Dossier déchet (1) – Les déchets ménagers : un secteur en perpétuelle évolution
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Le secteur des déchets ménagers est extrêmement complexe, la compétence est découpée entre différents acteurs et les évolutions réglementaires ont été nombreuses, notamment sur ces dix dernières années. 
 

Les collectivités publiques, dont la Métropole, a compétence pour gérer les déchets ménagers et assimilés (DMA). Ces déchets représentent les déchets des particuliers et des entreprises qui bénéficient du système de collecte des déchets de la collectivité (en résumé, les commerces, TPE et PME). Le traitement des déchets a été délégué au Valtom, qui regroupe toutes les collectivités du Puy-de-Dôme et une partie de la Haute-Loire. Sur le territoire de Clermont Auvergne Métropole, c’est 145 000 t env. de déchets produits chaque année, soit à peu près 500 kg/an et par habitant. 

Les déchets ménagers ne concernent que 10 % environ de la totalité des déchets produits en France. Plus de 70 % des déchets sont générés par l’industrie du BTP. 

© VALTOM

Les 3 révolutions dans la gestion des déchets  

On peut parler de 2 voire de 3 révolutions depuis le début des années 2000 dans la gestion de nos déchets. 

La première est l’introduction des filières de recyclage début 2000. Alors qu’auparavant la quasi-totalité de nos déchets étaient enfouis, la poubelle jaune a permis de recycler les déchets les moins problématiques, tels que le papier et le carton. Peu à peu, de nouvelles filières se sont mises en place pour le plastique notamment, et en déchèterie avec l’apparition des filières REP (responsabilité élargie des producteurs).  

La filière REP, qu’est-ce que c’est ? C’est un système qui fait financer le coût d’élimination des déchets aux producteurs, c’est à dire aux entreprises. Ce système, pas totalement efficace, notamment parce que régulé par les entreprises elles-mêmes, permet néanmoins d’introduire une certaine responsabilisation dans la production de déchets. Dans ce cadre, les éco organismes mis en place dans le cadre de ces REP, accompagnent techniquement et financièrement les collectivités pour mieux collecter et valoriser leurs déchets. C’est le cas pour les emballages avec CITEO, pour les meubles avec Ecomobilier, pour les déchets électriques et électroniques avec Ecosystem…

Encore plus de 80 kg de déchets recyclables se retrouvent dans la poubelle grise, ils sont donc incinérés alors qu’ils pourraient être réintégrés sur le marché. Ainsi, depuis le début de l’année, le geste de tri a été simplifié afin de mieux capter le gisement d’emballages recyclables. Cela ne signifie pas pour autant que tous les emballages se recyclent, mais cela permettra de mieux cerner la quantité d’emballages actuellement non valorisables et orienter la recherche vers ces matériaux.  
 

La deuxième révolution, toujours en cours, est celle de la prévention/réduction. Arrivée au début des années 2010, les Plan Locaux de Prévention (PLP) ont été mis en place volontairement par les collectivités. Ils sont désormais obligatoires et se sont étoffés avec les labélisations Territoire Zéro Déchet Zéro Gaspillage, élargissant le champ de la réduction des déchets (sensibilisation des scolaires, promotion du compostage, atelier zéro déchet, promotion de la réparation…) à l’économie circulaire (accompagnement dans la mise en place de filière de réduction/valorisation des déchets sur le territoire, implication de la collectivité pour accompagner les acteurs économiques du territoire vers une économie plus sobre en consommation de ressource). 

Dans ce contexte, de nombreux efforts restent à faire, par exemple : 

  • encore 10 kg de verre non recyclés : la réintroduction de consigne pour les emballages en verre à l’échelle locale pourrait permettre de réduire ce chiffre, 
  • encore 150 kg d’encombrants en déchèterie non valorisés. Mieux triés, ils pourraient être a minima recyclés, au mieux réemployés (pour les huisseries par exemple),  
  • une explosion de la vente à emporter, produisant de nombreux déchets non recyclables 
  • des taux de réparation extrêmement bas pour certains équipements (par ex 8% pour les micro-ondes, 5% pour un fer à repasser, 10% pour un téléviseur ou 25% pour un téléphone portable) alors que des opérations faciles permettraient leur remise sur le marché 
  • 5 kg/an et par habitant de textiles sanitaires, dont une majorité de couches. 

La dernière révolution, en cours elle aussi, est celle du tri à la source des biodéchets. La loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV) l’a rendu obligatoire, le Paquet européen Économie Circulaire a avancé l’échéance au 31 décembre 2023 pour sa mise en œuvre. Et l’enjeu est de taille : malgré la collecte des biodéchets réalisées dans les zones pavillonnaires de la Métropole, encore 40 kg de biodéchets par an et par habitant se retrouvent dans la poubelle grise. Ces déchets pourraient être valorisés via le compostage et la méthanisation, alors qu’actuellement, ils sont transportés, puis enfouis. D’une charge pour la collectivité, nous pourrons donc en faire une ressource, si le geste de tri est effectué correctement.

