Clermont-Ferrand : l’idée d’une récré verte et partagée
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La végétalisation des cours d’école était un de nos engagements de campagne. Le projet a été étudié et engagé dès notre installation dans ce mandat, notamment par Thomas Weibel, conseiller municipal délégué à cette question en particulier. Représentant un investissement conséquent d’ici 2026 et au-delà, ce projet constitue bien plus qu’une simple végétalisation via une réhabilitation prenant en compte une diversité et un meilleur partage des usages de la cour d’école.

Retour sur les finalités et les modalités inédites, parfois expérimentales, d’une politique ambitieuse, avec Thomas Weibel

Qu’est-ce que le projet « Respire à la récré » ?

Le projet « Respire à la récré » correspond à la promesse de campagne de « végétalisation » des cours d’école à Clermont-Fd, c’est un projet que je porte et qui m’est délégué par l’adjoint en charge des travaux dans les bâtiments de l’enfance/petite enfance, Christophe Bertucat. Nous travaillons bien entendu en collaboration avec Cécile Audet, adjointe en charge de l’enfance/petite enfance, jeunesse et éducation, et le responsable du service animation de la direction de l’enfance qui a coordonné le projet au niveau des services de la Ville durant cette première année.  

Pourquoi ce nouveau nom ? 

Le nom trouvé pour ce projet – « Respire à la récré » rend davantage compte des multiples enjeux portés par l’idée d’une réinvention complète des cours d’école, ce n’est pas seulement de la végétalisation, même si cela reste l’un des aspects importants.

Quels sont donc les enjeux du projet, pourquoi rénover les cours d’école à Clermont-Ferrand ? 

Ce projet offre l’opportunité de faire le lien entre la politique de l’enfance, élément central du mandat précédent, et la résilience du territoire, axe fort de ce nouveau mandat. Afin d’en décrire les nombreux objectifs, il est intéressant de partir du constat que nous faisons actuellement dans de nombreuses villes et villages de France, les cours d’écoles telles qu’elles existent depuis plusieurs décennies ne sont pas réellement adaptées aux besoins des enfants et à leur épanouissement. En effet, lorsque l’on s’intéresse à cette question, on découvre rapidement que ces espaces : 

  • sont totalement artificialisés (pas ou peu de sols naturels, peu de végétaux, peu de biodiversité) ce qui ne favorise pas le lien des enfants à la nature, au vivant; 
  • deviennent très désagréables voire inutilisables durant la période estivale du fait de l’inconfort thermique (peu d’ombrage naturel ou artificiel, sol en enrobé noir qui accumule la chaleur, certaines cours sont même au cœur d’îlots de Chaleurs Urbains) ; 
  • ne répondent pas aux nombreux besoins des enfants dans le cadre de leurs développements moteur, sensoriel, psychologique ou social (courir, grimper, se reposer, imaginer, manipuler, discuter au calme, glisser, se réunir, se cacher,…) ; 
  • créent des déséquilibres importants dans les usages car pas assez adaptés à tous les enfants, selon le genre, l’âge, le tempérament ou encore la situation de handicap de certains enfants. 

Bien que ces espaces soient assez centraux dans la journée des enfants (plusieurs heures par jour) et d’adultes (enseignants, animateurs périscolaire/extrascolaire, concierge, …) leur inadaptation actuelle est la conséquence de l’histoire, les cours n’ont pas été au centre des préoccupations des architectes lors de la construction des écoles et souvent ces cours n’ont pas fait l’objet d’une réflexion commune avec les usagers, l’objectif principal étant…la surveillance… Dans « Respire à la récré » nous nous centrons avant tout sur l’objectif de répondre aux besoins de tous les enfants et pour la méthode nous pensons qu’afin d’être au plus proche des besoins il faut co-construire ces cours avec les principaux intéressés (enfants, enseignants, parents, …). 

La méthode 

Concrètement comment ça se passe, par exemple comment sont choisies les écoles qui vont avoir leurs cours rénovées ? 

