« Pour prendre le virage de la transition énergétique, il faut miser sur la territorialité »
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L’édition 2013 du Forum mondial de l’économie responsable aura lieu du 23 au 25 octobre. Les coopérations entre territoires et entreprises y occuperont une place centrale.
Dans un monde bouleversé par les évolutions – économique, industrielle, sociale, environnementale, numérique… – sans cesse plus rapides, le développement des entreprises semble être indissociable d’une forte coopération territoriale. Une coopération entre les entreprises elles-mêmes, mais aussi entre ces réseaux d’acteurs économiques et les pouvoirs publics locaux. C’est la conviction de Philippe Vasseur, président du conseil de surveillance de Crédit Mutuel Nord Europe, également à la tête de la Chambre régionale de commerce et d’industrie Nord - Pas-de-Calais, territoire qui vient d’élaborer un plan stratégique pour faire de la transition énergétique un synonyme de performance.

 

  • Pourquoi jugez-vous obsolète notre modèle économique ?

En tant que chef d’entreprise et président de la CCI Nord, je constate, sur le terrain, la difficulté de certaines organisations à négocier le virage de la transition énergétique, que j’appelle pour ma part troisième révolution industrielle. Les entreprises qui ne seront pas capables d’opérer cette mutation sont vouées à disparaître. Je suis donc intimement convaincu qu’il y a urgence à construire un nouveau modèle économique, compatible avec la création d’activité et d’emplois. Pour y parvenir, la première étape est le rétablissement de la notion de responsabilité. Certes, la responsabilité prioritaire d’un chef d’entreprise est économique : une organisation qui ne fait pas de profit ne peut ni se développer, ni investir, ni innover, ni embaucher… Néanmoins, la rentabilité peut trouver son terreau dans la RSE. De bonnes pratiques existent déjà. Il faut les partager, connecter les acteurs entre eux. La territorialisation de l’action joue un rôle d’accélérateur.

  • Qu’entendez-vous par « territorialisation de l’action » ?

Pour passer du stade des vœux pieux et des grandes théories à l’action, la dimension locale et la notion de territoire sont indispensables : à l’échelle d’une ville, l’expérience serait anecdotique ; elle serait irréalisable à l’échelle d’un pays. La région, elle, est une aire géographique signifiante (avec un bassin démographique suffisamment important et les entreprises qui vont avec) permettant de bâtir quelque chose qui ne soit pas marginal. Et à l’intérieur de laquelle se mêlent une communauté d’intérêts, une communauté économique, une communauté historique… En outre, il faut avoir une réelle appréhension de la réalité quotidienne de la population. Et, enfin, une volonté collective est plus facile à mobiliser sur un territoire régional qu’à une plus grande échelle.

 

  • Est-ce cette démarche que la région Nord est en train de concrétiser avec son plan stratégique ?

En effet. Nous avons sollicité Jérémy Rifkin, grand spécialiste de prospective, afin de structurer la mutation de notre région. Bien qu’ayant subi d’importants bouleversements, à commencer par l’épuisement de la réserve charbonnière, le Nord – qui représente 2,2 % du territoire national, avec 4 millions d’habitants et un PIB de 100 milliards – compte de grandes entreprises, leaders mondiaux dans leur secteur (Auchan, Bonduelle, Roquette…). Fort de cela, nous devons organiser notre développement économique futur. Elaboré par la CCI avec Jérémy Rifkin, en partenariat avec les ­conseils général et régional, le « Master Plan » est une feuille de route. Dans le cadre de celle-ci, nous avons constitué huit groupes de travail pour développer des thèmes majeurs (efficacité énergétique, énergie renouvelable, bâtiments producteurs d’énergie, stockage de l’énergie, mobilité douce, réseau intelligent, économie de la fonctionnalité, économie circulaire). L’objectif est de projeter le Nord - Pas-de-Calais dans la troisième révolution industrielle, en faisant de notre région une sorte de laboratoire.

  • Comment sera financée la transition énergétique en Nord - Pas-de-Calais ?

L’idée est de faire un appel public à l’épargne, en quelque sorte de faire de nos concitoyens des « consom’acteurs » de la troisième révolution industrielle. Là aussi, les notions de territorialité et de proximité sont essentielles. En mettant son épargne au service de la création régionale d’activité et d’emplois, les personnes qui entrent dans ce fonds se projettent dans l’avenir, se disant que leur soutien bénéficiera à leurs enfants ou leurs petits­enfants. Nous ne souhaitons pas mettre en place l’émission d’actions, à laquelle nous préférons un produit stable : si les épargnants ne gagnent pas d’argent, ils ont en revanche la certitude de récupérer leur mise.

  • Comment ce « Master Plan » va-t-il se concrétiser sur le terrain ?

Le « Master Plan » sera présenté en clôture du World Forum de Lille, le vendredi 25 octobre. Cette présentation sera couplée avec la démonstration d’initiatives expérimentales, publiques et privées. Puis nous procéderons, dès 2014, à des opérations concrètes. Afin de connecter, de fédérer tous les acteurs de la région, les 1.000 salariés de notre réseau consulaire se plieront au porte-à-porte, pour expliquer les enjeux et les opportunités. Du chef d’entreprise au simple particulier, chacun doit pouvoir s’emparer de la dynamique de ce projet.
Julie Le Bolzer

Source : Les Echos.fr