Emprunts toxiques : une sortie difficile mais responsable
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Les emprunts toxiques constituent un sujet passionnel, posant une question à la fois très coûteuse et très symbolique d’une certaine impuissance vis-à-vis des agissements du monde financier.

Passionnel encore parce que le choix auquel nous devions faire face le 26 février dernier en conseil municipal à Clermont-Ferrand est un choix entre deux éthiques irréconciliables, une éthique de conviction et une éthique de responsabilité.

Et prétendre que conviction et responsabilité sont ici réconciliables est une facilité mensongère. Il fallait trancher ; nous l’avons fait. En responsabilité.

Explications.

I- Pour ce qui est de la conviction, celle des écologistes est qu’avec ces emprunts toxiques et leurs fameuses indemnités de sortie, nous sommes confrontés à un véritable scandale :

* Scandale d’un produit financier qui, au final, n’est qu’un contrat d’assurance contracté par une banque contre un risque de change. En 2007, la banque Barclays pour ne pas la nommer, se couvrait contre un risque de change qu’elle nous demandait à l’époque, via Dexia, de ne pas considérer comme un risque.

* Scandale encore, d’un contrat frauduleux qui aboutit à une véritable extorsion de fonds : il y a de fortes chances aujourd’hui que ce soit toujours Barclays qui tire les marrons du feu et encaisse la majeure partie des indemnités de sortie anticipées que nous nous apprêtons à verser ; près de 35 millions d’euros – soit presque la totalité du coût envisagé pour la rénovation du stade Marcombes – qui iront remplir les coffres de Barclays ou d’une de ses consoeurs.

* Scandale enfin, d’un État qui décide de reprendre les actifs pourris de Dexia et trouve ensuite tous les moyens de faire payer les collectivités locales, plutôt que d’assumer la posture électorale « d’ennemi de la finance »…

II- Quant à la responsabilité, la nôtre en tant qu’élus dans la majorité de cette municipalité, elle nous commande de défendre les intérêts de la Ville et de ses habitants. Et de nous efforcer de regarder les choses en face.

* La bataille des emprunts toxiques est derrière nous : les moyens du contentieux sont tombés les uns après les autres ; les dernières jurisprudences un peu plus favorables aux collectivités auraient bien du mal à s’appliquer au cas clermontois ; la plupart des autres collectivités suivent la voie transactionnelle, l’État lui-même a renoncé.

Il serait bien hasardeux d’espérer une issue favorable aux intérêts de la Ville dans la poursuite du contentieux.

* La bataille est vaine : ne pas payer aujourd’hui les indemnités de sortie (qui sont, entre autres, les intérêts cumulés par anticipation de ces produits), c’est d’une part, continuer à payer des intérêts exorbitants, et prendre, d’autre part, le risque d’en payer de plus élevés demain.

D’aucuns prétendent que nous devrions poursuivre les banques de contrepartie (celles qui ont vendu leurs produits à Dexia). Soit, mais rendons-nous bien à l’évidence que personne n’a encore le moindre début d’idée de la façon dont il faudrait s’y prendre. Est-ce à la Ville de Clermont-Ferrand de poursuivre Barclays ? Comment et sur quelle base ?

Dans ces conditions, notre responsabilité est de constater que le coût de sortie est certes exorbitant mais que le coût de la non-sortie est plus risqué encore. Nous sommes pris au piège et ce, depuis la signature de ces contrats en 2007.

Une telle nasse suscite une colère légitime. Mais la colère suffit-elle à nous en sortir ? Malheureusement non.

Sortir ou ne pas sortir de ces emprunts : le coût est sensiblement le même pour la ville.

D’un côté, il reste à payer le capital restant dû (CRD) ainsi que les intérêts cumulés sur la base de taux qui ont dérapé et resteront durablement au-dessus de 20 % (avec le risque d’un dérapage aggravé).

De l’autre, nous retrouvons le CRD, plus la somme des intérêts cumulés (recapitalisée et refinancée à taux fixes, 3,25%), plus la prime de sortie de risque. Celle-ci est amortie par l’aide du fonds de soutien abondé par l’Etat (environ 17 millions d’euros). Au final, le coût est sensiblement le même. Moins le risque pesant sur la tête des contribuables clermontois.

Dès lors, pourquoi sortir de la nasse ? Tout simplement

pour se débarrasser de cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes ;

pour renouer avec des taux fixes et stables ;

pour éviter le risque de dérapage des taux et dégager l’horizon financier de la Ville.

C’est un choix de responsabilité. En aucun cas un blanc-seing accordé aux agissements de la finance.