Rail : fin de l’illusion, maintien de l’inertie
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Fret, train de nuit, alternatives à l’avion, le « monde de demain » regorge d’idées pour le ferroviaire. De quoi attirer notre attention et nourrir une série d’articles. Deuxième épisode par ici.

Le mythe de la (grande) vitesse s’est effondré il y a quatre ans pour Clermont-Ferrand et l’Auvergne. En 2015, le rapport Duron sur la mobilité durable signait la fin de l’illusion – et des grands-messes – autour du Paris-Orléan-Clermont-Lyon (POCL). Hormis quelques génuflexions sénatoriales récurrentes, le silence est de mise sur le sujet. Pourtant, dès lors que le POCL était rendu à sa réalité d’illusion politique et politicienne, on pouvait espérer qu’un débat plus profond sur la desserte ferroviaire, le rôle du fer et l’équilibre du territoire, notamment dans et autour du Massif Central reprendrait naturellement ses droits.Il semblait évident, du moins rétrospectivement, qu’une fois les grandes métropoles d’équilibre (telles que définies par la DATAR dès les années 1960) desservies par la Grande Vitesse, la question du centre ferroviaire de la France redeviendrait centrale. Hélas, le tout-routier est doté d’une inertie telle qu’il asphalte aussi bien le débat d’idées que les terres agricoles. Aujourd’hui encore, la CGT-Cheminot dénonce, en effet, « l’impasse du tout-routier ». 

Le tout-routier domine encore

La région Auvergne-Rhône-Alpes compte ainsi bétonner près de 11km de nature pour le contournement routier du Pertuis et Saint-Hostien de la RN88 en Haute-Loire. En finançant ce projet du passéla région maintient les habitant.e.s dans un état de dépendance à l’automobile et freine le développement de la desserte ferroviaire dont le département a grandement besoin.

Deux ans plus tôt, la même rhétorique est utilisée par la région pour le financement de la construction de l’A45, une seconde liaison entre Saint-Étienne et Lyon, qui serait venue s’ajouter à l’A47 déjà existante, divisant les communes et détruisant les terres agricoles. Ce projet de 45 kilomètres dont le coût global était estimé à 1,2 milliard d’euros, a été abandonné en octobre 2018, après des décennies de blocage. Contrairement à ce que Laurent Wauquiez, président de la région, avait annoncé,cette décision n’est pas une autre manière de mépriser « nos territoires » mais se place bien dans une réflexion sur leur desserte ferroviaire.

En février 2020, le rapport Philizot diagnostique ainsi l’existence de 9000 km de « petites lignes » sur les 28000 km du tracé ferroviaire français. Ces lignes, souvent mal entretenues et sous-financées, notre région en compte 1300 km, se plaçant ainsi en troisième position après L’Aquitaine et l’Occitanie. Il y a donc un réel besoin, d’autant plus que, selon Bruno Gazeau, président de la Fnaut, ces lignes paraissent petites lorsqu’on les observe depuis Paris et beaucoup plus grandes lorsqu’on les regarde depuis la région.

Une alternative juste et écologique

C’est à ce débat nécessaire, travail fondamentalement plus politique que technique, queles écologistes avaient tenté de donner corps au plus haut de la vague LGV en posant les bases d’unprojet alternatif fondé sur le réseau ferroviaire existant, notamment transversal, du centre de la France. C’était déjà en soi une réflexion non métropolitaine.

Au plus fort du culte rendu au dieu LGV, les écologistes avaient, en effet, prêché dans le désert de la gabegie (14 milliards estimés, soit 16 ou plus à terme) et de l’endettement annoncés, la bonne nouvelle d’une solution alternative : elle avait le mérite de poser la question du ferroviaire dans toutes ses dimensions, logistique, humaine, sociale, écologique et climatique. Et d’esquisser un mode de réponse dont l’avenir aurait gagné à s’inspirer. Mais l’effondrement du mythe de la LGV ne scella guère le sort des vieux réflexes, laissant le débat aux prises avec son habituelle vacuité, cantonné à un lobbying gesticulatoire.

En associant les élu-es écologistes de 6 régions contiguës du centre de la France, une proposition forte et réaliste de plan ferroviaire écologique, économique et territorialement équilibré avait été produite. Pour la portion qui nous intéresse directement, l’alternative à la ligne POCL consistait en un train à haut niveau de service dont la mise en circulation aurait nécessité environ un tiers du coût de réalisation de la POCL, soit un peu moins de 6 milliards. Par déduction rapide, on peut tenter d’en inférer le coût d’un aménagement moderne et efficace de la ligne Paris – Clermont : entre 2,5 et 3 milliards d’euros.

Cette proposition de train à très haut service était d’autant plus attractive en ce qu’elle aurait permis la circulation du train de nuit, tant loué par Emmanuel Macron début juillet.Les trains de nuit en France,c’est l’histoire d’une lente agonie organisée, avec seulement deux survivants : Paris-Briançon et Paris-Rodez.

[À suivre]