Clermont-Ferrand : repenser l’aéroport
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Effondrement du trafic (- 70 %), fermeture de lignes, relance et re-fermeture (Clermont – Orly), retour à la « normale » annoncé pour 2024 ou 2029, abandon de l’étude Aéroport 2030, révision annoncée du contrat de délégation avec Vinci… La crise sanitaire a précipité l’aéroport de Clermont-Ferrand Auvergne dans un trou d’air pour le moins inédit : au vu du rapport de présentation du Budget 2021 (4 décembre 2020), l’hébétude est générale. Il est désormais urgent 1/ de revenir sur terre et de regarder la réalité de la situation en face, 2/ de réfléchir et travailler à inventer un avenir possible à nos installations aéroportuaires.

En juillet dernier, l’Auvergne, ou à tout le moins la ligne Clermont – Orly, tout juste lâchée par Hop (Air France) « redécollait ». On allait voir ce qu’on allait voir. Quatre mois plus tard, le bilan est éloquent : de 2 rotations quotidiennes annoncées à l’époque, on est passé à 2 hebdomadaires, puis à une seule remplie à seulement 15%, soit 10 personnes chaque semaine. Et enfin à … zéro. Écologiquement et économiquement, le flop est total.

Certes, il s’agit d’un flop très conjoncturel lié à la crise sanitaire, tant le secteur de l’aérien a été frappé de plein fouet par la pandémie et la crise qui en a résulté. Pour les écologistes néanmoins, c’est aussi et surtout l’accentuation d’une tendance structurelle à la décroissance de l’activité de l’aéroport de Clermont – Aulnat. En effet, depuis près de 20 ans, cet équipement perd régulièrement des passagers: son trafic d’avant COVID–19 ne représente plus que 40 % de ce qu’il fut l’année 2000 : l’actuel gestionnaire de l’aérogare clermontoise avait donc pour objectif affiché dans sa concession d’atteindre les 600 000 voyageurs d’ici 2025. Nous n’atteindrons pas les 130 000 cette année. Et le retour au niveau de trafic de 2019 (soit un peu moins de 400 000 passagers) n’est pas attendu avant 2024 (au mieux) ou 2029 (au pire). De quoi rendre pour le moins obsolètes, les stratégies de croissance du trafic envisagées à l’horizon 2030.


Si la tendance à la décroissance est nette pour notre petit aéroport de province, le déni ne l’est pas moins. Car qu’a-t-on fait face à une telle situation ? Rien. Pas même le constat d’une nécessaire évolution des plans de développement. La plupart des acteurs locaux continue de nourrir l’illusion d’un retour à la normale et donc à la reprise de la croissance « normale » du trafic. D’une part cette reprise n’a pas livré le moindre indice de son existence concrète depuis des années. D’autre part, les propositions de la Convention citoyenne nous le rappellent, comment parler de retour à la « normale » pour le trafic aérien quand celui-ci n’a désormais plus rien d’évident ou de normal dans les conditions climatiques et sociétales actuelles ?

Un déni persistant, sonnant et trébuchant


En outre, cette obstination mécanique à maintenir le cap d’une croissance qui n’est plus et ne reviendra plus nous coûte énormément d’argent tant notre aéroport – comme tout aéroport de moins d’un million de passagers – est structurellement déficitaire. D’un déficit annuellement épongé par les collectivités locales au nom d’une certaine idée de l’attractivité du territoire. Ce tonneau des Danaïdes, nos collectivités locales (Région, Département, Métropole) le remplissent régulièrement :
– en assurant d’abord la quasi-totalité des recettes de fonctionnement du syndicat de gestion de l’aéroport soit 4.5 millions en 2019 et 3.5 l’année prochaine.
– en garantissant dans le même temps le versement des compensations financières sans lesquelles l’opérateur – Vinci Airports – ne pourrait pas trouver d’équilibre économique dans son activité, soit 7 millions d’euros sur les 10 années que dure le contrat de délégation ;
– sans parler bien évidemment, des montants garantis par convention aux compagnies désireuses d’affréter des vols depuis et vers Clermont, ainsi, par exemple, les quelque 300 000 euros / an garantis à Ryanair sur la ligne Clermont – Londres /Stanted.

Les chocs à venir


Quoi qu’il en soit, cette situation d’affaissement et de déficit continu ne s’inversera pas demain : le monde d’après la pandémie ne sera en aucun cas un retour au monde d’avant pour l’aéroport de Clermont-Aulnat. Dans l’histoire de cet équipement, nous voici sans doute à l’aube de mutations capitales qu’il nous appartient d’anticiper et d’accompagner au mieux.

Et les premiers soubresauts s’annoncent d’ores et déjà pour l’année prochaine : au vu des résultats catastrophiques de 2020 (sans doute suivie d’une année 2021 à peine plus réjouissante), une révision des termes du contrat liant notre aéroport à son opérateur Vinci paraît inéluctable. Étant donné l’effondrement massif du trafic et les pertes non moins massives essuyées par le secteur, il ne serait pas surprenant, tant cela figure dans les clauses du contrat de délégation, que le délégataire demande à renégocier sa convention en exigeant des compensations accrues de la part des collectivités locales. Et ce, au nom de l’emploi et de l’attractivité. Aussi le double chantage à l’emploi et à la croissance du trafic pourrait s’avérer de plus en plus coûteux d’ici quelques mois.

C’est l’une des raisons pour lesquelles les écologistes estiment qu’il est particulièrement urgent de ne plus se leurrer sur l’avenir possible de notre aéroport et d’en anticiper la transition écologique, sociale et économique. Chaque jour qui passe nous rapproche un peu plus d’une crise qui, faute d’anticipation, risque d’être particulièrement douloureuse, notamment en termes d’emplois.

Aussi avançons-nous trois propositions à verser au débat qui émergera nécessairement dans les semaines et les mois à venir quant à notre aéroport de Clermont – Aulnat :
 
1/ Créer un groupe ouvert de travail, de réflexion et d’anticipation sur l’adaptation nécessaire de notre aéroport à la nouvelle donne économique et climatique : nous ne pouvons plus fonder nos décisions sur les perspectives tracées par un plan de développement de l’aérien dont la seule promesse est la croissance d’un trafic que l’on sait derrière nous.
Si faire le deuil de la croissance de notre aéroport n’est sans doute pas l’opération la plus coûteuse, elle n’est pas la moins douloureuse. Néanmoins, il est préférable qu’elle le soit aujourd’hui pour ne pas l’être plus encore d’ici quelques années.
Dans cette optique, nous devrons faire preuve d’imagination et d’agilité à la fois dans la redéfinition de nos rapports avec Vinci Airports et dans la diversification des activités de notre plate-forme aéroportuaire.


2/ Acter dès que possible le principe d’un moratoire sur les investissements et les dépenses non obligatoires et non liés à la sécurité des passagers, c’est-à-dire sur les investissements tournés vers la seule croissance d’un trafic qu’on sait durablement et structurellement en baisse.

3/ Provisionner un fonds de transition et de sauvegarde de l’emploi sur l’aéroport de Clermont – Aulnat.

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Dans ce secteur comme dans bien d’autres, nous sommes à l’aube d’une transition qui non anticipée et non accompagnée pourrait être brutale. Il est temps d’ouvrir le débat.