La ville de Clermont-Ferrand comporte plus de 60 cours d’écoles. L’objectif réaliste n’est pas de refaire l’ensemble de ces cours, mais d’en réaliser plusieurs par an (des projections budgétaires sont en cours en ce qui concerne le nombre à réaliser sur l’ensemble du mandat), et de cibler celles qui en ont le plus besoin. La sélection des cours est donc un aspect assez important du projet, elle nécessite la prise en compte de nombreux aspect techniques et également de choix plus politiques (ex : équilibre territorial au sein de la ville). 

En ce qui concerne les critères de sélection et sans en dresser la liste exhaustive, nous prenons en compte par exemple l’existence actuelle d’arbres, de préaux, d’un parc à proximité, d’un jardin potager, mais aussi l’opportunité de réaliser des travaux dans la cour (en fonction d’autres travaux déjà prévus), des contraintes techniques majeures, de l’ombrage au sein de la cour, du quartier dans lequel est implanté l’école, de la taille de la cour ou encore de la densité d’enfants par mètre carré. La sélection des cours à prioriser est donc un processus assez complexe.

Concertation préalable, école Charles Perrault

Et ensuite, une fois les cours choisies, comment se fait l’élaboration de ces nouveaux espaces ? 

Que cela soit pour la sélection ou pour l’étude, de très nombreux services de la Ville et de la métropole travaillent en synergie : direction de l’enfance, direction du patrimoine bâti, mission égalité des droits, direction des sports, direction du développement durable… En plus de ces services nous sommes accompagnés par une équipe d’AMO (Assistance à Maîtrise d’Ouvrage) qui nous accompagne tout au long du projet, cette équipe est composée d’un designer (Gaëtan Mazaloubeaud – Design tout terrain), d’un architecte paysagiste (Luc Léotoing Paysage Urbanisme) et d’un programmiste/urbaniste (Julien Coant – Initial Consultants).  

Une méthode innovante

La première étape après le choix de la cour est la maîtrise d’usage, c’est-à-dire que l’élaboration de la nouvelle cour va se faire progressivement dans le cadre des nombreuses séances de co-conception avec l’ensemble des parties prenantes, c’est-à-dire les enfants, les enseignants de l’éducation nationale, les directions d’école, les enseignants d’éducation physique et sportive, les représentants des parents d’élèves, des animateurs périscolaires, les concierges … Cette méthode est assez innovante au regard du haut niveau d’implication des usagers dans la démarche. Au fil des séances, en partant au départ d’une feuille vierge, la cour se dessine, ainsi on voit apparaître les différentes zones (terre, sol dur, sol mou, arbres, végétation, copeaux de bois, …) et les différentes installations (jeux, bancs, équipements divers, parcours vélo, gradins, cabanes, …). Échanges après échanges la future cour se fait, se défait, se remodèle, s’adapte au gré des projections qu’imaginent les futurs utilisateurs. De plus, un élément très innovant (même en comparaison avec ce qui se pratique dans d’autres villes comme Paris) est l’expérimentation : on teste concrètement des aménagements, et cela sur plusieurs mois, de nouveaux matériaux, de nouvelles structures, de nouveaux usages afin de pouvoir les valider, les invalider ou apporter des modifications en fonction des retours du terrain. Cela peut être, par exemple, de changer de place les bacs de copeaux de bois, de modifier l’architecture d’un module de jeu, de rajouter des éléments afin de mieux répondre à des besoins spécifiques pour les plus petits). ». Ce test a notamment été l’occasion de récolter l’avis d’une élève en fauteuil roulant et d’ajuster ainsi la configuration et les équipements des cours. Le sujet de l’inclusivité (au sens large) a d’ailleurs été un fil rouge tout au long du projet, y compris durant cette phase expérimentale. Cette cour « transitoire » est un appui important pour l’appropriation des nouvelles cours qui seront réalisées par la suite.  

