Cancers du sein et de la prostate : la France sur le podium
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Pour le cancer du sein, la France est le troisième pays le plus touché dans le monde. Pour le cancer de la prostate, notre pays réalise l’exploit d’occuper les première (Martinique) et troisième (France métropolitaine) marches de ce sinistre podium.

« Un éléphant dans le salon. » Les anglophones ont la chance de disposer de cette expression qui décrit à merveille les situations dans lesquelles un problème est trop important pour ne pas être remarqué et où, dans le même temps, se dégage une sorte de consensus tacite pour estimer sa résolution illusoire. Le pachyderme peut s’installer tranquillement dans le petit salon : les convives poursuivent leurs conversations l’air de rien, chacun feignant d’ignorer sa présence. Il s’agit de ne pas être l’idiot qui, le premier, proposera aux autres de procéder à la délicate exfiltration de l’animal.

Il y a un peu de cela dans le plan cancer rendu public le 4 février. Bien sûr, il faut reconnaître que le texte a été largement salué pour ses ambitions premières : réduire les inégalités d’accès aux soins, améliorer les conditions de vie matérielles des malades, lutter contre le tabagisme (première cause de mortalité évitable), etc. Rompant avec un concert de louanges sans doute mérité, le Réseau environnement santé (RES) fait remarquer de son côté que deux éléphants sont bel et bien là, au milieu du salon.

Le premier est le cancer du sein, le second celui de la prostate. Ce sont les deux cancers les plus fréquents. Ce sont aussi ceux dont l’incidence (les nouveaux cas diagnostiqués par an) a le plus fortement augmenté au cours des dernières années, malgré la prise en compte du vieillissement de la population.

Et si l’on parlait des perturbateurs endocriniens

Pour le cancer du sein, la France est le troisième pays le plus touché dans le monde. Pour le cancer de la prostate, notre pays réalise l’exploit d’occuper les première (Martinique) et troisième (France métropolitaine) marches de ce sinistre podium.

Pourquoi une telle épidémie de ces cancers hormono-dépendants ? L’exposition diffuse aux produits dits « perturbateurs endocriniens » (certains pesticides, matériaux au contact des aliments, solvants, etc.) est l’un des principaux suspects. Il n’y a bien sûr pas de preuve épidémiologique définitive de ce lien. Et il n’y en aura sans doute jamais, du fait de l’ubiquité et des subtils modes d’action de ces molécules – effets différés, action à faibles doses pendant la période périnatale, etc. Cependant, les éléments de preuve rassemblés en février 2013 dans le rapport de l’Organisation mondiale de la santé et du programme des Nations unies pour l’environnement justifient amplement des mesures de prévention.

Or de cela, relève le RES, le plan cancer ne dit rien ou presque. Il renvoie à la Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, mais celle-ci, qui était attendue à l’automne 2013, n’existe toujours pas… Dommage.

Certes, les cancers du sein et de la prostate sont de mieux en mieux soignés. Certes, le tabac et l’alcool sont les principaux tueurs. Mais est-il juste que ceux qui ont décidé de ne pas prendre ces risques en courent d’autres, à leur insu ?

Stéphane Foucart

Source : LE MONDE | 08.02.2014