[5] Une meilleure gestion des eaux pluviales : pour une métropole perméable
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Selon l’observatoire de la biodiversité, le rythme d’imperméabilisation des sols équivaut à la disparition d’un département français tous les 11 ans. Outre l’impact paysager, ce processus d’artificialisation réduit le phénomène d’infiltration des eaux pluviales et rend nos villes plus vulnérables au dérèglement climatique.  
  

Pendant des décennies, les villes se sont étendues et structurées sans prendre en compte la question de la perméabilité. La question des eaux pluviales est alors considérée comme une simple contrainte qu’il fallait évacuer au plus vite. La solution privilégiée est de favoriser le ruissellement jusqu’au réseau d’assainissement, emportant les déchets et la pollution rencontrés lors de son écoulement. En cas de fortes pluies, il peut arriver qu’un rejet important soit réalisé directement dans le milieu naturel, sans traitement, pouvant générer des pollutions non négligeables des milieux naturels.   

Avec des sols de plus en plus imperméables et des espaces de plus en plus urbanisés, des solutions curatives ont été mises en place : construction de bassins de rétention d’eaux pluviales encore plus grands, remise en conformités des branchements ou mise en place de système de dépollution à la sortie des réseaux. Par cette technique, il faut prévoir des infrastructures de collecte et de traitement mieux dimensionnées et des coûts de fonctionnement et d’investissement toujours plus importants.  

Voir les eaux pluviales comme une ressource  

Le changement de regard sur la gestion des eaux de pluie est assez récent. Certaines collectivités ont été en avance sur cette question, comme la communauté d’agglomération de Douaisis dans le Nord. Dès les années 90, elle met en place une gestion des eaux pluviales à la source, dès son point de chute (appelée aussi gestion intégrée). L’objectif est d’éviter que les eaux de pluie ne passent pas les réseaux d’assainissement en favorisant son infiltration par les ouvrages végétalisés pour à terme abonder les nappes phréatiques. L’absence de ruissellement par infiltration direct sur son point de chute permet alors d’éviter aux eaux pluviales de se charger en éléments polluants.   

Il faut donc réfléchir tout espace urbain en lui donnant une fonction supplémentaire : celle de réservoir d’eau. Il n’y a pas de solutions plus efficaces ou économiques que la végétalisation pour répondre à cet enjeu.   

D’autant plus, que celle-ci permet de répondre à d’autres grandes problématiques auxquelles sont confrontées les collectivités : création d’îlots de fraîcheur pour faire face aux épisodes de canicule, répondre à une demande de plus grande biodiversité.  
   

Par ce choix politique, outre les bénéfices environnementaux, les collectivités peuvent alors réalise ses économies d’investissement dans les réseaux : pour l’agglomération du Douaisis, celles-ci se chiffrent à plus d’un million d’euro par an sur son service eau.  

Quels outils pour les collectivités ?  

Que ce soit en termes d’aménagement de l’espace public ou de dispositifs de planification urbanistique, la collectivité possède toute une palette d’outils pour désimperméabiliser ou éviter l’artificialisation.   

Au sein de ses services voirie ou urbanisme, un travail important est à faire pour inciter à la mise en place systématique de noues végétalisées, l’utilisation de revêtements poreux pour les voiries, la proposition de parkings infiltrants ou végétalisés. Les parcs et aires de jeu doivent être aménagés en tant qu’équipements capables de jouer un rôle d’éponge en les décaissant pour y stocker les eaux pluviales, en favorisant les espaces verts ou en y dirigeant les eaux pluviales pour permettre leur infiltration. Le futur parc au pied de la Tiretaine dans le quartier Fontgiève est un exemple concret de cet espace urbain modulable, adaptable aux contraintes climatiques.   

Pour rendre systématique leur utilisation, un important travail de transversalité est à mettre en place par un dispositif d’accompagnement au changement de pratique de la part de tous les services concernés.   

Le code de l’urbanisme facilite aussi la prise en compte des enjeux d’infiltration d’eaux pluviales dans les documents d’urbanisme, dont le Plan Local d’Urbanisme. Outre la mise en place de coefficient de pleine terre ou du CBS, l’intégration du zonage pluvial est un vrai levier d’action pour une gestion à la source. Ce document permet de mieux formaliser les politiques de gestion des eaux pluviales et de leur ruissellement. Elle cartographie les différentes mesures pour une prise en charge de l’infiltration des eaux de pluie à la parcelle, la conservation de surfaces non imperméabilisées ou la détermination d’un seuil maximal de surfaces imperméabilisées.   

A la suite de ces différentes actions, l’agglomération du Douaisis a présenté des résultats plus que convaincant : réduction des besoins de stockage intermédiaire, 2 fois moins de déversement issu des déversoirs d’orages ; les volumes globaux rejetés ont été divisés par trois.  

Dans le même ordre, la ville de Paris a adopté depuis 2018 son plan Paris Pluie sur lequel s’appuie un règlement de zonage d’assainissement opposable. Son objectif est clair ; rendre l’eau de pluie parisienne le plus utile possible. Pour cela, la Ville de Paris propose un guide d’accompagnement avec un descriptif de chaque action réalisable (de la réutilisation de l’eau pour son jardin à la désimperméabilisassions d’une cour …), ainsi qu’un lien vers les dispositifs d’aides financières portées par la Région ou l’Agence de l’Eau Seine Normandie. L’objectif est de pouvoir à terme traiter les petites pluies à la parcelle par infiltration, si le sol et la géologie le permettent.   

Une nouvelle ambition pour Clermont Auvergne Métropole  

Un zonage d’assainissement pluvial existe, réalisé en 2011, mais n’émet des prescriptions à la parcelle que pour les débits de fuite et les volumes de stockage. La Métropole souhaite changer de paradigme et passer du petit cycle de l’eau, celui des canalisations, au grand cycle de l’eau, celui de la nature et des techniques d’infiltration ou d’évapotranspiration qui y sont liées et réalisables à la parcelle.   

Cependant, les risques ne sont pas nuls. Il est nécessaire de connaître précisément la nature des sols : la présence d’argile peut entraîner des phénomènes de mouvements de terrain, des cavités peuvent se créer par l’infiltration dans le gypse… Le territoire métropolitain possède une grande variété de caractéristiques géologiques. Il sera donc nécessaire, en complément d’un nouveau schéma pluvial, d’étudier les possibilités d’infiltration préalablement à la mise en place de tout dispositif.   

En parallèle, les travaux portées par la Métropole pour l’élaboration de son PLU seront l’occasion de renforcer ces dispositifs (notamment dans les calculs de CBS) et d’y intégrer les nouvelles dispositions de zone pluviales   

Nous pouvons et même devons changer de paradigme sur notre gestion des eaux pluviales. De statut de “déchet” à évacuer, ces eaux doivent être au contraire utilisées comme une ressource précieuse pour l’adaptation de nos territoires urbains au changement climatique. Sa préservation peut être aussi l’opportunité de renforcer nos dispositifs de réappropriation de la nature en milieu dense. A terme, cet engagement peut s’engager plus globalement dans des luttes importantes pour les milieux urbanisés : la réduction des îlots de chaleur, l’alimentation des nappes phréatiques et la réduction des pollutions  

[A suivre]