Carrière de Chateaugay : pour un VRAI débat
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Avant même que d’évoquer la pertinence, ou devrais-je dire la nécessité ou non de l’ouverture d’une carrière de basalte sur le plateau de Lachaud à Châteaugay, il nous apparaît tout d’abord essentiel d’attirer l’attention sur la forme que revêt cette délibération, et sur les réserves qu’elle fait naître. Il ne s’agit donc pas, dans un premier temps, de souscrire au s’opposer au projet de carrière, mais bien de réfléchir à la manière dont ce projet devrait être envisagé.  

Telle qu’elle est proposée en effet aujourd’hui, cette délibération conduirait à enclencher une procédure accélérée de modification du PLU de Châteaugay, dans laquelle la concertation serait une option laissée à la discrétion du Préfet. Or cette concertation nous apparaît impérieusement nécessaire. Si le conseil municipal de Châteaugay est favorable au projet, si l’on comprend la nécessité et le besoin de roches massives, si l’on entend par ailleurs l’intérêt pour la commune du déploiement de cette carrière, pour autant toutes les voix ne chantent pas à l’unisson, et depuis quelques années déjà, un certain nombre d’associations, d’élus, de citoyens, émettent des doutes, font valoir des réticences, voire s’opposent avec véhémence au projet. Il nous semble donc à la fois peu respectueux de ces voix émergentes et dissonantes, et peu compatible avec l’exercice de la démocratie participative, que de donner la possibilité de balayer d’un revers de la main toute tentative de concertation.  

Cette délibération, avec toutes réserves qu’elle fait surgir dans sa forme, présente pour autant le mérite de relancer avec force la réflexion sur l’extraction de matériaux, et de l’impact sur l’environnement immédiat du plateau. Mais elle met également en exergue notre modèle de “consommation” de l’espace et des ressources qui s’appuie sur le triptyque classique : extraire, consommer, jeter. Ce modèle ne semble plus tenable et nous devons donc collectivement réfléchir à notre métabolisme urbain.  

Que ce soit aux côtés des associations de protection de l’environnement, aux côtés des associations de représentation de la profession de carriers dont nous connaissons le sérieux, aux côtés  des professionnels du bâtiment, des urbanistes ou des structures engagées dans le recyclage et le réemploi, et bien évidemment aux côtés des collectivités, nous devons débattre démocratiquement de ce sujet extrêmement important parce qu’il impacte les grands enjeux métropolitains de transition écologique, de politique de l’habitat, de protection de la biodiversité et de qualité de vie de la population. 

En effet, le schéma des carrières fait état d’une tension future sur la ressource en matériaux, du fait notamment de la fermeture de plusieurs carrières situées sur le val d’Allier, de l’abandon de la plupart des carrières alluvionnaires, quand la DREAL estimait en 2019 un besoin annuel stable de 3M t de granulats.  

Nos ambitions métropolitaines supposent une demande importante de matériaux de construction : pour atteindre l’objectif évidemment louable de construction en logements et plus particulièrement en logements sociaux, pour déployer le réseau Inspire, pour réaliser l’extension du stade Gabriel Montpied ou redéfinir le quartier Saint-Jean. Dans ce contexte, la carrière de Châteaugay, si l’autorisation d’exploitation était donnée par notre assemblée, serait la dernière de notre Métropole et le circuit d’approvisionnement le plus court. Alors, me direz-vous, il convient d’abandonner toute forme d’hésitation face à la réalisation ce projet.  

Pour autant, même avec les hypothèses les plus optimistes, nous allons avoir beaucoup de difficultés en l’état à subvenir à notre consommation, que ce soit pour le béton ou le BTP.  

Trois actions nous paraissent donc importantes pour répondre à nos besoins : 

1/ En premier lieu, définir un périmètre d’approvisionnement plus large : nous n’avons pas d’autres choix. En moyenne, il est établi que les matériaux parcourent 30 km entre leur lieu d’extraction et le lieu d’utilisation. Le périmètre du SCOT semble alors pertinent. En prenant les carrières pouvant transporter les matériaux via le FRET ferroviaire (carrière de Cusset), les entreprises auraient la possibilité d’éviter une trop forte tension. 

2/ En second lieu, mieux recycler : Le territoire du Puy-de-Dôme ne fait pas partie des départements les plus vertueux en termes de sobriété et de consommation de matériaux. 