Du coup, suite à ces expérimentations vous avez pu profiter des premiers retours 

Oui, l’équipe qui nous accompagne a pu collecter les retours d’enseignants, d’enfants ou de parents. D’une manière générale ces retours sont très encourageants. Par exemple un des directeurs a constaté que l’ambiance était apaisée, que les élèves bougeaient mais de manière localisée, qu’ils s’agitaient moins. Une responsable technique trouvait les élèves beaucoup moins bruyants à la cantine ; une enseignante percevait déjà des progrès en motricité ; un autre directeur a constaté que des filles qui restaient d’habitude dans la classe durant la récréation étaient descendues et s’étaient appropriées l’espace. Quant aux enfants, pour l’instant leurs retours sont aussi très positifs au sujet de ces expérimentations transitoires, ils ont évoqué des notions de « cour parfaite » ou de « joie immense ». Pour autant comme tout changement important, la réussite de ce projet se fera bien entendu grâce à l’accompagnement des nouvelles pratiques professionnelles et des nouveaux usages par les enfants : il est, par exemple, nécessaire de définir de nouvelles règles qui devront s’appliquer dans ces nouvelles cours (entre autres pour l’entretien, la sécurité des enfants ou la gestion des conflits d’usage).  

Projet d’aménagement de la cour, école Charles Perrault

On fait souvent référence au terme « végétalisation » autour de ce projet de rénovation des cours, on s’imagine la plantation de beaucoup d’arbres, est-ce le cas ?  

Oui et non. Oui car la plantation d’arbres est un élément fort du projet, mais non car ici on parle plutôt d’amener du vivant et des éléments naturels dans les cours, donc c’est bien plus large. Vis-à-vis de l’aspect végétal, le paysagiste qui accompagne le projet pense à la cohérence globale du projet, par exemple à l’organisation des différentes strates végétales (tapissante, basse, moyenne, hautes tiges) vis-à-vis de l’usage des différents espaces, ainsi par exemple sont imaginés différents univers naturels (bosquet, prairie, jardin, jardins potagers, forêt, …). La présence de ces végétaux va bien entendu aussi favoriser la présence de la biodiversité (oiseaux et insectes). Dans ce projet la désartificialisation d’une part importante des surfaces est également un aspect central car ce sol redevenu perméable permet l’infiltration naturelle de l’eau de pluie, ce qui amène de nombreux avantages associés (eau non rejetée dans les réseaux d’eau pluviale, eau qui alimente les nappes phréatiques, sol permettant un phénomène d’évapotranspiration la nuit ce qui permet de rafraîchir l’air ambiant…).

Actuellement le projet en est à quel stade exactement ? 

Le projet est au stade de consultation des entreprises concernant les travaux prévus pour ces deux cours. Une étape également importante au stade actuel est l’avis de la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) concernant le souhait ou non de réaliser des fouilles préalables aux travaux. D’une manière globale sur le projet, nous sommes aussi actuellement sur l’évaluation et le choix des cours à réaliser l’année prochaine et sur les années à venir.  

A Paris les « Cours Oasis » ont pour objectif également d’être accessible en dehors des temps scolaires et par des usagers autres, par exemple les habitants du quartier autour de la cour, qu’en est-il à Clermont ? 

En effet, sur Paris certaines « Cours Oasis », sur certaines écoles volontaires, ont eu comme objectif l’ouverture vers l’extérieur afin de devenir des « refuges climatiques » en particulier pour les périodes estivales. Cette vision est très intéressante, et nous l’avons intégrée politiquement au projet dès le début, le réseau des cours d’école est probablement le meilleur maillage que la ville puisse avoir, chaque habitant est à une distance assez raisonnable d’une école, il semble donc pertinent à terme de pouvoir faire profiter les habitants de certaines de ces nouvelles cours plus fraîches, plus végétales, plus naturelles. Néanmoins, lors de la concertation sur ces deux premières cours pilotes, nous n’avons pas centré les discussions sur cet objectif, non pas pour l’écarter mais plutôt pour considérer cela comme une opportunité à développer une fois ces deux premières « cours pilotes » réalisées. Cette ouverture des cours au monde extérieur est un projet dans le projet, cela nécessite en soi de nouvelles concertations avec tous les acteurs afin de pouvoir déterminer l’intérêt en fonction des cours et les modalités envisageables (quels horaires ? Sur quelle période de l’année ? Pour quel public ? Quelle organisation doit être mise en place afin de gérer ce nouvel espace devenu public ?). L’intérêt de faire profiter les Clermontoises et Clermontois de ces nouveaux espaces est donc à étudier, il nous paraîtra probablement évident dans certains cas (quartier dense, périodes caniculaires, ouverture aux publics fragiles), peut-être moins dans d’autres cas ou configurations (cours à proximité d’un parc urbain existant). Cette option restera donc à étudier au cours de ce mandat. 

