Clermont, commerces et proximité (II)
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Clermont-Ferrand n’échappe pas à la déprise commerçante des centres-villes en France. La situation y est cependant particulière si ce n’est surprenante. Elle appelle une inflexion rapide et ciblée de la politique commerciale, voire un schéma stratégique communautaire, pour rééquilibrer l’activité économique.

Les élu(e)s écologistes n’ont jamais cessé de tirer la sonnette d’alarme sur les risques de déprise commerciale en coeur de ville. En vain. En décembre 2013, le Carré Jaude II était inauguré en grande pompe. Aujourd’hui, le réveil est rude.

Des mesures sont prises, les derniers projets périphériques stoppés. C’est un moindre mal.

L’expérience montre partout, dans d’autres villes, d’autres pays, que l’impact d’une surcapacité commerçante ne se fait pleinement sentir qu’au terme d’un cycle de 5 à 6 ans. Si l’on retient 2014 pour les inaugurations successives d’IKEA et du Carré Jaude II, il est possible que nous n’ayons une idée des conséquences de ces ouvertures sur le tissu commercial local qu’aux environs de 2020.

Mais d’ici là, il est bien évidemment impossible de rester les bras croisés. Des mesures sont prises. Il faut aller plus loin.

En décembre dernier, soucieux d’endiguer le développement anarchique et économiquement contre-productif des espaces commerciaux sur le bassin clermontois, Clermont Communauté a décidé de se doter d’un Document d’Aménagement Commercial, encore largement insuffisant mais témoignant déjà d’une prise de conscience de l’urgence de la situation.

Endiguer et réguler sont certes des actes nécessaires. Mais comment aller plus loin ?

Il devient indispensable de concevoir et de mettre en œuvre une véritable stratégie de de soutien et de développement du commerce local et de proximité ; en s’appuyant pour cela, sur quelques objectifs :

  • Réguler et réimplanter l’activité

Garantir une proximité des commerces pour limiter les déplacements et notamment les déplacements automobiles. Et partant, assurer un équilibre des fonctions urbaines sur le territoire, en luttant contre les tendances à l’hyper-centralisation métropolitaine.

Cette ambition relève d’une politique d’aménagement urbanistique et commercial : elle est déjà présente dans les prescriptions du prochain PLU de Clermont-Ferrand et devront l’être a fortiori dans le futur PLUI de Clermont Communauté.

L’article 1 du règlement du PLU intitulé destination des constructions traite des deux questions de mixité : mixité fonctionnelle et mixité sociale. L’objectif de mixité fonctionnelle doit permettre à terme de lutter contre la spécialisation de certaines zones de la ville afin de retisser une vie urbaine de proximité mixant services, commerces et habitations. Le rôle régulateur de la puissance publique – municipale ou communautaire – s’avère dès lors indispensable.

Il lui faut donc se doter d’outils d’intervention spécifiques. A ce titre, la loi Artisanat, Commerce et TPE (ACTPE) du 18 juin 2014 ouvre la possibilité d’expérimenter pendant cinq ans le « contrat de revitalisation artisanale et commerciale » (CRAC) dans des zones marquées par une disparition progressive des activités commerciales ou par un développement de la mono-activité au détriment des commerces et services de proximité.

Ce CRAC fonctionne sur le même principe qu’un marché public pour une collectivité : celle-ci lance un appel d’offres, recueille des candidatures puis choisit l’opérateur (société d’économie mixte ou établissement public local rattaché à une collectivité territoriale) qui se chargera de sa politique de revitalisation commerciale.

L’opérateur choisi rachète ensuite les fonds de commerce de la zone concernée, les rénove, les loue. Il a la possibilité de les vendre au locataire.

Un outil plus simple est le recours au droit de préemption de la mairie sur les baux commerciaux. Ce fut d’ailleurs l’objet d’une délibération récente du Conseil municipal de Clermont-Ferrand (26 février 2016). Il sera expérimenté sur l’avenue Charras. C’est une bonne nouvelle dans l’attente de son extension à d’autres secteurs de la ville.

  • Reconstruire une économie locale

Au-delà des politiques commerciales et urbanistiques, il apparaît essentiel de revitaliser non seulement les centres-villes mais aussi et surtout l’économie locale.

La revitalisation commerciale des centres-villes et des quartiers ne peut se réduire à installer des succursales de franchises commerciales dont les produits, tous semblables, sont écologiquement et socialement nuisibles.

L’idée ici, via les fameux circuits courts, serait de doper l’activité économique locale en cherchant à boucler une demande locale par une offre locale, bref de viser une dynamique de type économie circulaire.

Une telle démarche passerait par :

– une phase d’identification des besoins exprimés par les habitants et les professionnels ;

– une seconde phase de mise en adéquation de la demande et de l’offre, mise en adéquation portée ou soutenue par la puissance publique, s’appuyant sur un fonds local d’investissement créé ad hoc, sur les initiatives locales de l’économie sociale et solidaire telles que monnaie locale, Cigales , AMAP… ainsi que des aides diverses et variées des organismes consulaires et professionnels.

Une telle politique de (re)développement local pourrait passer par un opérateur mixte (éventuellement le même que celui en charge du CRAC, si celui-ci est une SEM) ; il pourrait piloter ou abonder un fonds de capital-risque pour le lancement de commerces et filières locales dans les secteurs voulus, et notamment :

– du commerce de bouche (appels à projets, aides à la reconversion, transformation locale, labels locaux…)

– du service et de l’artisanat de proximité (recycleries, réparations diverses, textile, coordonnerie, électroménager, librairies…)

  • Animer et sécuriser l’initiative locale

Dans cette démarche, la municipalité ou l’intercommunalité se chargerait de

– l’initiative

– de la mobilisation des acteurs

– de la formulation du cadre et des grandes perspectives tant en termes de revitalisation du commerce que d’aménagement urbain et de politique de développement économique territorial

– puis de facilitation et de soutien au processus, via notamment la mise en place d’un Office de Commerce et d’Artisanat, voire d’un manager de rue, d’un label du commerce local, de la desserte et de l’animation autour des commerces (cartes de fidélité sur modèle de monnaie complémentaire garantissant un surplus de pouvoir d’achat…)

Clermont Communauté se lance peu à peu dans la stimulation et l’animation d’une économie mixte portée par des réseaux d’acteurs locaux, à travers l’exemple notamment du Quartier numérique voué à la dynamisation de l’écosystème numérique et créatif local en vue de décrocher le label French Tech.

Pourquoi ne pas s’inspirer de la démarche dans d’autres domaines, à commencer par le commerce et l’artisanat local ?

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L’attractivité métropolitaine passe aussi et surtout par la vitalité et la qualité du cadre de vie urbain. En ce sens, une double ambition urbanistique et économique / commerçante paraît aujourd’hui incontournable à Clermont-Ferrand et dans son agglomération. Elle constitue l’un des aspects importants de la transition écologique que nous voulons conduire dans notre ville.