Hébergement d’urgence : quelles réponses ?
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Lundi dernier, 362 personnes, dont quelque 150 enfants, quittaient à Clermont-Ferrand les chambres d’hôtel dans lesquelles elles étaient logées au titre de l’hébergement d’urgence. Les élus EELV de Clermont-Ferrand condamnent vigoureusement l’incurie des services de l’État qui ont laissé l’urgence s’ajouter à l’urgence, et ce, à la veille de la rentrée scolaire.

Mais au-delà de la condamnation, quelles réponses peut-on apporter à une situation qui ne cesse d’empirer sous les coups de boutoir de la crise et de la récession ?

Une telle situation est doublement révoltante :
– les plus démunis sont aussi ceux qui nécessitent le plus de soin et de précaution pour trouver la voie d’une insertion patiente et durable ; que la puissance publique soit à l’origine d’une précarisation accrue de leurs conditions de vie est tout simplement choquant.
– révoltante aussi, en cela qu’elle révèle encore une fois l’ineptie d’une politique – ou plutôt non-politique – menée en dépit du bon sens.

Prendre la question de l’hébergement d’urgence par le petit bout de la lorgnette budgétaire, c’est contribuer à ne pas la poser telle qu’elle devrait l’être : comme une étape nécessaire vers l’insertion sociale, scolaire et professionnelle.
Les associations mobilisées sur l’hébergement d’urgence réclament depuis des années l’élaboration d’une politique structurée en la matière.
En décembre 2012, lors de la conférence sur la pauvreté, le gouvernement avait annoncé une série d’efforts substantiels tant sur le nombre de places d’hébergement que sur l’évaluation des besoins par territoire. En clôture de cette conférence, Jean-Marc Ayrault avait annoncé la création pour 2013 de 4 000 places d’hébergement d’urgence et de 4 000 places en Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), soit 8 000 places au total. Avec les 1 000 places déjà budgétées pour 2013, c’étaient donc 9 000 places d’hébergement supplémentaires qui devaient être attribuées au secteur cette année.
« Nous attendions une loi de programmation et nous avons eu uniquement des mesures d’urgence, certes significatives, pour 2013, mais pas de réforme structurelle », déplorait cependant la FNARS (Fédération Nationale des Associations d’accueil et de réinsertion sociale ), qui regroupe plus de 800 acteurs.

Sans politique structurée, l’hébergement d’urgence et la lutte contre la pauvreté ne servent quà abonder un puits sans fond. Surtout si les effets redoublés des crises (2008 et 2011) contribuent à submerger des dispositifs d’urgence. Durant toute l’année 2012, les structures d’accueil départementales ont été prises d’assaut, partout en France. Dans les grands centres urbains comme dans les zones rurales. Dans le dernier baromètre du 115 réalisé par la FNARS, l’explosion des demandes d’accueil ont doublé, voire triplé selon les  territoires ; les taux de réponses (positives) se sont effondrés avec parfois, près de 8 à 9 refus sur dix appels.

 

Qui sont les demandeurs ?

Selon la Fnars, les demandeurs d’hébergement sont majoritairement des familles (46 %). Elles enregistrent le plus de réponses négatives car les structures susceptibles de les recevoir sont moins nombreuses. 64 % de leurs appels n’aboutissent pas à une proposition de mise à l’abri.
– Les hommes seuls représentent 37 % des appelants et les couples sans enfants 7 %.
– 52 % des personnes qui contactent le 115 sont issues des pays hors Union européenne.
– 25 % ont la nationalité française. Pour 14% des demandes, la nationalité n’a pas été renseignée, l’information n’étant pas obligatoire.
– Les durées d’hébergement sont en majorité d’une nuit (56 %). En raison de la pénurie de places, beaucoup de départements appliquent l’alternance pour répondre au plus de demandes possibles.

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Les sans-abris sont rejoints dans la rue par les victimes de systèmes sociaux défaillants : les demandeurs d’asile, les sortants de prison ou encore les personnes atteintes de troubles psychiatriques ou d’addiction.
En 2012, l’INSEE comptait près de 140 000 personnes sans domicile, soit 50% de plus qu’en 2001.

Face à un tel afflux, la réponse publique est restée ponctuelle et strictement focalisée sur l’urgence ; en gros sur la cautère et sa jambe de bois. Inefficace et très coûteuse, qui plus est. En effet, l’hébergement en hôtel est une aberration sociale et familiale et ne peut en aucun cas faire office  de solution pérenne dans le cadre de l’hébergement d’urgence.
On estime que cette forme d’hébergement subie, par les familles comme par les associations, engendre un coût de près de 6 000 euros par an et par personne. Quant à l’accueil en centre d’hébergement, il coûterait près de  17 000 euros.

 

Quelles réponses apporter ?

  • Une politique de l’offre – Une politique tournée vers l’offre globale de logement afin de desserrer la contrainte dans les zones les plus tendues : on estime à 500 000 le nombre de logements nécessaires pour répondre à la demande en France. Avec l’effet de la récession, l’année 2013 sera encore loin d’atteindre ce seuil. La libération de l’offre passe par une batterie de mesures : libération du foncier, allègement des coûts de construction, réduction de la vacance, conversion des bureaux en logements, densification de la ville (phénomène dit des dents creuses)…

 

  • Une offre différenciée – L’émergence d’un secteur dit du logement intermédiaire pour les classes moyennes (via l’habitat coopératif notamment), chaînon manquant entre le parc privé et le logement social. Débouché naturel d’un parcours résidentiel dans le parc social, il permettrait de donner du souffle au logement social et de l’orienter vers une gamme de logements très sociaux, pour les plus défavorisés. Promesse de campagne de François Hollande, les logements « super PLAI »(Plan Locatif aidé d’Intégration) devront répondre à cet objectif… s’ils figurent dans le projet de loi Duflot 2 sur le logement.

 

  • Un Droit de priorité locatif  – Enfin, la pérennisation et l’extension via la loi des expériences d’intermédiation locative, du type Louer Solidaire ou Solibail : il s’agit pour un bailleur privé de confier son logement à une association qui en assure la gestion au bénéfice de ménages modestes. Par rapport au centre d’hébergement (17 000 euros), à l’hôtel (6 000 euros), l’intermédiation locative ne coûte que 3 000 euros par an et par personne. Elle permet en outre un suivi, plus serré des familles concernées par les travailleurs sociaux que ces associations agrémentées rémunèrent. Sur Clermont-Ferrand, l’Atelier Logement Solidaire est en train d’expérimenter une démarche de ce type.

La difficulté réside dans le manque de logements  : les bailleurs privés hésitent à louer leurs biens dans ces conditions. Pour y répondre, un amendement portant sur le « Droit de priorité Locatif » devrait bientôt être discuté à l’assemblée : il autoriserait les collectivités locales à capter de façon prioritaire les logements locatifs mis sur le marché afin de répondre à la demande des ménages prioritaires au titre du DALO (Droit au Logement Opposable ; 46 000 personnes). Procédure plus simple que la réquisition souvent invoquée, mais très lourde à mettre en oeuvre, le droit de priorité locatif permettrait aux collectivités de se dégager un volant de logements à mettre à disposition des associations d’intermédiation.

Si l’urgence des situations précaires commande des réactions urgentes, elle ne trouve de solution valable qu’en se fondant sur des orientations de long terme. Mais la dictature de l’immédiateté s’accommode bien mal de ces exigences contradictoires.