Alors qu’il est collecté sur notre territoire environ 704 000 t de granulats chaque année, la quantité réellement recyclée s’élève à 127 000 t (soit seulement 18 % du gisement collecté). En comparaison, 2,5 M de tonnes de granulats ont été extraites en 2017 sur l’aire urbaine. 

Ce taux de recyclage est très faible, notamment en raison de l’utilisation de ces matériaux en remblai de carrière ou du fait du manque d’installation de stockage et de recyclage proche des centres urbains. Il ne répond pas en cela aux objectifs fixés par le Plan Régional de Gestion des Déchets (PRPGD) fixé à 37 % en 2025, soit 100 000 t supplémentaires pour la Métropole, et se situe en dessous de la moyenne nationale de 29 % 

La carrière de Châteaugay, dont la production annuelle est estimée à 200 000 t / an soit env. 5 % des besoins du territoire ne réglera pas nos problèmes, loin s’en faut. Et la question de son ouverture ne doit pas nous détourner de la problématique de fond : celle d’une indispensable sobriété dans son métabolisme. 

3/ Enfin, moins consommer : Il nous paraît essentiel avant d’envisager toute nouvelle carrière d’engager un travail de fond visant à réduire nos consommations, promouvoir de nouvelles filières de construction, accompagner le recyclage sur le territoire et soutenir les innovations.  

Pour cela, il nous faut réfléchir à plusieurs outils à disposition de la collectivité : 

– tout d’abord utiliser massivement le levier de la commande publique. Le Schéma de Promotion des Achats Socialement et Ecologiquement Responsables devra permettre d’intégrer systématiquement une clause réemploi et de recyclage sur les chantiers. En effet, les résultats sur certains tests notamment en ce qui concerne la rénovation des routes sont très prometteurs. Certains procédés permettraient l’utilisation d’enrobés recyclés à hauteur de 70 % (contre 17 % actuellement alors même que la loi de transition énergétique pour la croissance verte affichait un objectif de 60 %). Les futurs travaux liés au réseau Inspire devraient pouvoir s’appuyer sur ces techniques afin de réduire au maximum notre besoin en matières premières. 

– ensuite, accompagner le déploiement de zones de dépôt et de recyclage notamment dans le cadre du PLUi. Plus le maillage de proximité sera dense, plus le gisement de matériaux recyclés pourra être grand. A ce titre, l’ancienne carrière de Châteauguay pourrait faire office de centre de stockage ou de tri. 

– enfin, cibler la production de l’habitat via le renouvellement urbain. C’est ce qui est prévu dans le Programme Local de l’Habitat. Cet engagement devrait augmenter le gisement de matériaux à recycler et donc le gisement de matière première secondaire. 

L’analyse de nos besoins doit aussi être mise en perspective avec les évolutions réglementaires. La mise en place d’une Responsabilité Elargie du producteur sur les déchets du BTP devrait booster fortement le tri, la collecte et la production de matériaux recyclés. Les objectifs affichés par la loi en matière de recyclage sont ambitieux : 45 % de recyclage au global en 2027 et 60 % pour le béton. Le réemploi devra lui atteindre 5 % des gisements collectés. Un maillage de point de dépôt devra aussi être mis en place pour permettre à chaque chantier d’avoir une zone de dépôt à 20 km. 

=> Plus que l’ouverture d’une nouvelle carrière, qui n’engage notre responsabilité que de manière très superficielle, c’est sur un plan de sobriété que nous devons nous impliquer en discutant avec les professionnels. Cela demandera bien plus d’investissement de notre part, mais nous nous devons d’être à la hauteur des défis que nous pose le changement climatique. Ne nous cachons pas derrière une certaine fatalité pour choisir la facilité. Si nous devons assumer l’ouverture de cette nouvelle carrière, nous le ferons. Mais avant toute chose, travaillons ensemble à une alternative crédible.  

Pur conclure, la procédure de mise en compatibilité utilisée dans le cadre de cette délibération ne garantit aucunement d’une procédure de concertation, ni même d’une évaluation environnementale, et semble vouloir pérenniser un fonctionnement qu’il est de notre devoir d’essayer de modifier. Une simple enquête publique ne semble absolument pas à la hauteur des enjeux. A ce titre, nous demandons une révision du PLU permettant de débattre collectivement des orientations et des alternatives à l’ouverture. En l’état, nous nous abstiendrons donc de voter cette délibération.