Clermont : le vélo doit changer de braquet
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Avec le lancement du C’Vélo, Clermont-Ferrand vise le maintien du 1% actuel de la part du vélo dans les déplacements locaux ; voire, à terme, les 2% de la moyenne nationale. L’arrivée du Vélo en Libre Service (VLS) permettra-t-elle de combler le retard auvergnat en la matière ? Il y a lieu de s’interroger.

Avec seulement 77, 48 km de pistes, Clermont reste une ville sous-développée en terme de parcours cyclables. Dijon, une ville de taille semblable, s’est dotée de quelque 234 km quand Strasbourg, capitale française de la petite reine en totalise près de 560…
La faute au relief, à une forte culture automobile ainsi qu’à la forte densité des centres historiques, avance-t-on souvent. La faute aussi – moins avouable – à un manque évident de volonté politique. Si le lancement du VLS doit beaucoup à l’acharnement des élus écologistes, force est de constater que l’élan initial a essuyé les résistances pour le moins conservatrices de nombre d’élus.

Le projet initial de Vélo en libre service du SMTC prévoyait le déploiement d’une flotte de 220 vélos dès le début, sur un périmètre élargi à l’agglomération. Mais la simple idée du VLS avait été refusée en juin 2012 par le comité syndical. Devant le tollé provoqué dans l’agglomération, ce même comité finit par se résoudre au projet actuel, projet réduit par rapport à l’idée de départ.

L’avenir du vélo à Clermont-Ferrand passe donc bien par un véritable changement de regard et de culture sur les déplacements.

 

De la culture automobile à une culture active

Changer de culture en matière de mobilité implique de renverser le sens de circulation : passer de la voiture au Transport en commun (TC) et même du TC au mode doux et actif.

Replacer les modes actifs et doux de déplacement au coeur d’une politique de mobilité, c’est ne plus voir le vélo et la marche en compléments nécessaires et ludiques de la voiture ou du TC ; mais en éléments essentiels des déplacements.

Un changement de culture s’initie d’abord par des changements symboliques et visibles : les élus écologistes avaient demandé à ce que le déploiement de C’Vélo ne soit pas étalé sur quatre ans mais massif et élargi dès le départ, et ce, afin de susciter l’adhésion la plus grande. C’est le nombre des cyclistes et l’importance de la pratique qui crée le besoin d’organisation de la circulation parmi les autres modes et notamment l’automobile.

Le succès rapide et visible d’une offre de vélo en libre service nécessite en outre :

  • la proximité des stations. Le succès des vélos en libre-service à Paris ou à Lyon tient au maillage assez dense des stations de libre service. On en trouve toujours une en pied d’immeuble et si elle est vide, une autre est présente quelques centaines de mètres plus loin.
  • une bonne connaissance des parcours et des flux de cyclistes : quelles stations sont toujours vides ? Quelles autres sont toujours pleines ? Comment se passe la recharge des stations ? Que faire lorsqu’un vélo est en panne ? L’évaluation et l’ajustement du projet devra se faire rapidement pour ne pas exaspérer les utilisateurs.

Enfin, dernier facteur de succès : le plan de circulation. Les pistes cyclables doivent devenir une priorité, les tournées à droite aux feux (rouges) doivent être autorisés pour les vélos…

Afin de renforcer le mouvement vers la transition vélocipédique, une initiative telle que C’Vélo pourrait être accompagnée de :

  • la mise en place de vélobus scolaires et/ ou professionnels
  • celle d’un code de la rue sous forme de charte négociée dans chacun des CVL (Conseils de la Vie Locale) sur le modèle de ce qui se pratique à Bordeaux.
  • du remboursement des frais de déplacement en vélo (autant que la voiture ou mieux)

 

Un besoin de législation

Un changement de culture – et de pratiques – se structure aussi via la mise en place de politiques, de législations et d’institutions. La consécration des modes de déplacement doux comme coeurs de la politique de déplacement nécessiterait la mise en place d’une AOMD (autorité organisatrice de la mobilité durable) dont l’objectif, comme son nom l’indique, n’est pas d’organiser les mobilités, mais d’élaborer des schémas de déplacement (hommes et marchandises) durables.

Au-delà de la seule question économique et pratique, la mobilité durable pose les questions de la mobilité sobre, décarbonée et socialement juste : elle interroge donc les compétences urbanistiques dont les intercommunalités vont peu à peu hériter (Loi Duflot puis Acte III de la décentralisation).

 

Penser un espace de déplacement pertinent

Aussi la mobilité durable pose-t-elle la question de l’échelle pertinente des mobilités : celle du bassin de vie, d’activités et de déplacements, en l’occurrence celle de l’agglomération.
En effet, un vrai plan de développement cyclable nécessite :

  • une prise de compétence intercommunale: Clermont Communauté pourrait prendre la compétence d’AOMD.
  • un schéma intercommunal avec un jalonnement dédié et indiquant les distances à parcourir qui serait défini dans le Plan de Déplacement Urbain (PDU)

le tout avec

  • un budget dédié sur un programme pluriannuel [Ce programme est prêt : le recensement des projets et besoins a été réalisé par l’association Vélocité 63 avec le service mobilité du SMTC et communiqué au service transports de Clermont Communauté depuis près d’un an…]

 

Une politique pour la ville de Clermont

Dans l’attente d’une prise en main des mobilités douces au niveau de l’agglomération, Odile Vignal, adjointe EELV à l’écologie urbaine et au développement durable, s’attache à faire progresser la cause du vélo sur la ville-centre. Avec un budget de 200 000 euros mais sans service municipal dédié, elle envisage :

  • l’élaboration d’une trame des cheminements piétons et cyclables , au même titre que les itinéraires motorisés
  • la mise en service (plus rapide que prévue) de 120 vélos supplémentaires, et si possible, sur toutes les communes de l’agglomération
  • le développement d’une billetique unique avec une carte de « crédit mobilité » : il s’agirait d’acheter un droit au déplacement sur les réseaux concernés (bus, train, vélo, autopartage…), droit à dépenser (avec une carte ou même par téléphone portable) en fonction des besoins.
  • le développement de l’offre de VAE (Vélos à assistance électrique) avec étude de prime à l’achat pour les particulier ; l’objectif étant de faciliter la circulation cycliste sur un territoire marqué par certains dénivelés.