Clermont : la triple impasse de la relance autoroutière
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« 2×3 voies, 78 millions d’euros et 8 km de bouchons à Clermont : vite passons à 2×5 voies pour 150 millions ?!!! 😉 », lancions-nous le 3 août dernier. Nous voici exaucés, puisque l’État vient d’annoncer 170 millions d’euros d’investissements, via son plan de relance autoroutier 2015- 2020, signé mercredi 2 septembre.

Décidément, l’État nous comble en dévoilant son plan de relance autoroutier qui comprend l’élargissement à 2×3 voies des 11 premiers kilomètres de l’A75 au sud de Clermont-Ferrand. Avec un échangeur de plus, c’est une offre inattendue. Et comble du comble, cela ne coûtera rien à la collectivité, ni même aux usagers de l’autoroute, puisque c’est le concessionnaire APRR qui s’en chargera et qu’aucun nouveau péage n’est prévu à l’horizon  !

En période de disette budgétaire, voici donc une manne providentielle, une « nouvelle majeure pour le sud clermontois ». Gageons qu’un investissement du double de l’élargissement précédent (78 millions d’euros) saura mieux désengorger Clermont et lui épargner les bouchons des chassés-croisés estivaux.

Mais s’agit-il bien d’un miracle ? Peut-être.

Mais d’un miracle inversé alors, au profit exclusif des grandes sociétés concessionnaires d’autoroutes. Au détriment de nos porte-feuilles et de notre environnement.

Tout se tient dans le secret des négociations relatives aux plans quinquennaux de relance autoroutier décidés par l’État.

1- Un élargissement gratuit.. mais au coût répercuté.

Dans un rapport rendu en 2008, la Cour des Comptes relève que « le modèle économique des plans de relance autoroutier est construit de telle sorte que tout investissement des concessionnaires est compensé par une hausse de tarifs. Les bénéfices des sociétés d’autoroute n’ont pas à être réinvestis dans des investissements nouveaux ou des diminutions de tarif ? Par construction, ce modèle ne peut aboutir qu’à une hausse constante et continue des tarifs. »

Nous lisons bien : les sociétés concessionnaires ne sont pas tenues de financer leurs investissements ni même une baisse des tarifs sur leurs bénéfices. Héritant d’un réseau autoroutier en très bon état sur lequel les plus gros investissements sont déjà amortis, les concessionnaires profitent aujourd’hui d’une rente. Ils n’acceptent donc des investissements un peu plus lourds qu’à deux conditions :

– que ces investissements ne leur coûtent rien ;

– qu’ils leur rapportent. Et ce, de deux façons :

a- via un mécanisme de financement de ces investissements fondés sur la hausse exclusive des tarifs ;

b- via un mécanisme d’extension du périmètre concédé, dans le temps et dans l’espace, c’est-à-dire de privatisation croissante et sans cesse rallongée du patrimoine autoroutier français… d’où :

2- Disparition du domaine public autoroutier : si les 170 millions d’euros ne nous coûtent rien, c’est que l’État se débarrasse discrètement de ce patrimoine dont il ne veut assumer ni l’entretien, ni l’amélioration. Le risque à terme étant, estime la Cour des Comptes, que « les concessions deviennent perpétuelles et finissent par couvrir la totalité du réseau autoroutier. » Peu importe après tout, pourrait-on rétorquer.

Mais dès lors que les grandes voies de déplacement quotidien des Clermontois auront été privatisées, quelle marge de manœuvre nous restera-t-il pour éventuellement refuser l’installation d’un péage périurbain ?

Devrons-nous alors passer par la mise en concession du reste de la voirie communautaire ou métropolitaine, c’est-à-dire poursuivre dans cette perpétuelle fuite en avant des dépenses et des dépendances autoroutières ?

3- Dommages écologiques – Projets inutiles.

Cet élargissement peut interroger :

– au vu de l’efficacité du précédent : 78 millions d’euros qui n’ont en rien résolu les bouchons estivaux sur la traversée de Clermont-Ferrand.

Et quand bien même l’aurait-il fait, il n’aurait pas été inutile de se poser la question du bien-fondé de cette dépense pour la résorption de bouchons très ponctuels et plus liés à la barrière de péage de Gerzat qu’à la traversée de la ville.

Une régulation de la vitesse et par là de la fluidité du trafic n’aurait-elle pas été une solution pertinente ?

– il répond aussi à la problématique d’un trafic trop dense en matinée et en soirée sur le sud de Clermont-Ferrand. Posons-la sans exclusive en envisageant l’ensemble des raisons du phénomène ainsi que l’ensemble des solutions envisageables.

Mais plutôt que d’avoir une réflexion globale sur la fluidification de la circulation sur cet axe et sur les alternatives crédibles et confortables à la voiture individuelle entre Clermont-Ferrand et le sud de son agglomération,

on maintient le pari de la croissance du trafic automobile en parlant de seuils de saturation dépassés. En retour, l’élargissement vient légitimer une croissance ‘inéluctable’ du trafic et la rend possible en ouvrant plus d’espace à l’automobile.

Et alors que s’accumulent les défis en tout genre – étalement urbain, pollutions diverses (air, bruit…), gaz à effet de serre… -, on s’aperçoit bien que cet élargissement concerne moins une politique publique qu’une simple et sempiternelle fuite en avant dans le tout automobile.

Bilan de cette opération en forme de fausse bonne idée :

– un bilan financier apparemment indolore mais conséquent parce que réparti sur l’ensemble du réseau et non sur le tronçon élargi ;

– une privatisation rampante et accélérée du patrimoine public autoroutier ; avec les conséquences à terme en ce qui concerne la maîtrise des réseaux de mobilité ;

– une impasse dans la réflexion sur les mobilités alternatives à l’automobile.

La nouvelle est-elle si majeure ?

A75Source : La Montagne, le 5 septembre 2015

Une réflexion au sujet de “Clermont : la triple impasse de la relance autoroutière

  1. Cest une excellente idée le passage à 2/3 voies au sud, nous sommes nombreux à le demander et visiblement les concessions d autoroutes l’ont entendu.
    Après se pose le problème de la barrière de péage de Gerzat qui est trop proche de Clermont, créant des bouchons sur le réseau secondaire (l axe Brezet – Gerzat le long de l autoroute)

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