Le déclin des insectes pollinisateurs menace les rendements agricoles
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En déclin accéléré depuis la fin des années 1990, les abeilles domestiques (Apis mellifera) ont pléthore d’avocats. Mais leurs cousins sauvages – les centaines d’espèces d’abeilles solitaires, les bourdons, etc. – soulèvent beaucoup moins d’intérêt. A tort.

Une vaste étude, publiée vendredi 1er mars par la revue Science, révèle leur rôle crucial dans la pollinisation – donc les rendements – de nombreuses cultures. D’autres travaux, publiés dans la même édition de la revue américaine, suggèrent quant à eux que le dépérissement des pollinisateurs sauvages, plus délicat à évaluer, n’est pas moins inquiétant que celui de leurs cousines domestiques.

Rassemblant les données collectées par une cinquantaine de chercheurs internationaux sur la pollinisation de 41 types de culture (amande, mangue, café, fraise, etc.) répartis sur les cinq continents, Lucas Garibaldi (Conseil national d’investigations scientifiques et techniques d’Argentine) conclut que les services offerts par les pollinisateurs sauvages sont supérieurs à ceux de mellifera.

« Jusqu’à présent, l’abeille domestique était considérée comme « la reine des pollinisateurs », mais cet article montre que son action seule ne permet pas d’optimiser la pollinisation pour maximiser les rendements des cultures », explique Bernard Vaissière, de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), l’un des meilleurs spécialistes du sujet.

ETUDE « MAJEURE »

« Le taux de fructification est relativement bas lorsque les fleurs sont visitées par les abeilles domestiques, et une fréquentation accrue, par ces mêmes abeilles, n’augmente guère que de 14 % la production fruitière sur les sites étudiés, décrypte Jason Tylianakis (université de Canterbury, Nouvelle-Zélande), dans un commentaire publié par Science. Par contraste, l’augmentation de production après que les fleurs ont été visitées par des insectes sauvages est près de deux fois plus importante que l’effet produit par les abeilles domestiques. »

Par son ampleur, l’étude conduite par M. Garibaldi, qualifiée de « majeure » par M. Vaissière, semble mettre un terme au débat sur l’ampleur du péril de voir les insectes sauvages disparaître. Pour certains, les services de pollinisation offerts aux cultures par ces derniers pouvaient être remplacés par les abeilles domestiques : les apiculteurs américains tirent ainsi leurs revenus de la location de leurs ruches, qu’ils déplacent au gré des besoins des diverses cultures du pays. Démonstration est faite qu’un tel système de « gestion » de la pollinisation ne permet pas d’obtenir des rendements aussi élevés que lorsque les insectes sauvages effectuent, eux aussi, leur « travail ».

Or ils disparaissent rapidement. Les travaux conduits par Laura Burkle (université de Washington à Saint Louis, Missouri), également publiés par Science, montrent que, dans des zones de grandes cultures de l’Illinois, la diversité des espèces de pollinisateurs sauvages a été divisée par deux en cent vingt ans. L’abondance des insectes a également été drastiquement réduite puisque, par exemple, le taux de visites d’une petite fleur endémique de cette région d’Amérique du Nord a été divisé par quatre au cours de cette période.

La publication de ces deux études intervient alors que la Commission européenne vient de proposer la suspension de l’utilisation de trois insecticides controversés sur les cultures fréquentées par les abeilles, tout en autorisant la poursuite de leur épandage sur les végétaux visités par les pollinisateurs sauvages… Or les tests d’homologation des insecticides agricoles ne contiennent aucune évaluation des risques sur ces espèces. Mais il est vrai qu’ils ne permettent pas, non plus, d’évaluer réellement les risques qu’ils présentent pour les abeilles domestiques.