L’élevage, clef de la transition écologique
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Le sommet de l’élevage s’est ouvert hier à Cournon d’Auvergne alors que les éleveurs sont pris dans la double tempête d’une conjoncture morose et de la baisse des marchés. Frappée de plein fouet par la dérégulation et la mondialisation, par la baisse constante des prix et l’atonie des marchés, la profession se braque contre l’écologie et les nouvelles normes environnementales, notamment l’extension des zones vulnérables autour des points de captage d’eau potable.

Opposer élevage et écologie revient à masquer les véritables causes de la crise agricole : industrialisation, mondialisation et massification du secteur .

Concentration du « capital vivant » que constituent les cheptels, concentration des abatteurs, collecteurs et distributeurs (grande distribution) : la convergence de ces phénomènes produit à la fois du déséquilibre entre les territoires et des dégâts économiques et sanitaires majeurs.

La dérégulation continue des marchés du lait et de la viande – fins des quotas laitiers de l’UE, négociation de l’accord transatlantique (TAFTA) dont l’ambition affichée est de créer de la croissance via la dérégulation – aboutissent à des logiques de concentration massive de l’activité qui vident les territoires et enferment les exploitants dans des relations commerciales extrêmement asymétriques.

L’Auvergne n’est pas épargnée qui subit la concentration toujours plus poussée de l’industrie du lait, et notamment de la coopérative Sodiaal qui a fermé son unité de Saint-Yorre et racheté des coopératives dans le sud du Cantal dans l’optique d’atteindre une taille critique sur les marchés mondiaux.

Cet éloignement des sites de transformation laitière fragilise les réseaux locaux de collecte dont la myriade de petites exploitations est forcément « moins rentable » qu’une usine à lait à l’allemande.

Dans le même temps, le secteur se lance dans un double processus de littoralisation et d’hyperconcentration. C’est notamment l’exemple de la ferme des Mille Vaches dans la Somme, une première en France qui réjouit les milieux économiques et les investisseurs et affolent les milieux paysans, très inquiets de ce précédent qui constitue une négation pure et simple du métier qu’ils pratiquent.

Qu’après la crise majeure de la filière agroalimentaire bretonne, on en soit encore à rechercher des solutions dans les causes mêmes de cette crise – industrialisation et traque obsessionnelle des économies d’échelle – relève de l’aveuglement le plus total.

Concentration animale, baisse drastique des prix compensée par l’exploitation des déchets (méthanisation et biogaz), problèmes sanitaires et de maltraitance animale (antibiorésistance, puçage systématique, etc.), l’industrialisation à outrance vise moins la production de produits alimentaires que de profits.

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Tant que ces tendances de fond et strictement économiques qui ravagent les territoires, l’agriculture et l’alimentation ne seront pas visées par une politique globale et des réglementations lourdes, les normes environnementales resteront de peu d’effet ; pire encore, elles contribueront à la fragilisation des exploitations les plus petites.

Pour autant, seule une approche écologique globale (à la fois normative et incitative), animée par l’exigence d’exploitations agricoles intégrées et adaptées à leurs territoires pourrait permettre de sortir de cette crise par le haut.

Le rééquilibrage des aides en faveur de l’élevage tel que prévu par la nouvelle PAC doit permettre de donner de l’oxygène à un secteur en difficulté.

Par ailleurs, les aides du second pilier de la politique européenne (1,2 milliards d’euros pour l’Auvergne, soit 400 millions de plus que précédemment), aujourd’hui pilotées par les régions, doivent être l’un des leviers de la transition de la profession ; sans que la réforme territoriale ne vienne la diluer.

A taille humaine, l’élevage

  • contribue naturellement à la qualité et à la préservation des paysages et des terroirs

  • aide au maintien de l’activité économique dans les espaces ruraux et montagnards.

  • reste l’une des clefs de la transition vers l’agroécologie via l’équilibre et la complémentarité des pratiques culturales.

Le secteur de l’élevage reste l’un des maillons essentiels de la vie dans nos campagnes. Il sera au coeur de la transition vers une agriculture plus juste et plus écologique.