Auvergne : l’histoire du loup qui devient chèvre
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Le loup est aux portes de l’Auvergne et les éleveurs de nos départements s’alarment, manifestent et demandent la mise en oeuvre d’un « véritable plan loup ». Si les attaques du canidé sont de vrais traumatismes pour les éleveurs touchés, les difficultés majeures de la filière concourent à faire du loup un véritable bouc-émissaire. Un comble.

Les éleveurs auvergnats défilaient il y a peu à Clermont-Ferrand puis à Paris afin d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur le danger représenté par le retour du loup dans la région. En effet, le mythique canidé refait parler de lui depuis des attaques de troupeau survenues cet automne dans la région de Pradelles (43).

Les attaques de troupeau sont en effet traumatisantes pour les animaux survivants comme pour les éleveurs qui en sont victimes et se retrouvent démunis face à cette menace nouvelle puisque le prédateur avait disparu de France depuis les années 30.

En Italie et en Espagne, pays où l’espèce ne s’est jamais éteinte, et qui sont souvent cités comme des modèles de cohabitation entre meutes de loups et éleveurs, les mêmes problèmes se posent.

Des mesures de protection sont effectives depuis des années, qui relèvent de la prévention (abris, chiens, enclos) ou de pratiques de surveillance plus poussées. Cela étant, il a été constaté que dans les régions les plus fragilisées sur le plan de l’élevage, l’arrivée ou la présence du loup avait pu pousser les éleveurs les plus en difficulté à renoncer à leur métier.

La question est donc moins de démoniser le loup que de trouver des solutions pour sortir l’élevage, ovin notamment, de l’ornière dans laquelle les pratiques et les conditions des marchés le placent. Il semble que dans l’élevage comme ailleurs, les préoccupations écologiques servent de diversion aux véritables motifs de la crise.

« Il est vrai qu’il est plus facile de s’en prendre aux canidés qu’aux mécanismes du commerce international qui en trente ans ont fait chuter les cours de l’élevage ovins-viande de moitié ; ou aux mécanismes compensatoires de la PAC qui l’ont défavorisé par rapport aux autres productions d’élevage.

La filière se porte très mal et 2/3 du revenu des éleveurs provient des subventions publiques. Cette situation est insupportable et mérite un traitement urgent.

Certes les éleveurs sont en difficulté, c’est indéniable et j’en profite pour leur adresser mon soutien. Mais croire qu’en agissant sur les loups, on va résoudre le problème de l’élevage ovin est un leurre, le problème étant bien plus vaste que cela », déclarait le 1er décembre dernier, le sénateur écologiste, Jean-Vincent Placé.

Il est certain que le retour du loup doit être géré au mieux afin de permettre aux éleveurs de s’adapter sans charge financière supplémentaire, et qu’en cela, des plans et des mesures concertés doivent être mis en place pour aider la profession à franchir ce cap et à ne pas cumuler les handicaps dans une phase critique de l’évolution de la profession.

La réalité des chiffres

Le loup est en phase de recolonisation naturelle mais il n’est revenu que sur 0,5% de son aire de répartition originelle.

Sans minimiser les dégâts causés par le loup, les chiffres de 2012 révèlent 4920 attaques imputées aux loups, ou plutôt pour lesquelles la responsabilité du loup n’est pas exclue. Ce qui signifie que parmi ces morts, pour certaines subsiste un doute sur la cause du décès. Le cheptel ovin s’élevait alors à 7,6 millions de têtes environ en France, soit environ 700 000 individus dans les zones concernées par la présence des loups.

Ce qui signifie que cette année-là, 0,6% des ovins dans les zones de vie des loups sont morts peut-être à cause d’un loup, soit 0,06% sur l’ensemble des ovins de France.

Le loup est une chance

Protégé par la convention de Berne et par la directive européenne dite « Habitat Faune Flore », le loup revient naturellement dans notre pays depuis 1992, et sa population, estimée aujourd’hui à 250 individus, s’étend sur toutes les Alpes et commence à refaire son apparition dans la partie est des Pyrénées, le Massif Central, le Jura et les Vosges.

Le retour du loup dans nos territoires est une bonne nouvelle car cela reflète un enrichissement de la biodiversité. Et la diversité biologique est une ressource vitale, notamment pour l’espèce que sont les humains. Par exemple, le loup, prédateur naturel qui capture ses proies naturelles, empêche la concentration des grands ongulés sauvages qui compromettent la régénération naturelle de la forêt et les jeunes plantations. Il élimine les individus faibles ou malades empêchant la propagation des maladies.

D’un autre côté, le loup fascine. Il constitue un vecteur d’image sur la qualité des milieux naturels, support d’un tourisme respectueux de la nature.