Clermont : commerces et proximité (I)
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Clermont-Ferrand n’échappe pas à la déprise commerçante des centres-villes en France. La situation y est cependant particulière si ce n’est surprenante. Elle appelle une inflexion rapide et ciblée de la politique commerciale, voire un schéma stratégique communautaire, pour rééquilibrer l’activité économique.

Désaffection de la rue du 11 novembre, lent déclin de la rue du Port et du versant est de la butte clermontoise, disparition des commerces de quartier… Aucun doute, la crise des centres-villes et de leurs commerces est bien réelle à Clermont-Ferrand. Avec 9 % de taux de vacance des commerces, la ville frôle la cote d’alerte que le spécialistes fixent à 10 %.

Avec 8,5 % de moyenne nationale, il serait sans doute possible de se rassurer à bon compte. Mais avec ses 9 %, Clermont-Ferrand est non seulement au-dessus de la moyenne nationale, mais surtout bien au-delà de la moyenne affichée par les villes métropoles (6,8%).

Clermont, une ville frappée par la crise du commerce

Cette relative spécificité clermontoise est la résultante d’un cocktail de facteurs :

1- Une attractivité métropolitaine encore limitée – avec son université, ses écoles et son tissu industriel, Clermont-Ferrand dispose de quelques atouts d’une métropole ; mais ni tout à fait d’un cœur de ville métropolitain attractif, ni de politiques adaptées à son ambition métropolitaine.

Ce qui démographiquement sépare les villes moyennes des métropoles est le départ des populations jeunes, cultivées et argentées (les fameux « bobos ») qui préfèrent la périphérie proche à un coeur de ville trop étriqué. Clermont-Ferrand échappera-t-elle à ce processus de ‘déboboïsation’ ? Cela n’est pas encore tout à fait acquis. Or cette population qui choisit le coeur d’agglomération comme cadre de vie est une population qui aspire à des services et des commerces de proximité.

[Cela étant, une question plus complexe est de savoir comment réguler ce processus de retour de classes aisées pour ne pas tomber dans celui de la gentrification du coeur de ville et maintenir une exigence forte de mixité sociale.]

2- Le risque du suréquipement – en ayant les yeux plus gros que le ventre, Clermont-Ferrand s’est doté de capacités commerciales excédentaires, cédant encore récemment aux sirènes des promoteurs immobiliers tels que Klépierre qui ont fait miroiter l’attractivité métropolitaine pour mieux vendre l’extension du Centre Jaude, en Carré Jaude II. Les yeux rivés sur le produit financier que constitue un nouveau centre commercial (= indexer la valeur des murs sur le volume de loyers escomptés et se fonder sur cette valeur pour lancer de nouveaux investissements), ces groupes ne tiennent aucun compte des potentiels commerciaux ni de l’implantation… et livrent les centres-villes à des logiques de valorisation financière qui s’avèrent destructrices pour le commerce avoisinant et leurs concurrents.

Si à cela vous ajoutez l’arrivée tant désirée d’IKEA, la concentration et l’intégration des enseignes n’a cessé de se renforcer ces dernières années sur le bassin clermontois.

3- L’atrophie du commerce et de l’économie locale – la présence d’un commerce dans un quartier n’en fait pas forcément un commerce de proximité. La création de la Doume, la monnaie locale du Puy-de-Dôme l’année passée, nous a appris une chose dont on se doutait déjà : la quasi-inexistence d’une activité économique locale dans le commerce clermontois. Si la Doume s’implante solidement dans certaines zones du département, elle fait face à un véritable blocage au centre de Clermont-Ferrand, confrontée qu’elle est à la généralisation des commerces de chaîne et de franchise liées à des centrales d’achat échappant et détruisant l’économie et l’offre productives locales.

Les élu(e)s écologistes n’ont jamais cessé de tirer la sonnette d’alarme [cf]. En vain. En décembre 2013, le Carré Jaude II était inauguré en grande pompe. Aujourd’hui, le réveil est rude.

Des mesures sont prises, les derniers projets périphériques stoppés. C’est un moindre mal.

L’expérience montre partout, dans d’autres villes, d’autres pays, que l’impact d’une surcapacité commerçante ne se fait pleinement sentir qu’au terme d’un cycle de 5 à 6 ans. Si l’on retient 2014 pour les inaugurations successives d’IKEA et du Carré Jaude II, il est possible que nous n’ayons une idée des conséquences de ces ouvertures sur le tissu commercial local qu’aux environs de 2020.

[Partie 2]