Japon, plaidoyer pour l’abandon du nucléaire
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L’ex-premier ministre japonais Junichiro Koizumi a imploré mardi son ex-poulain et actuel chef du gouvernement, Shinzo Abe, de décider l’abandon de l’énergie nucléaire. « Il n’y a pas environnement plus propice pour un premier ministre », selon M. Koizumi, premier ministre de 2001 à 2006, une durée exceptionnelle au Japon. Depuis, le chef du gouvernement a changé tous les ans. Junichiro Koizumi s’est lancé dans une ardente campagne antinucléaire, au grand dam de M. Abe, qui parcourt le monde pour vanter les technologies atomiques nippones.

Pour M. Koizumi, il suffirait que Shinzo Abe exprime l’intention d’abandonner le nucléaire et tout le monde suivrait, d’autant que le premier ministre, au pouvoir depuis la fin 2012, jouit actuellement d’une forte popularité. « Si M. Abe décide maintenant, il y aura peu de parlementaires pour s’opposer à un tel plan, tandis que la population coopérera et que les intellectuels fourmilleront d’idées » pour atteindre l’objectif de s’affranchir de l’énergie nucléaire, a-t-il déclaré lors d’une conférence à laquelle se sont précipités 350 journalistes, selon l’organisateur. « Ce qui compte, c’est l’orientation que donne le monde politique », a insisté l’ex-chouchou des médias, aujourd’hui âgé de 71 ans et qui s’est retiré de la scène politique mais que d’aucuns verraient bien revenir.

Toutefois, même s’il s’est entretenu avec les dirigeants de plusieurs partis radicalement opposés à l’énergie atomique, M. Koizumi, ex-numéro un du Parti libéral démocrate (PLD), aujourd’hui tenu par M. Abe, rejette l’idée de créer une formation politique pour promouvoir ses idées. Il sait qu’au sein du PLD même existent des positions antinucléaires et juge qu’elles doivent pousser les orientations du premier ministre, tandis que les partis de coalition et d’opposition devraient faire de même, chacun à leur façon. Lui continuera de plaider en ce sens, a-t-il promis.

CONVERSION AUX ÉNERGIES RENOUVELABLES

Par le passé, M. Koizumi était lui aussi un pro-nucléaire, par défaut, et, comme beaucoup dans son camp libéral, il croyait que l’énergie atomique était peu chère et sûre. Mais le drame du 11 mars 2011 à Fukushima à la suite d’un séisme et d’un gigantesque tsunami l’a choqué et lui a fait revoir son opinion.

Il avait fait part plutôt discrètement de sa conversion en mai 2011. Sa campagne actuelle a été en revanche beaucoup plus visible ces dernières semaines. Pour lui, comme d’ailleurs pour le premier ministre au moment de l’accident, Naoto Kan, « le mythe de la sûreté » s’est effondré et aujourd’hui le bon sens voudrait que tout le monde se retrousse les manches pour se passer d’énergie nucléaire au profit d’énergies renouvelables et sans danger.

A l’inverse, pour des raisons économiques et parce qu’il a fait du redressement du pays sa priorité, Shinzo Abe plaide non seulement pour la relance de réacteurs nippons, actuellement tous stoppés, mais fait le tour du monde pour vendre les technologies nucléaires japonaises.

– Source : Le Monde.fr, le 12/11/2013