le trajet Bordeaux–Lyon, ils aligneront leur prix au tarif du covoiturage, avec un billet à 38€. Selon leur étude, le potentiel de marché est estimé à 690 000 voyageurs dont 85% venant de la voiture, ce qui viendrait contrer la tendance à la hausse du trafic routier (34% d’augmentation prévue pour 2050).

Complémentarité avec la SNCF

Nicolas Debaisieux, directeur général de Railcoop et anciennement chargé des questions d’émissions de gaz à effet de serre du transport maritime et aérien à la commission européenne, souligne qu’ « Il faut bien distinguer les deux segments nés de l’ouverture à la concurrence […] : la création d’un marché « libre », sur lequel Railcoop se positionne, et où c’est la compagnie qui définit la ligne qu’elle veut exploiter, et les lignesmises en place par l’État ou les régions, qui doivent dorénavant faire l’objet d’un appel d’offres. » Pour le moment, il existe cinq projets de lignes de trains déposés par la compagnie allemande FlixTrain dans le cadre de ce second « segment » : Paris–Bruxelles, Paris–Lyon, Paris–Nice de nuit, Paris–Toulouse, et Paris–Bordeaux.

À Nicolas Debaisieux d’ajouter : « Notre positionnement n’est pas d’aller sur le service public régional, mais sur les services libres, qui viennent compléter l’offre des régions. » Renaud Lagrave, vice-président de la région Nouvelle-Aquitaine en charge des transports trouve « leur dispositif intéressant » puisqu’il « vient ajouter des fréquences et des trains sur un territoire qui en a besoin. »  L’élu fait également valoir l’arrivée d’un opérateur « issu de l’économie sociale et solidaire, qui n’est pas là uniquement pour faire des dividendes. »

Un projet par et pour les citoyens

Leur projet est collectif et à intérêt collectif. En effet, leur Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) doit reverser 57,5% des bénéfices dans le ferroviaire, et non en salaires. Par ailleurs, cette société issue de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) donne « l’opportunité aux citoyens de se réapproprier directement les questions ferroviaires, » souligne Dominique Guerrée, président du Conseil d’administration. Collectivités locales, entreprises, associations et citoyens prennent part à la gouvernance démocratique. Les statuts de la SCIC prévoient cinq catégories de membres qui représentent chacune 20% des voix : les salariés, les collectivités et institutions, les partenaires techniques et financiers, les bénéficiaires personnes physiques, et les bénéficiaires personnes morales.

L’abandon de lignes par SNCF Réseau limite Railcoop

Ce projet citoyen entend donc pallier le désengagement de l’État et de la SNCF. Que ce soit pour le transport de marchandises ou de voyageurs, 30 % des gares ferroviaires françaises ne sont pas desservies. Le défi de Railcoop est d’aller « là où la SNCF ne va plus » selon Guillaume Sournac, coordinateur de projets au Syndicat ferroviaire du Livradois-Forez. Les trains de Railcoop devraient ainsi s’arrêter dans neuf gares entre Bordeaux et Lyon.

En revanche, Railcoop ne pourra pas mettre des trains en service là où SNCF Réseau a laissé l’infrastructure ferroviaire se dégrader et des lignes fermer. Leur projet est donc complémentaire à une réelle politique territoriale de maillage et d’entretien du réseau.

[À suivre]