Habitat collectif : le bois prend racine
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Dans l’air du temps, le bois ? Pendant de longues années, il est resté limité au secteur de la maison individuelle. Plus de 10 % des maisons neuves sont fabriquées avec ce matériau, qui est aussi prisé lorsqu’il s’agit d’agrandir ou de surélever son pavillon (il faut dire qu’il est cinq fois plus léger que le béton).

Mais le bois commence à faire une incursion remarquée dans le logement collectif. En janvier, le bailleur social Toit vosgien a livré à Saint-Dié-des-Vosges (Vosges) un immeuble passif (il produit plus d’énergie qu’il n’en consomme, grâce aux installations photovoltaïques notamment) de 7 étages.

Conçue en bois et dotée d’une isolation extérieure en caissons de paille, cette résidence de 26 appartements est, à ce jour, la plus haute de France.

LES PROMOTEURS PRIVÉS ENTRENT DANS LA DANSE

Un autre bailleur social, le groupe 3F, construit actuellement deux opérations à Saulx-les-Chartreux dans l’Essonne (30 appartements) et à Rive-de-Gier dans la Loire (60 appartements).

Cette impulsion se retrouve également du côté des collectivités locales. La communauté urbaine de Strasbourg a décidé de réaliser dans la zone d’aménagement concerté (ZAC) du Port-du-Rhin un quartier où tous les immeubles seront en bois et s’érigeront sur 5 à 11 étages. Il comprendra 400 logements, 1 400 m2 de commerces et 800 m2 de bureaux.

Les promoteurs privés commencent aussi à entrer dans la danse. Bouygues Immobilier va justement réaliser, sur ce lot de la ZAC strasbourgeoise, 135 logements en accession à la propriété sur 11 niveaux.

A l’heure du développement durable et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, les qualités environnementales de ce matériau séduisent. «Le bois est écologique, recyclable et capable de stocker du CO2. Son bilan carbone est imbattable», explique Alain Vargas, architecte chez Tectoniques, à Lyon.

Autre vertu : une telle structure permet d’obtenir de bonnes performances énergétiques, de ne pas utiliser d’énergies fossiles, et donc de maîtriser le niveau des charges. Avec le bois, la facture de chauffage est divisée par trois.

DÉLAI DE CONSTRUCTION DEUX FOIS PLUS RAPIDE

« A Saint-Dié, le montant des charges d’eau et de chauffage s’élève à 132 euros par an », souligne Jean-Pierre Gremmel, directeur du Toit vosgien. C’est trois fois moins que pour un bien du même type en construction traditionnelle. De quoi compenser le surcoût à l’achat : les prix étant de 5 % à 10 % supérieurs à ceux d’une construction en béton.

A Strasbourg, par exemple, Bouygues vise un prix moyen de 3 400 euros le mètre carré contre un prix du marché dans le neuf en béton de 3 200 euros.

Autre avantage, le délai de construction est presque deux fois plus rapide que pour une construction classique. Ici, ni fabrication sur place du béton ni allées et venues incessantes des camions toupie, l’immeuble étant monté en kit grâce à d’énormes panneaux préfabriqués en usine.

« Parfois, ces opérations disposent de fondations et d’un noyau [cage d’ascenseur et escaliers] en béton. Mais, le 100 % bois est tout à fait possible », indique Pascal Gontier, un architecte parisien, qui a réalisé des immeubles d’habitation en ossature bois dans les 14e et 20e arrondissements de la capitale.

NORMES DE SÉCURITÉ

Les promoteurs expliquent aussi que, par rapport au béton, une structure en bois offre un gain de place sur l’espace intérieur. Alors idéal ? « Attention au bruit, l’isolation phonique des planchers doit être soignée avec des épaisseurs de sol plus importantes, de l’ordre de 50 cm contre 20 cm pour le béton », relève M. Gontier.

Autre sujet sensible : le feu. Contrairement à une idée reçue, un immeuble doté d’une coque en bois résiste bien aux flammes. « Il brûle à 400 degrés. De plus, on connaît sa durée de consumation. Cela permet aux pompiers de calculer le temps d’évacuation de l’immeuble. C’est plus prévisible qu’une structure en acier qui, sous l’effet de la chaleur, peut céder ou se déformer à tout moment », ajoute Julien Pemezec, directeur général de Woodeum Développement, spécialiste de l’immobilier d’entreprise.

Reste qu’en pratique le bois a du mal à répondre à toutes les normes de sécurité françaises, qui ont été rédigées pour des immeubles en acier et en béton. Selon les professionnels, les textes pourraient évoluer afin de faciliter un peu plus la réalisation de constructions en bois.

Laurence Boccara

Source : LE MONDE | 14.06.2014