© VALTOM

2 objectifs : réduire et mieux valoriser les déchets 

Ces trois révolutions retranscrivent les deux grands objectifs fixés dans le cadre des différentes législations adoptées par l’Europe et la France : 

  • réduire sa production de déchets ménagers (DMA) de 15 % entre 2010 et 2030 
  • atteindre un taux de valorisation matière (recyclage – compostage) des DMA de 55 % en 2020 et 65 % en 2025 
  • réduire les quantités de déchets ménagers et assimilés admis en installation de stockage en 2035 à 10 % des quantités de DMA.  

Pour cela, tout un arsenal législatif a été mis en place afin d’inciter les collectivités à adopter des projets plus ambitieux de prévention des déchets, même si la loi pourrait être plus ambitieuse. 

Toute la législation repose aujourd’hui sur la hiérarchisation du mode de traitement des déchets. Instauré dans le code de l’Environnement, cette hiérarchie donne la priorité à la réduction des déchets, puis au réemploi avant toute action de valorisation du déchet.  

C’est sur la base de cette hiérarchisation que certains projets d’incinérateur ont été revu à la baisse, dont celui de Clermont Ferrand, pour lequel la quantité de déchets a été limité à 150 000 t, justement pour répondre à ces priorités dans le mode de gestion. 

Afin de faire respecter cette hiérarchie, la LTECV et récemment la loi Anti Gaspillage et Economie Circulaire sont venues renforcer l’action en faveur de la réduction des déchets. Cependant, malgré quelques avancées, nous pouvons déplorer le manque d’ambition de ces lois : 

  • l’ambition de tendre vers 100 % des plastiques recyclés à horizon 2025, objectif inatteignable en l’état, 
  • l’obligation du tri des déchets pour tous les producteurs, avec de nouvelles obligations pour le secteur du BTP,  
  • pour le tri dans l’espace publique, la loi prévoit une contribution de la REP emballages pour accompagner les collectivités dans la mise en place du tri hors domicile, 
  • La création de nouvelles REP pour le BTP, le matériel de sport, les cigarettes, les emballages de la restauration, les jouets ou encore les articles de bricolage avec pour chacune d’entre elles des objectifs de prévention de déchets, 
  • l’interdiction de certains plastiques à usage unique, tels que les couverts, gobelets, assiette ou paille en plastique ou la vaisselle jetable dans les fast-foods. 
     

L’urgence financière et réglementaire 

Si les collectivités adoptent avec plus ou moins d’entrain des plans d’actions pour réduire et mieux valoriser les déchets, celles-ci vont devoir s’engager avec bien plus d’intérêt si elles ne souhaitent pas voir le coût de la gestion de leurs déchets exploser. 

Tout d’abord, les objectifs de réduction d’enfouissement des déchets prévus dans la LTECV vont entraîner une fermeture de nombreuses Installations de Stockage des Déchets Non Dangereux (ISDND, ancien centre d’enfouissement technique), prévue dans le cadre des Plans Régionaux de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD). Les collectivités qui ne réduiront pas la quantité de déchets enfouis devront à terme les transporter vers des ISDND plus lointaines, entraînant une forte hausse des coûts de traitement.  

La deuxième raison va entraîner des effets à plus court terme. La loi de finances de 2019 prévoit une hausse de la Taxe Générales sur les Activités Polluantes (TGAP) progressive mais forte entre 2021 et 2025 sur les activités d’incinération et d’enfouissement. Par exemple, la TGAP va passer de 30€/t de déchet enfouis en 2021 à 65€/t en 2025. 

La TGAP, c’est quoi ? 

Chaque gestionnaire de déchet, que ce soit une entreprise qui gère directement ses déchets ou un prestataire en charge de leur traitement, ou bien une collectivité en charge de collecter les déchets ménagers, doit payer une taxe pour l’élimination de ses déchets, nommée TGAP. De prime abord, la hausse de cette TGAP sur les activités d’enfouissement et d’incinération peut s’avérer pertinente : elle doit inciter en effet les producteurs à mieux trier leur déchet et faire attention à réduire la production de déchets non recyclables.  

Pour les collectivités, cette hausse s’avère moins fructueuse. En bout de chaîne, elles n’ont pas tous les outils à disposition pour permettre une réduction forte des déchets non recyclables : 

  • par exemple, augmenter significativement les écocontributions pour les entreprises qui n’utiliseraient par d’emballages recyclables ou qui ne s’engageraient pas dans des démarches d’écoconception, 
  • sanctionner les entreprises qui ne trieraient pas leurs déchets avant dépôt en déchèterie. 