Nous avons beaucoup entendu parler du projet de Grenoble l’été dernier, en particulier le fait de « dégenrer les cours d’école », qu’en est-il t-il sur Clermont-Ferrand ?

Le projet intègre bien entendu cette dimension car les diagnostics de ces dysfonctionnements sont les mêmes dans de nombreuses écoles et ont été étudiés sérieusement par des acteurs de la recherche1 : souvent quelques garçons occupent une surface importante et centrale de la cour pour jouer au foot pendant que les autres enfants (majoritairement des filles mais aussi d’autres garçons) se retrouvent obligés d’utiliser une surface restreinte et à la périphérie. Notre approche a voulu aller vers un principe d’inclusivité globale, c’est-à-dire que des déséquilibres existent en fonction du genre, mais également en fonction de l’âge, du tempérament ou encore de la situation de handicap, nous voulons que chacun puisse s’y épanouir sans être assigné à une activité, à un espace ou à un usage spécifique, cette cour doit être un champ des possibles pour toutes et tous.  

Un dernier mot sur ce projet « Respire à la récré » 

Peut-être souligner qu’à titre personnel, je suis très heureux d’être partie prenante de ce projet car il est particulièrement enthousiasmant. En quelques mois, j’ai pu découvrir la capacité de mobilisation de très nombreuses personnes, en particulier les agents de la Ville et de la Métropole (direction de l’enfance, direction du patrimoine bâti, mission égalité des droits, …), les directions et professeurs des écoles concernées, les représentants des parents d’élèves et bien entendu les professionnels qui accompagnent la ville. C’est assez impressionnant de voir toute cette énergie positive dans ce contexte social, économique et sanitaire si difficile, bravo à eux. Pour terminer, je souhaitais remercier le chargé de mission sur le projet, Clément Voldoire, qui a coordonnée l’ensemble du projet durant cette année, ainsi que Christophe Bertucat pour la confiance et le soutien qu’il m’apporte sur cette délégation en tant qu’adjoint. 

Favoriser le développement des enfants et leur épanouissements par le jeu en plein air et le contact avec la nature 

Depuis quelques années il est constaté que les enfants trop sédentaires souffrent de surpoids et sont de plus en plus touchés par le stress, la dépression… Aujourd’hui, les enfants vont mal, des études le montrent, et « la situation empire », constate Béatrice Millêtre, docteure en psychologie et auteure du livre Le Burn-out des enfants (Payot, 2016). Dans le cadre d’une étude publiée en 2015 par l’Institut De Veille Sanitaire (INVS), il a été constaté que quatre enfants sur dix (de 3 à 10 ans) ne jouent jamais dehors pendant les jours d’école. Or, l’activité physique et le jeu en plein air ont justement de très nombreuses vertus pour les enfants, par exemple cela permet de diminuer l’hyperactivité, de les apaiser, de les déstresser et contribue fortement à lutter contre l’obésité. 

L’environnement naturel (terre, arbustes, arbres, insectes, eau, …) quant à lui, stimule l’imagination, facilite le développer de leurs cinq sens (par exemple le toucher et l’odorat), et d’une manière générale aide à l’équilibre physique et mental des enfants. L’être humain a naturellement besoin d’être en contact avec la nature, en être dépourvu a de nombreuses conséquences néfastes. 

1 En particulier par Edith Maruéjouls, géographe du genre (http://www.genre-et-ville.org/)