Haro sur les collectivités locales !
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Le chef de l’État voudrait-il en finir avec la décentralisation, voire remettre en cause le principe constitutionnel de « libre administration des collectivités territoriales » qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Le flou artistique du candidat Macron accouche d’un président en triple porte-à-faux plutôt périlleux pour les territoires qui se retrouvent en première ligne des défis majeurs de notre époque.

En porte-à-faux avec ses proclamations électorales qui l’avaient vu se fendre de la promesse d’un « pacte girondin » avec les pouvoirs locaux, ce qui aurait pu produire l’effet d’une vraie révolution dans cette France si jacobine et étatiste.

En porte-à-faux avec son prétendu libéralisme qui loin de libérer les énergies locales contribue à les asphyxier le plus possible sous couvert d’économies et/ou de rationalisations.

En porte-à-faux, enfin, avec son ambition d’un soi-disant nouveau monde, dont les enjeux vitaux se déploient différemment sur chaque territoire, laissant les collectivités locales en première ligne, malgré les inégalités de leurs ressources, pour faire société en faisant face à ces défis, écologiques, sociaux…

La politique de contractualisation que l’État veut mettre en place pour contraindre le bloc local à la diète budgétaire produira des effets en chaîne bien plus sévères que la réduction brutale des dotations versées aux collectivités durant le précédent mandat : en plafonnant la hausse des dépenses de fonctionnement, comme le ratio de désendettement des collectivités, le gouvernement ampute l’autonomie de nos collectivités locales, leurs capacités d’anticipation budgétaire et de réponse aux urgences du quotidien sur chaque territoire : urgences écologiques, sanitaires, sociales…que les récents projets de loi sur le logement, l’hôpital, l’enseignement, le ferroviaire ne font qu’amplifier.

Cette logique comptable est ubuesque qui considère le soutien à la mobilité propre ou le logement d’abord comme des dépenses de fonctionnement et donc des charges à réduire absolument!

Par exemple, la subvention de Clermont Auvergne Métropole allouée au SMTC au titre de la politique de mobilités et celle allouée au programme expérimental dit ‘Un logement d’abord’ » font parties intégrantes de l’enveloppe de dépenses encadrées à +1, 2 % (inflation comprise). Enveloppe au-delà de laquelle des pénalités sont infligées aux collectivités « fautives » sur leurs dépenses de fonctionnement : de quoi creuser plus sérieusement encore la spirale déflationniste des dépenses et des investissements locaux ! Clermont Auvergne Métropole pourrait être ainsi pénalisée de près de 4 millions d’euros en 2019.

Le candidat des métropoles et des territoires dits en croissance s’avère le désormais Président de l’étouffement des capacités d’investissement des métropoles : un comble de plus !

Par ailleurs, l’exonération annoncée de 80 % de la taxe d’habitation touchera de plein fouet l’une des ressources centrales du bloc communal, en le privant d’une ressource (prétendument compensée), mais surtout de l’un des derniers leviers d’autonomie fiscale et économique.

L’ensemble de ces dispositions aboutit, après quelques années de réduction massive de la Dotation Globale de Fonctionnement, à une remise en cause du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales, principe fondamental de la décentralisation.

L’AMF (Association des Maires de France), l’ADF (Association des Départements de France) et Régions de France tirent en ce mois d’avril 2018, la sonnette d’alarme sur la politique « jacobine » du gouvernement vis-à-vis des collectivités territoriales en pointant du doigt « une recentralisation extrêmement puissante et contraire à l’intérêt du pays » avec « un risque sérieux de dégradation des politiques publiques territoriales dans les années à venir. »

L’efficacité tant recherchée par le gouvernement de « l’entreprise France » pourrait être sérieusement compromise par cette opération de mise sous l’éteignoir des collectivités, des pouvoirs et des libertés locales. Ou quand l’austérité transférée sur les collectivités confine au jacobinisme, malgré l’affichage volontiers girondin et ‘contractualiste’ du gouvernement.