Ainsi, si la production de déchets en 2019 restait la même pour Clermont Auvergne Métropole, le surcoût de TGAP s’établirait à 1M€ environ. 

Plus d’infos sur la production de déchets de Clermont Auvergne Métropole : https://www.clermontmetropole.eu/fileadmin/user_upload/Actus/Actualites/2021/janv/Rapport_dechets_Clermont_Auvergne_Metropole_2019.pdf

Cependant, les collectivités gardent une certaine marge de manœuvre afin de réduire la hausse de la fiscalité liée à la TGAP. Ces actions regroupent toutes les mesures de réduction/tri des déchets citées ci-dessus : 

  • promotion du compostage et de la collecte des biodéchets sous toutes ses formes, 
  • hausse des performances de tri des emballages 
  • réduction de la benne encombrant en déchèterie en mettant en place de nouvelles filières de tri/recyclage

Un levier fiscal efficace ? 

Un des autres leviers mentionnés est celui de la fiscalité, et notamment de la tarification incitative (pour les particuliers) et de la redevance spéciale (pour les professionnels). Cette tarification, contrairement à la TEOM, consiste à faire les payer aux particuliers le service en fonction de la quantité de déchets produites. Actuellement, la TEOM se base sur le foncier bâti pour calculer le niveau d’imposition. Ainsi, la tarification incitative, couplé à un accompagnement fort de la collectivité, pourrait permettre de réduire la production de déchets, optimiser les coûts de collecte et de traitement (notamment de TGAP) et donc à terme de réduire le niveau d’imposition. Cependant, elle est critiquée par certains d’entraîner une recrudescence des dépôts sauvages. 

Prenons l’exemple du Grand Besançon qui a instauré la tarification incitative dès 2011. Courant les années 2000, cette collectivité a dû prendre une décision concernant la prolongation d’un de ses fours d’incinération d’une capacité de 25 000 t. Les élus ont pris le parti de ne pas prolonger ce four et de miser sur une politique de prévention plus forte couplée à l’adoption de la tarification incitative. Afin de donner la possibilité aux usagers de pouvoir réduire le contenu de leur poubelle et ainsi mieux maîtriser le montant de leur taxe, la collectivité a tout d’abord développé une politique de promotion du compostage individuel et collectif forte. Seulement dans un deuxième temps, la redevance incitative a été instaurée : une part fixe, permettant de financer le service a minima et une part variable en fonction du poids et du nombre de levée de bac. Un portail de suivi de la production de déchets a été mis en place pour accompagner la population dans la réduction des déchets ainsi qu’un renfort de l’équipe relation-usager. 

Les résultats sont probants : quand les collectivités réduisaient en moyenne de 10 % la production d’OMR sur la période 2008 – 2018, le Grand Besançon a vu le poids de sa poubelle noire réduire de 35 % quand le poids de la poubelle jaune et du verre augmentait d’environ 10 %, soit moins d’incinération et plus de recyclage. 

Certains points de vigilance sont cependant à noter :  

  • Concernant l’habitat vertical, il est indispensable de travailler notamment avec les bailleurs sociaux et de garder une certaine équité dans les tarifs. 
  • Il est important, surtout en début de passage à la tarification incitative, de mettre en place une politique de répression forte des dépôts sauvages, qui pour rappel, est de la compétence du maire. Le Grand Besançon prévoit la création d’une brigade verte, à l’instar de certaines collectivités en Suisse, comme Zürich. Sur le Grand Besançon, les dépôts sauvages ont augmenté de manière significative. La tarification incitative a certainement un impact, mais de manière générale, les dépôts sauvages augmentent partout en France. A Clermont-Ferrand par exemple, ces derniers augmentent par la mise en place des points d’apports volontaires en centre-ville. 
  • Il faut aussi agir sur les refus de tri : sur ce point, la simplification du geste de tri permet d’ores et déjà de minimiser cet impact. 

La tarification incitative n’est pas une fin en soi, mais elle est un outil supplémentaire pour permettre de réduire la production de déchets ménagers quand celle-ci est mise en place de manière consciencieuse. Pour l’instant, l’Etat ne prévoit pas de généralisation de ce dispositif mais prône plutôt l’incitation en se fixant des objectifs de couverture de la population (25 M de Français.e.s en 2025). L’ADEME soutient fortement les collectivités qui s’engagent sur cette taxation, via des subventions d’investissements. En cas de généralisation, les collectivités perdraient certainement ces soutiens. Alors que Clermont Auvergne Métropole a commandé une étude sur ce sujet, est-il pertinent de refuser d’un revers de la main de réfléchir à sa mise en place ?